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Le meilleur en dégustation, le moins bon à table

L’expérience se répète souvent: le vin le meilleur en dégustation ne tient pas sa place à table!
Le vin le mieux noté en dégustation perd des points lorsque nous mangeons.
Autrement dit, le meilleur prétendant fait le moins bon mariage!
Nous dégustons deux vins rouges: A et B. Le premier est léger, plutôt acide, peu tannique, peu aromatique, agréable et bien fait. Le deuxième est plus aromatique, plus gras, plus complexe, nous semble bien meilleur que l’autre. Nous lui donnons une meilleure note.
À table, nous refaisons le même exercice en mangeant. Toutefois, nous constatons que nous buvons plus le A que le B. Nous éprouvons plus de plaisir à boire le vin souple que le vin plus costaud.  Au final, la bouteille du A est presque vide alors que celle du B est à mi-chemin.
Il faut dire que ce phénomène se reproduit souvent. J’aime déguster plusieurs vins avant le repas et poursuivre à table. La première fois que j’ai fait mention ici de ce genre de résultats, c’est en 2008 dans un texte intitulé Premier en dégustation, dernier au repas et vice-versa où le meilleur costières-de-Nîmes en dégustation devint le moins bon à table.
Ceci me rappelle aussi une expérience contée par Michel Dovaz juge au fameux Jugement de Paris organisé par Stephen Spurrier en 1976 à Paris. Au soir de cet évènement, M. Dovaz apporte des vins de ce concours pour les regoûter au repas avec un ami. Ils constatent alors que le champion lasse vite et ils finissent le repas avec un autre vin!
Cette découverte pose un problème de taille pour un prescripteur de vin. En effet, quel vin doit-on recommander?  Celui qui a une meilleure note en dégustation ou celui qui a la meilleure note à table? Qu’elle note doit-on mettre? Celle obtenue en dégustation pure ou celle de la table?
Et que valent ces notes données à des dizaines de vins dégustés et jugés d’une gorgée sans manger?
Comment les consommateurs vont-ils eux juger ce vin? Par la première gorgée prise ou lors du repas? Nous savons que la plupart du temps le vin est acheté pour accompagner un repas.
Mais pourquoi le meilleur vin en dégustation ne tient-il pas sa place à table?
Tentative d’explication. L’acidité et le gras.
Souvent le vin qui obtient la meilleure note en dégustation est le vin le plus gras, le plus riche. Il est souvent aussi le vin le plus aromatique et est dit plus complexe.
Toutefois, lorsqu’on le boit à table, il est confronté à un autre corps gras: la nourriture.
Gras sur gras, on se lasse, ça devient un peu lourd et peut-être parfois pâteux.
Pendant ce temps, le vin moins gras, dont l’acidité est plus apparente — je dis plus apparente car dans l’absolu il n’est pas toujours le plus acide, mais vu qu’il est moins gras, il semble plus acide — donc le vin qui semble plus acide, plus léger aussi, s’avère plus agréable avec la nourriture. Il l’accompagne, il n’additionne pas gras sur gras. Son acidité souvent même coupe dans le gras.
De plus à table, le côté aromatique, la richesse du bouquet ainsi que la complexité du vin mieux noté semblent moins importants qu’en pure dégustation.
D’autres fois, c’est un vin tannique en dégustation, mais qui s’assouplit en présence d’un met. Ou encore un vin au boisé intégré en dégustation, mais dont le boisé vanillé, cocoaté ou caféié devient écoeurant à table!
Ceci est assez déroutant, mais très intéressant. Il faut poursuivre les expériences afin de mieux comprendre ce phénomène.
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