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Sec et sucré

La fermentation transforme le sucre des raisins en alcool éthylique. Si tous les sucres sont transformés en alcool, le vin est sec. Si tous les sucres ne sont pas transformés en alcool, la quantité de sucres résiduels, qui restent dans le vin, détermine si ce vin est demi-sec, doux, moelleux ou liquoreux. Un vin sec ne contient aucun ou très peu de sucres résiduels; un vin liquoreux est très sucré.

Le style des vins blancs s’étend sur toute la gamme, du plus sec au plus doux. Les vins blancs secs sont légions. Tous les pays et toutes les régions du monde en produisent de toutes sortes. Le Muscadet et le Savennières dans la Loire ou le chablis en Bourgogne en sont de bons exemples.

Demi-sec et demi-doux sont synonymes. Pour obtenir un vin de cette catégorie, le cépage compte pour beaucoup. Le mûrissement des raisins et la technique du vinificateur font le reste. Un bon exemple de vin demi-sec est le pinot gris alsacien. En Italie, c’est le pinot grigio, cultivé surtout dans le nord du pays.

Pour obtenir un vin doux, la tradition a légué différentes méthodes. La plus simple consiste à utiliser un cépage naturellement très riche en sucre. Le plus connu est le muscat, qui pousse dans tout le bassin méditerranéen. C’est le moscato des Italiens.

D’autres cépages, bien que relativement peu sucrés à maturité normale, sont aussi utilisés pour faire des vins doux, moelleux ou même liquoreux. Pour obtenir de tels vins avec ces cépages, deux techniques sont principalement utilisées, la surmaturation et le passerillage.

La surmaturation consiste à laisser le raisin poursuivre sa maturation bien au delà de la période normale des vendanges, quand le climat et les conditions météorologiques le permettent. Plus la baie mûrit, plus son sucre augmente. Les vinificateurs obtiennent ainsi de très beaux vins avec le riesling en Alsace et en Ontario. En Alsace, ce vin est appelé vendange tardive. En Ontario, c’est le late harvest. Dans la Loire, c’est le chenin blanc qui est utilisé en Anjou et en Touraine pour faire des vins moelleux malheureusement sous-estimés. En Touraine, les appellations Montlouis et Vouvray produisent, dans les bonnes années, de beaux vins moelleux. Dans le Sud-Ouest, pour faire le Jurançon, c’est le gros manseng et le courbu qui sont surtout utilisés. Il en va de même pour le Pacherenc-du-Vic-Bilh.

Au début de novembre, un phénomène naturel se produit qui concentre encore plus le sucre dans les raisins qui sont encore sur la vigne. La plante se prépare pour l’hiver. Elle se met graduellement en mode dormant. Son système radiculaire se referme lentement et de moins en moins de sève se rend jusqu’aux baies. Celles-ci manquent d’eau et se ratatinent. Le passerillage a comme conséquence, puisque le raisin est privé d’eau, de concentrer encore plus ses sucres. Surmaturation et passerillage vont souvent de pair et permettent plus sûrement d’obtenir un vin moelleux.

Les raisins surmûris et passerillés, parce qu’ils restent tard dans la saison exposés aux caprices et aux dangers de Dame Nature, sont souvent attaqués par toutes sortes de calamités qui vont des oiseaux à différentes pourritures. Il y a cependant une pourriture qui est une véritable bénédiction, c’est un champignon appelé botrytis cinerea ou pourriture noble, edelfaüle en allemand.

Le botrytis ne se développe que dans des conditions climatiques et météorologiques très particulières. Il faut, plusieurs jours de suite, que chaque matin, très tôt au levée du jour, le vignoble soit envahi par une brume humide qu’un radieux soleil chassera avant la fin de la matinée. Le champignon qui apparaît alors, s’attaque à la peau des raisins et la rend poreuse. Leur eau s’évapore, provoquant une grande concentration des sucres dans la pulpe.

En plus d’augmenter considérablement la richesse en sucre des raisins qu’il attaque, le botrytis a aussi une autre vertu extraordinaire, c’est de transmettre aux vins qui sont issus de tels raisins, un arôme et un goût uniques très recherchés.

Le vin le plus illustre issu de raisins botrytisés est le Sauternes. À Bordeaux, ce vin fabuleux a quelques voisins moins connus, mais plutôt intéressants. Ce sont le Cérons, le Barzac, le Loupiac et le Sainte-Croix-du-Mont.

En Alsace, les vins botrytisés portent la mention « sélection de grains nobles ». Il sont obligatoirement issus de l’un ou l’autre des quatre cépages nobles de l’Alsace : le muscat, le riesling, le pinot gris ou le gewurztraminer. En Loire, les vedettes angevines affectées par la pourriture noble sont le Quarts-de-Chaume, le Bonnezeaux et le Coteaux du Layon. L’Ontario fait aussi de très beaux late harvest botrytisés. Ces vins sont appelés botrytis affected [BA] dans cette province.

Un raisin de vendange tardive, botrytisé ou non, peut être ramassé gelé. C’est le eiswein ou le vin de glace, qui a été inventé par les Allemands. De fait, c’est l’eau qui gèle dans ces raisins et non la pulpe entière. La technique consiste à passer les raisins entre deux rouleaux qui les brisent. Les raisins tombent alors dans un bac où la pulpe coule au fond, tandis que l’eau glacée flotte en surface. Il suffit, avec une pelle, de retirer les glaçons et de vinifier la pulpe, qui est très sucrée, surtout si le botrytis a fait son oeuvre. Il se fait du vin de glace en Autriche, en Allemagne et en Alsace. L’un des meilleurs au monde est cependant le icewine ontarien. Ce dernier est issu du riesling ou de vidal.


France : sec demi-sec doux moelleux liquoreux
Italie : secco semi-secco abboccatto amabile dolce
ou asciutto ou pastoso
Espagne : seco semi-seco abocado dulce
États-Unis : dry semi dry sweet dessert wine
Allemagne : troken halbtroken lieblich süß

[Cet article a été publié dans le journal Outaouais Affaires]

Benoit Guy Allaire,
l’Académie du vin de l’Outaouais