Aller au contenu

Du vin sans soufre – Château le Puy

Du vin sans soufre qui voyage!
Du vin sans soufre qui ne craint pas la chaleur!
Du vin sans soufre qui s’améliore en vieillissant!
Du vin sans soufre qui est très bon!

On entend souvent dire que le vin nature, le vin sans soufre, doit toujours être conservé à moins de 14 degrés; qu’il ne voyage pas bien; qui doit se boire jeune… Ce qui semble vrai pour la plupart des vins nature.

Pourtant, nous avons bu cette semaine du vieux vin sans soufre qui a voyagé et qui n’a pas été conservé à 14 degrés! Et surtout, qui est très bon.

Des vins du Château le Puy 2014, 2012, 2011, 2010, 2001, 1990, 1964 et 1959. En rouge, rosé en blanc.

Jean-Pierre Amoreau du Château le Puy a fait le voyage de Bordeaux à Gatineau pour présenter ses vins aux habitués du bar à vin Soif de Véronique Rivest.

En pleine forme, le jeune homme de 77 ans nous explique avec enthousiasme comment lui et sa famille font le vin. C’est en culture en bio, en biodynamie, sans sulfites ajoutés, sans pesticides de synthèse, sans levures ajoutées.

Du très bon vin sans soufre ajouté, sans pesticides, sans levures ajoutées, c’est donc possible! Mais pourquoi alors des producteurs nous disent que c’est impossible ou trop difficile? «Si je peux le faire, tous peuvent le faire», nous répond Jean-Pierre Amoreau.

Avec son garçon, Pascal, les Amoreau en sont à la quatorzième génération sans chimique. «Mon grand-père était trop radin pour acheter du chimique lorsque les fabricants de bombes sont venus lui présenter leur nitrate et potasse après la Grande Guerre.»

La famille retourne même au cheval, parce que le tracteur compacte trop les sols qui ainsi encouragent une bactérie nuisible.

M. Amoreau explique qu’une feuille tombée au sol finit par nourrit la vigne. La feuille est mangée par des insectes qui produisent des excréments qui sont mangés par des micro-organismes qui descendent dans le sol, et ainsi sont mangés à leur tour par d’autres microbibites plus bas qui, finalement plus creux, sont digérées par des lombrics, ces vers de terre si utile à la vie, à l’aération et au drainage du sol. Des millions de micro-organismes au mètre cube. M. Amoreau est fier de nous dire que son domaine compte deux tonnes de verres à l’hectare. Ces millions de lombrics travaillent pour la famille.

Il ne faut pas tuer la vie dans le sol et dans la vigne. Si on tue tout, c’est là que les problèmes commencent et qu’il faut toujours plus de chimiques pour compenser.

Les levures naturelles
La plupart des producteurs de vin utilisent des levures achetées dans le commerce pour fermenter leurs vins. Pas les Amoreau, que des levures de leurs raisins, de leur chai. Plusieurs producteurs nous disent qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de laisser la nature faire son travail de levurage. Pourquoi? Selon Jean-Pierre Amoreau c’est parce qu’ils n’ont plus de levures dans leurs vignobles. Ils les ont tués avec le chimique, les pesticides, les engrais de synthèse qu’ils étendent à répétition sur leurs vignes.

Le domaine est situé sur un plateau au-dessus de Saint-Émilion sur des sols calcaires poreux qui font remonter l’eau par capillarité, donc des vignes qui ne manquent jamais d’eau et qui n’en ont pas trop non plus.

Le vin du voyage
Autrefois, les Anglais propriétaires de Bordeaux faisaient venir le vin par bateau. Le vin était meilleur après un voyage en mer. Jean-Pierre le marin, voulut donc refaire l’expérience. Depuis trois ans, il fait faire un tour en mer à quelques barriques. Bretagne, Espagne, Cap-Vert, Brésil, Caraïbe, Açores, Royaume-Uni, Danemark et retour en Bretagne. Toute une promenade! En eau chaude, puis froide, roulis et tangage sur un voilier. Air marin, iode, sel et autres embruns. «Des énergies différentes venant du Cosmos à différentes latitudes et températures et climats.» Le vin qui en ressort le Retour des îles 2012 est fabuleux, plus corsé (le corsaire), plus tendu que les vins terriens du domaine. Il a voyagé, il a vu du pays. Étonnant!

Cette histoire de 14 degrés
Pourquoi les vins sans soufre du Château le Puy ne craignent pas les tablettes chaudes de la SAQ? «Ils sont habitués au chaud-froid», nous dit M. Amoreau. «Ma cave n’est pas climatisée. Il y fait froid en hiver et chaud en été. Mon vin naturel s’y habitue.» Donc, ce n’est pas un vin moumounne!

Mais comment la direction de la SAQ, si frileuse (pour ne pas dire moumounne), accepte-t-elle un vin sans soufre? Eux qui craignent tant les retours et les demandes de remboursement. «En 1985, la SAQ a refusé mon vin. Je suis alors allé voir l’imposant Jocelyn Tremblay pour lui demander pourquoi. Parce que mon vin est sans soufre, donc pas bon, a répondu le boss de la SAQ. J’ai ouvert mon sac et lui ai fait goûter deux de mes vins. Alors: bon ou pas bon? Bon, a-t-il répondu. Je lui aussi promis de le rembourser s’il y avait des retours.» Est-ce qu’il a eu des retours? «Jamais!»

Vitamine B1
M. Amoreau dit que son vin est plein de vitamine B1. La vitamine n’a pas été tuée par les produits chimiques. Elle permet au foie de mieux digérer l’alcool.

Les cépages complantés
Les cépages ne sont pas séparés sur le domaine. Ils sont tous mêlés. Ils murissent tous en même temps d’ailleurs à la grande joie des vignerons.

Il y aurait un livre à écrire sur l’histoire récente et le travail des gens du Château le Puy, passons aux vins maintenant. Nous n’avons qu’un des sept vins du domaine à la SAQ. La cuvée de base, dite Émilien, du nom d’un grand-père. Les autres peuvent être obtenus en importation privée auprès de l’agence AOC.

Rose-Marie 2014
Un rosé composé de merlot; foncé presque rouge, savoureux, fermenté par dynamisation *. Se rapproche de ce que devait être un claret autrefois à Bordeaux. (65,26$)

Marie-Cécile 2014. Un blanc de sémillon. Pêche et poire, gras, ample et succulent. Vinification et élevage par dynamisation selon les phases de la Lune. (65,26$)

Émilien 2011. Un rouge au bouquet envoutant. Très belle structure. Fruité agréable et digeste. Merlot, cabernet sauvignon et carmenère. pH 3,38. Il a bien accompagné le tartare de saumon préparé par l’équipe de Soif. (28,85$)

Émilien 2010. Très aromatique, juteux, de beaux tanins. Pour M. Amoreau ce qui compte c’est l’équilibre 50-50 entre les tanins de la peau et des pépins. Actuellement à la SAQ dans 136 magasins. pH 3,37 709469 (28,85$)

Barthélémy 2011, 2010, 2001 (Les deux premiers: 174 et 191$ en février prochain). Barthélémy est la plus belle parcelle du domaine. Complantés 85 % merlot et 15 % cabernet sauvignon. Des vins extraordinaires. Du beau fruit pour le 2011; du café pour le 2010 (pH 3,24) et un fruité juteux superbe pour le 2001. Ils ont bien accompagné l’onglet de boeuf grillé préparé par l’équipe du bar à vin Soif.

Émilien 1964 et 1959
Sans soufre ajouté et ça dure encore! «Aucun oenologue n’entre chez nous. C’est la famille qui fait le vin.»
Ici, on est dans une autre dimension. Un 1964 d’un fruité adorable. Le 1959 a de l’âge et est sur des saveurs très tertiaires.

Le lendemain le 1964 s’est effondré développant de fortes flaveurs de pruneaux secs, alors que le 2001 était encore très beau.

Retour des îles 2012. J’en ai parlé plus haut. Corsé, texture lisse. pH 3,39. (381$)

Marie Élisa 2010 (200$ 500 ml) Le dessert fait de sémillon botrytisé. Sucré, mais sec; ample, mais fin; intense tout en étant délicat! Une douceur de méditation.

Des vins savoureux, goûteux comme on dit ici, tout en ayant une élégance certaine. Des vins de caractère, bien texturés, copieux, mais fins. Des vins différents. De belles expériences gustatives et aromatiques.

Ces vins ont été dégustés et bus  une journée fruit selon le calendrier biodynamique.

Sans soufre, mais un peu tout de même
La fermentation du raisin produit naturellement du soufre. Cette même fermentation mange aussi une partie du soufre qu’elle produit. Toutefois, il en reste souvent un peu. Prenons l’exemple, du Émilien 2010, présentement sur les rayons de la SAQ. Il contient 5 mg/l de soufre. Le 2011 en contient 26, dont 5,3 mg/l libre et seulement 0,2 d’actif.

Il est à noter aussi que les vins de cette maison contiennent une bonne quantité d’acide. Avec des pH de moins de 3,4, les vins sont bien protégés, et il n’est pas nécessaire d’ajouter des sulfites.

Si le vin n’est pas bon au départ, il ne sera jamais bon.»
«En visite chez un vigneron, demandez de déguster un vin d’une petite année. S’il est bon, vous pouvez acheter ses autres vins les yeux fermés.»

Trois critères énoncés par Jean-Pierre Amoreau pour juger un bon vin:

  1. Le vin doit désaltérer;
  2. Il doit être bon à la première gorgée (même si son style ne nous plait pas);
  3. Et surtout il doit être digeste.
_____

* Dynamisation
Opération effectuée dans la viticulture biodynamique pour préparer les tisanes à être pulvérisées sur les vignes. Utilisée aussi dans les vins au Château du Puy afin de permettre à l’énergie cosmique de bien pénétrer dans le vin. Cette opération consiste à créer dans une barrique (225 litres) un tourbillon appelé vortex, puis à l’inverser vigoureusement, pour créer ce qui est appelé le chaos. Cette opération est répétée sur plusieurs mois.

Site du Château le Puy
Site de l’agence AOC
Site du bar-resto Soif de Véronique Rivest