3,68 $. C’est le coût de production d’une bouteille de bordeaux.
Selon la Chambre d’Agriculture de la Gironde qui a fait une étude dite pointue sur le coût de production du vin de Bordeaux, 2,88 euros est le montant qu’il en coute pour produire une bouteille de vin dans la région de Bordeaux.
Selon le Journal du vin, «les conseillers viticoles de la Chambre ont donc détaillé, et presque décortiqué, toutes les dépenses qu’un vigneron a du faire pour cultiver sa vigne, en prenant pour exemple deux propriétés type : un vignoble de 25 hectares, produisant du vin d’appellation bordeaux rouge, sur une vigne plantée à 3.300 pieds par hectare, mais dont l’un vend son vin en vrac, et l’autre en bouteilles.»
Conclusion, pour le millésime 2012, le prix réel de production pour un tonneau de 900 litres est de 1078 euros si on le vend en vrac et de 1271 si on le vend en bouteille.
Un tonneau c’est 1200 bouteilles, donc 2,88 euros la bouteille ou 3,68 $.
La Chambre d’Agriculture dit que tout a été pris en compte «depuis le prix du sécateur, des vêtements de travail, du gazole du tracteur, de la main d’œuvre saisonnière ou pas, des machines, de tous les travaux agricoles étalés sur l’année, des engrais, des traitements, jusqu’aux frais annexes et assurances, pour un rendement moyen de 55 hectolitres de vin par hectare.»
Donc, un beau gros 3,68 $.
Quel sera le prix au Québec?
Si le producteur se prend un bénéfice de 1 $, + transport = 5 $ + taxes (3 $) + marge de 134 % de la SAQ (7 $), ce vin se vendra 15 $ à la SAQ (Rapport annuel SAQ 2012, p 33); si le producteur prend un bénéfice de 2 $, donc 6 $ + taxes et marge ce sera 18 $; finalement si le vigneron se prend un bénéfice de 3 $, le vin sera sur les rayons de la SAQ à 21 $.
Alors, si on regarde sur le site de la SAQ à la colonne des vins rouges de Bordeaux, nous trouvons 805 bouteilles de 750 millilitres de 12,55 $ à plus de 1000 $. Le prix médian est 35 $. C’est-à-dire qu’il y a environ 400 vins à moins de 35 $ et le même nombre à plus de 35 $.
Il y a tout de même 100 vins rouges de Bordeaux à moins de 20 $ et 200 à moins de 25 $, toutes taxes et majorations comprises.
Cependant, si vous payez votre bordeaux à un prix plus élevé. C’est que vous payez une prime qui n’a rien à voir avec le coût de production.
Si l’on regarde le 501e vin en ordre de prix à la SAQ, Le 3 de Valandraud St-Émilion 2009 à 52 $, on est loin du coût de production moyen. Ça se corse très vite au 600e au Château Lascombres 2006 à 103 $.
On s’éloigne encore plus rapidement du coût de production au 700e Le pape Clément Pessac-Léognan 2006 à 249 $. Là, la prime est très élevée, et le bénéfice est énorme. Bien plus que le 30 % de surbénéfice des entrepreneurs en construction d’égout et de trottoir de la mafia de Montréal.
Ce qui veut tout simplement dire que le prix que certains paient pour le vin n’a plus de commune mesure avec le coût de production du dit produit. La surprime est pour l’étiquette ou pour toute autre chose qui est plus ou moins loin de la qualité du produit lui-même.
C’est le prix élevé de ces vins qui fait leur valeur
On entre alors dans ce qu’on appelle la consommation de produit de luxe, dans la consommation ostentatoire, ce qu’on appelle l’effet Veblen. C’est-à-dire que c’est le prix élevé de ces vins qui fait leur valeur et non pas leur mérite intrinsèque.
En d’autres mots: ce n’est pas seulement que ça goûte bon, mais c’est que ça coûte bon! Et plus c’est cher, plus c’est bon!
Cela peut sembler simple et ridicule, mais le prix est un levier psychologique très fort. Il y a des gens qui quelquefois ou souvent aiment et désirent payer cher.
L’effet de Veblen (un aspect du snobisme, appelé aussi théorie du luxe) a été mis en évident par M. Thorstein Veblen lui-même, économiste américain qui a étudié le phénomène et publié «The Theory of the Leisure Class» «La théorie de la classe des loisirs», en 1889.
«L’effet de Veblen est un phénomène par lequel la demande d’un bien augmente en même temps que son prix (élasticité prix positive). Ce phénomène s’explique généralement par un facteur psychologique lié au signe social que constitue l’achat d’un bien au prix élevé ou par un effet de qualité perçue.» (definitions-marketing)
«La possession de biens matériels coûteux est une autre manière, non moins efficace, de témoigner de la hauteur de son rang», écrivait Thorstein Veblen. «Autrefois, l’on possédait des esclaves, des domestiques, maintenant l’on possède des bijoux, des autos, les bouteilles hors prix.»
«L’usage et contemplation de produits coûteux et tenus pour beaux
nous vaut une satisfaction supérieure.»
Dans le domaine du vin, vous connaissez sûrement de bons exemples d’effet Veblen, sinon allez consulter le catalogue de vin de la maison Signature de la SAQ et vous aurez là une bonne idée de ce que Thorstein Veblen a voulu dire lorsqu’il parlait de consommation ostentatoire. Vous trouverez aussi sur certains forums, des ostentatoires éblouissants.
«Quelle énorme satisfaction que de posséder quelque chose de plus! Or, au fur et à mesure qu’une personne fait de nouvelles acquisitions et s’habitue au niveau de richesse qui vient d’en résulter, le dernier niveau cesse tout à coup d’offrir un surcroit sensible de contentement. Dans tous les cas, la tendance est constante: faire du niveau pécuniaire actuel le point de départ d’un nouvel accroissement de la richesse; lequel met à son tour l’individu à un autre niveau de suffisance, et le place à un nouveau niveau de l’échelle pécuniaire s’il se compare à son prochain.» Thorstein Veblen
Lire aussi
L’effet de Veblen et le vin. Plus on hausse le prix, plus les ventes augmentent, Vin Québec, 2008 et 2011
Le vrai prix d’un tonneau de bordeaux rouge, Le Journal du Vin