Une verticale de Bricco del Drago
On dit généralement du dolcetto qu’il donne des vins légers, fruités, pas très acides et moyennement tanniques, ce qui leur confère un potentiel de vieillissement plutôt limité (3 à 5 ans); mais est-ce toujours le cas?
Ce n’est certainement pas ce que la maison piémontaise Poderi Colla tente de faire, avec son vin d’appellation Langhe, Bricco del Drago. Lors d’une récente dégustation en compagnie de M. Tino Colla, nous avons pu le vérifier en dégustant huit millésimes de ce vin, allant du 2009 au 1970.
Ce vin est produit depuis 1969. Il portait alors la mention denominazione di origine semplice qui a été abandonnée autour de 1980 pour être remplacée par vino da tavola. Depuis 1994, il a droit à la DOC Langhe
Bricco del Drago est un vin composé principalement de dolcetto (85 %) et complété de nebbiolo, vinifiés séparément. Après assemblage, le vin est élevé en foudres de chêne de Slavonie pendant une à deux années, selon le millésime.
Les millésimes dégustés sont les 2009 (29,90 $ SAQ 927590), 2006, 2005, 2003, 1999, 1996, 1987 et 1970.
Le vin est rubis foncé avec des reflets pourpres et sa robe évolue très lentement; ce n’est qu’à partir du millésime 1996 qu’on pouvait noter un peu d’évolution. Évidemment, le 1970 était plus pâle et plus tuilé.
Le nez est toujours très expressif, avec des arômes de fruits noirs (mûre, cerise) que l’on retrouve même dans les plus vieux millésimes, des notes épicées, parfois fumées; avec le temps, du cuir, du céleri. Somme toute, une belle complexité à laquelle s’ajoute une agréable pointe d’oxydation après une vingtaine d’années. Bien que l’assemblage soit toujours le même (85 % dolcetto et 15 % nebbiolo), le caractère aromatique du nebbiolo ressortait plus dans le millésime 2005. Autre particularité, le 1999 rappelait le style d’un bordeaux mature.
C’est un vin assez corsé, plus ou moins acide ou tannique selon le millésime, mais toujours solide, avec une belle rondeur. Le 1996 était encore astringent, mais les plus vieux millésimes avaient une texture soyeuse, plus délicate. Malgré les variations dues aux différents millésimes, le vin conserve un bel équilibre et une persistance très agréable. Seul bémol : une note chauffée dans le 2003, due sans doute aux conditions climatiques exceptionnelles de cet été-là.
On peut donc en conclure que le dolcetto n’est pas condamné à être un petit vin à boire jeune et frais, mais que, vinifié de façon appropriée, il peut constituer un vin de garde et acquérir une belle complexité avec l’âge.