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Qu’est ce qu’un vin corsé ?

Très souvent, les chroniqueurs disent d’un vin qu’il est corsé. Ils nous donnent ainsi une information précieuse sur la qualité du vin dont ils parlent. Mais, de quoi s’agit-il au juste ?

Un vin corsé est un vin qui a du corps. Le corps est un critère important de la qualité d’un vin. D’abord, un vin corsé a plus de présence en bouche qu’un vin qui ne l’est pas. De plus, un tel vin peut s’améliorer avec les années. De fait, plus un vin a du corps, plus il est apte à vieillir longtemps et à se bonifier avec le temps. En somme, un vin qui a du corps est meilleur en jeunesse que le vin qui n’en a pas. Un vin corpulent est aussi un vin qui est structuré pour atteindre la perfection quand, après une longue maturation en bouteille, il aura atteint la plénitude.

Les trois éléments qui constituent le corps d’un vin – on dit aussi sa matière – sont l’alcool, l’acidité et les tannins qu’il contient. L’alcool [l’alcool éthylique] a un goût sucré. C’est lui qui apporte au vin son fruité. Il est le support qui permet, en bouche, de goûter la fraise, le cassis, la poire ou l’ananas. Le fruité est l’un des éléments essentiels de la structure d’un vin.

Les deux autres éléments structurants du vin sont l’acidité et les tannins. La matière d’un vin, c’est l’addition de ces trois éléments. Plus ces constituants sont présents dans un vin, plus celui-ci est corsé.

Pour décrire la structure du vin, le vocabulaire du dégustateur est plus précis. Il dit d’un vin dont la matière est bien dosée, qu’il est plein. Si le poids, la somme, des éléments structurants est plus grand que ce juste milieu, le dégustateur parle alors d’un vin charpenté. Un vin bien charpenté est dit corsé et un vin bien corsé est dit puissant. Par contre, un vin qui manque de corps est dit léger, maigre, ou même ténu, s’il a un déficit marqué de matière structurante. Si, en fin de compte, il est dépourvu de fruité, d’acidité et de tannins.

Il y a rarement de tannins dans les vins blancs. Ces vins ne sont pas nécessairement dépourvus de matière pour autant. Dans leur cas, le corps est constitué de la somme de leur fruité [alcool] et de leur acidité. Un grand vin blanc moelleux ou liquoreux, très riche tant en alcool qu’en acidité, peut donc être qualifié de charpenté, de corsé, voire de puissant, même s’il ne contient aucun tannin.

La matière d’un vin est un tout. Un vin ne peut être qualifié de plein, de charpenté ni, surtout, de corsé si un des éléments de la structure fait défaut. Par exemple, un vin qui présente de puissants tannins ne peut être qualifié de corsé si le fruité fait défaut. Un tel vin doit plutôt être qualifié de déséquilibré, puisque les tannins dominent et écrasent le fruité.

Les tannins, c’est l’ossature du vin. Aussi, un vin qui n’aurait que de gros os [beaucoup de tannins], mais pas de chair [de fruité] autour ne peut être qualifié de plein, encore moins de corsé. Ce n’est qu’un affreux squelette, à faire peur au dégustateur.

Comme pour tout être bien constitué, le vin de qualité doit d’abord offrir un équilibre le plus harmonieux possible entre la masse osseuse et la chair qui la recouvre. Ce n’est qu’une fois ce critère acquis, qu’il faut ensuite savoir faire la différence entre un petit gringalet et un athlète de haut niveau, entre un vin maigre et un vin puissant. En somme, le corps d’un vin participe à son équilibre.

Un vin trop maigre, décharné, ne peut être un vin intéressant. Par contre, un vin même plutôt léger n’est pas, lui, nécessairement un mauvais vin. Un tel vin peut être tout à fait agréable, si son fruité et ses tannins sont équilibrés et si, pour contrebalancer sa petite corpulence, il se rattrape par d’autres qualités, sa finesse et son élégance, par exemple.

Un vin trop corpulent, puissant jusqu’à la caricature comme le sont parfois certains blockbusters américains, ne peut pas non plus être qualifié de grand vin. Les gros bras, tout aussi impressionnants qu’ils soient au premier abord, lassent vite. En matière de vin comme dans tout, la bonne vieille maxime latine in medio stat virtus s’applique toujours.

[Cet article a été publié dans le journal Outaouais Affaires]

Benoit Guy Allaire,
l’Académie du vin de l’Outaouais