(Dernière mise à jour le 9 juillet 2022)
Contrairement à ce qu’on lit et entend régulièrement, il n’y a pas de levures sur la peau des raisins. Du moins, pas de levure du type Saccharomyces Cerevisae – dites levures nobles – celles qui permettent de transformer presque tout le sucre du raisin en alcool.
C’est ce que nous disent les dernières études sur les levures dans les vignobles.
En mai 2015, Jean Pierre Confuron du Domaine Chanson en Bourgogne nous révéla son étonnement après avoir fait faire des études sur la présence de levures sur les raisins de ses parcelles. «Pas de saccaromycès sur les grappes!», selon les prélèvements faits dans ses vignes.
Mais d’où proviennent alors les levures dont on observe l’action en cuve? «De la cave», nous dit-il.
La même chose a été découverte en Loire. Les raisins contiennent des levures, mais pas celles qui permettent de compléter la fermentation alcoolique. Selon les travaux de l’IFV pôle Val de Loire-Centre, «la baie de raisin est dominée par la levure A. Pullulan et ne comporte pas de S.Cerevisae.» D’autres mentionnent les levures de type Hanseniaspora uvarum.
Selon Techniloire, les raisins de l’agriculture bio n’ont pas plus de bonnes levures que les autres.
Les souches de levure retrouvées dans les vins sont principalement issues du chai. «Les fermentations
alcooliques spontanées se font donc avec les levures du chai et non du raisin», écrit l’organisme Techiloire.
La levure est et se développe en cuve. «S.Cerevisae apparait après débourbage et est favorisée par le SO2. (le sulfite)»
De plus, on nous dit que les levures sont différentes d’une cuve à l’autre. «Entre différentes cuves, on constate peu de souches communes sauf en cas de contamination.»
La levure est responsable, entre autres, des arômes, du taux d’alcool et de l’acidité des vins. Il y a plusieurs centaines de levures Saccaromyces Cerevisae dans la nature et dans le commerce.
Les études de J-M Belin en 1979 ont démontré que ces levures naturelles se retrouvent sur les pressoirs et dans les cuves. (Cité par ITV France)
«Immédiatement après débourbage, se développent différentes espèces de levures apiculées et oxydatives ne produisant que très peu d’alcool : Kloeckera, Candida, Metschnikowia… Après quelques jours, ces espèces sont supplantées par le genre Saccharomyces qui assure alors la plus grande partie de la fermentation alcoolique.» (Institut français de la vigne et du vin)
Ces levures non Saccharomyces, levures contenues sur la peau des raisins permettraient de démarrer naturellement la fermentation et de monter le taux d’alcool à 4-6 degrés. Puis elles meurent et sont remplacées par les levures Saccharomyces qui entretemps se sont multipliées dans le local (cave) de fermentation.
«Les levures non-Saccharomyces. Il s’agit d’espèces présentes sur la pruine du raisin et dans le moût. Parmi celles-ci, ce sont les levures apiculées qui initient la fermentation spontanée. Cependant, celles-ci ayant une capacité limitée à produire de l’alcool et étant particulièrement sensibles à l’éthanol, elles n’agissent que dans les tout premiers stades de la fermentation (lorsque l’alcool éthylique est présent en quantités minimes). Lorsque l’alcool atteint 4-6°, leur activité fermentaire s’arrête et les levures qui supportent mieux l’alcool éthylique prennent le relai.
Les levures du genre Saccharomyces, généralement l’espèce S. cerevisiae, contaminent principalement l’environnement de cave et ce sont elles qui poursuivent le processus de fermentation, en consommant presque tous les sucres contenus dans le moût. (AEB)»
Il peut y avoir 5 à 20 différentes souches de Saccharomyces dans une même cuve. «De ce « pool » ou consortium, émergent progressivement une ou deux souches dominantes. Ces souches dominantes peuvent parfois se maintenir plusieurs années, mais il est plus fréquent d’enregistrer un renouvèlement annuel.»
Même si on ne trouve pas de levures sur les raisins, on en trouve sur le sol des vignobles. Ainsi dans le Rhône on affirme que «contrairement à beaucoup d’idées reçues, le sol d’une vigne est un écosystème plus favorable aux levures Saccharomyces que la surface du raisin sain.» (Dominique Delteil, Directeur scientifique Institut coopératif du Vin, Guide de la vinification rhodanienne)
«Le raisin arrive à la cave avec sa “microflore de machine à vendanger” ou sa “microflore de remorque” et non pas avec sa “microflore de terroir”.» Les levures se développent lorsque le jus est libéré sur le matériel, écrit M. Delteil. Il ajoute qu’en «cave, le SO2 est un très puissant “sélectionneur”. Il crée ce qu’on appelle une pression sélective favorable aux levures Saccharomyces.»
Des expériences en Rhône ont démontré que des raisins amenés d’un même vignoble dans des caves différentes développent des levures différentes. «Entre différentes caves partageant des vignes sur le même terroir viticole, on n’a pas trouvé non plus de levure commune.»
À moins de contaminations, «chaque cuve est un système indépendant de levures». Toutefois «quand l’hygiène de cave est moins parfaite, il y a souvent une ou plusieurs levures dominantes dans la microflore indigène.»
L’institut français de la vigne et du vin résume bien ces découvertes : «On ne trouve que très peu de levures fermentaires de type Saccharomyces cerevisiae sur la cuticule des raisins. Cette microflore levurienne varie de manière importante d’une parcelle à l’autre en relation probable avec les pratiques culturales et la climatologie du millésime. Dans le mout en fermentation, on ne retrouve pas systématiquement les levures issues du raisin. Le chai se caractérise par une atmosphère chargée en levures fermentaires et oxydatives.» (IFV)
En terminant ce texte un peu technique, disons que la plupart des vins produits dans le monde sont faits avec des levures achetées dans le commerce. Par contre, de nombreux vignerons, souvent parmi les meilleurs, retournent à la production de vin fermenté par des levures indigènes.
Des producteurs de l’Oregon viennent de découvrir, eux aussi, que ce sont les levures dans leurs caves et leurs cuves qui permettent la fermentation complète du vin.
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Sources :
- Saccharomyces Cerevisiae, Wikipédia;
- Existe-t-il des levures ou des bactéries de terroir? C. Mandroux-InterLoire,Thecniloire, septembre 2015;
- Maîtrise des fermentations spontanées et dirigées, Institut français de la vigne et du vin, 2008;
- Zoom sur la microflore indigène présente sur les raisins, Guide de la vinification rhodanienne, Dominique Delteil, Directeur scientifique Institut coopératif du Vin;
- What Really Happens With ‘Native Yeasts’ in Wine? Harvey Steiman, Wine Spectator, 1 décembre 2015;
- Levures indigènes et maîtrise des fermentations spontanées IFV (consulté en nov. 2017);
- Que sont les levures en vinification, AEB;
- Levures apuculées, Oeno One (PDF).