On peut sauver de l’impôt en donnant du vin!
C’est une pratique assez courante au Québec. Des amateurs et collectionneurs de vin réduisent leurs factures d’impôt en donnant du vin à des ventes aux enchères d’organismes de charité.
La pratique est assez simple. Il s’agit de faire évaluer une ou des bouteilles de vin dont on veut se débarrasser. On les donne à un organisme de charité qui les vend à l’encan. On peut ainsi réduire ses impôts à payer du montant de l’évaluation, quel que soit le montant de la vente lors de l’encan. Cette déduction peut ainsi compenser un gain en capital.
Ainsi, un vin qu’on fait évaluer à 1000 $ peut être donné à un organisme de charité qui le vendra 300 ou 500 $. On pourra réduire de ses impôts 1000 $, on sauvera ainsi environ 500 $ en impôt.
C’est une pratique controversée. D’ailleurs, Revenus Canada conteste quelquefois l’évaluation et réduit l’impôt ainsi économisé.
Toutefois, il est possible de contester une décision de Revenu Canada. C’est ce qui a été fait avec succès dernièrement par un contribuable de Gatineau.
Dans un jugement en appel à la Cour canadienne de l’impôt, M. Éric de Santis a contesté la décision de Revenu Canada qui avait réduit unilatéralement sa demande de réduction d’impôt.
M. De Santis a donné pendant trois ans des bouteilles à la Fondation du Centre de santé et de services sociaux de Gatineau. La fondation a fait évaluer ces vins par M. Alain Laliberté de Toronto.
M. Laliberté évalue les bouteilles de vin en ajoutant un multiple de 3,2 sur le prix marchand moyen pour le Nord-Est de l’Amérique du Nord. Ce multiple serait surtout dû à «la rareté du produit après 10-20 ou 30 ans de distribution.»
«Ce prix moyen marchand est ensuite multiplié par un ratio de 3,2 pour l’établissement arrondi de l’évaluation finale. Pourquoi 3,2? Simplement qu’en moyenne, la valeur restante réelle du crédit d’impôt équivaut presque à la moyenne de prix marchand mais ne tient pas compte des coûts à considérer si un vin n’est disponible, comme c’est le cas dans la majorité des vins, qu’aux États‑Unis, voire en Europe ou en Asie.» (Procédures pour évaluations de vins à des fins caritatives, Alain Laliberté)
Mais Revenu Canada a jugé exagéré ce multiple et a réduit la demande de M. de Santis en la divisant par 3,2. Le vérificateur du ministère affirma que le marché pertinent est celui de la région d’Ottawa et non celui de l’ensemble du Nord-Est américain.
«Pendant une période de quatre ans, soit de 2001 à 2004, nos vérificateurs ont fait un échantillonnage de 3 569 bouteilles (dans la région d’Ottawa), ce qui ne représente qu’une fraction des bouteilles vendues au cours de cette période. Notre position est qu’un marché a été créé grâce à ces ventes annuelles de vins aux enchères.»
M. de Santis a soutenu que Revenu Canada a fait une évaluation déraisonné du multiple de l’évaluateur Laliberté; en oubliant aussi d’ajouter «la majoration substantielle de la SAQ». Il soutient aussi que le vérificateur a évalué les lots de bouteilles et non seulement les siennes. Il a aussi «fait valoir que M. Laliverté a appliqué à un prix marchand moyen non pas un facteur d’accroissement de 3,2, mais bien un facteur d’accroissement de 2,2, voire de 1,8.»
M. de Santis soutient aussi que le marché pour établir la pleine valeur d’un vin est celui du Nord-Est américain comme établi dans le calcul de M. Laliberté et non celui plus petit de la capitale fédérale canadienne.
Le juge Robert J. Hogan a donné entièrement raison à M. de Dantis dans cette cause en disant que l’appelant a réfuté les prétentions de Revenu Canada «en produisant une preuve suffisante à première vue établissant i) l’inexactitude du prétendu motif de l’application d’un facteur d’accroissement ainsi que le véritable facteur appliqué, ii) l’inexactitude de l’identification des biens en question et iii) l’erreur commise dans la détermination du marché pertinent.
En conclusion, le juge Hogan écrit le 17 avril 2015:
«Le fardeau de la preuve ayant été ainsi renversé, c’était au tour de l’intimée (Revenu Canada) d’établir par la prépondérance de la preuve que les cotisations du ministre sont bien fondées. En l’espèce, l’intimée n’a produit aucune preuve et n’a pas réussi à soulever le moindre doute sur la crédibilité du témoignage de l’appelant (Éric de Santis). Ce dernier semble donc être en droit d’obtenir gain de cause dans le présent appel. Pour tous ces motifs, j’accueille l’appel et j’ordonne l’annulation des cotisations en litige.»
Voir le jugement
De Santis c. La Reine – 2015 CCI 95 – 2015-04-17
Jugements de la Cour canadienne de l’impôt. Loi de l’impôt sur le revenu.
Texte modifié le 6 juin pour y ajouter des précisions aux paragraphes 7 et 12.