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SAQ: privatisation, statu quo ou libéralisation

L’Abitibi sauvera la SAQ!

On parle beaucoup dans les médias ces jours-ci du monopole de la Société des alcools du Québec et de la volonté de certains de vouloir privatiser cette société d’État.

C’est un sujet récurant qui existera aussi longtemps qu’il y aura monopole.

Nous entretenons au Québec une relation affective amour-haine avec notre soviet des alcools.

Un amour qui ressemble au syndrome de Stockholm et un ressentiment alimenté par la rigidité du monopole, ainsi que par l’attitude hautaine et l’hermétisme de ses dirigeants.

Un sondage internet mené sur une seule journée par le quotidien La Presse en a surpris plusieurs parce que 61 % des personnes qui y ont participé ont dit souhaiter la privatisation de la SAQ.

Les arguments pour la privatisation sont nombreux et souvent d’ordre moral, éthique ou idéologique.

Les arguments pour le statu quo sont plus terre-à-terre et d’ordre pratique.

Les principaux arguments pour le maintien du monopole sont à première vue bien convaincants, toutefois, sauf un, ils ne résistent pas à l’analyse et se révèlent non valables. Ce sont des paralogismes ou des sophismes.

On peut les regrouper sous cinq titres: revenus d’État, sécurité, contrebande, pouvoir d’achat et régionalisme.

Seul ce dernier argument se révèle toujours valable après analyse et réflexion. Abordons les quatre autres en premier.

1. Revenus d’État
On dit que la SAQ procure un bon revenu à l’État. En fait 1,9 milliard en 2012 et en 2013. (Dont 1 milliard en dividendes et presque autant en taxes.) Pourtant, l’État collecte aussi beaucoup d’argent via l’essence et les cigarettes. Il n’est donc pas nécessaire que l’État soit propriétaire d’un bien pour le taxer. Ce n’est pas la SAQ qui rapporte tant d’argent dans les coffres de l’État, mais la vente de vin et de spiritueux.

2. Sécurité
L’alcool est dangereux et il faut que l’État contrôle. Et la dynamite et les armes à feu? L’État peut donc réglementer l’usage sécuritaire d’un produit sans être obligé de le vendre lui-même.

3. Contrebande
L’alcool privé c’est la porte ouverte à la mafia. Il faudrait alors étatiser l’industrie de la construction, la municipalité de Montréal et les bars de danseuses nues. La justice et les citoyens peuvent contrer les actions de la mafia.

4. Pouvoir d’achat
La SAQ aurait une grande force d’achat de gros. L’argument ne tient pas puisque la société d’État ne l’utilise pas (sauf pour les grands crus), car elle doit acheter cher pour vendre cher.

5. Régionalisme
Premièrement, est-ce bien le rôle de l’État d’assurer un approvisionnement de vin de qualité sur tout le territoire; (est-ce qu’il le fait pour les hôtels quatre étoiles et les BMW?)  mais force est de constater que la SAQ donne l’impression de remplir assez bien son rôle en région. Il y a toutefois de fortes lacunes et des disparités régionales énormes dans la distribution du vin en région actuellement.

Est-ce que l’entreprise privée fera mieux ou moins bien? On n’en est pas certain.

Des consommateurs craignent donc de perdre au change.

L’argument du service régional est l’argument le plus fort et peut-être le seul qui nous permet de s’opposer rationnellement à la privatisation de la SAQ.

Depuis la reprise de ce débat, j’ai reçu plusieurs courriels de lecteurs; certains favorables à la privatisation, d’autres non. Ces derniers disent craindre la réduction de la diversité des produits dans leur région advenant la privatisation de la SAQ. Fait étonnant, ils proviennent surtout de l’Abitibi.

Statu quo, privatisation ou libéralisation
Il y a actuellement trois choix qui s’offrent à nous dans ce dossier: le statu quo (maintien du monopole), la privatisation et un autre choix entre les deux, la libéralisation.

Ce dernier semble le plus réaliste. La libéralisation de la vente du vin pourrait être facile à réaliser. Tout en conservant la SAQ, il suffirait de faire trois modifications au régime actuel:
– permettre l’installation de cavistes;
– permettre aux agences de vendre des importations privées à la bouteille et non plus seulement à la caisse;
– permettre aux épiceries et grands marchés d’alimentation de s’approvionner dans le répertoire de vins de la SAQ, d’acheter aussi directement du vin aux producteurs ou distributeurs nationaux et internationaux.

Donc, d’autres personnes pourraient ainsi avoir la possibilité de nous offrir des vins.

Quel vin ai-je le droit de mettre sur ma table?
En définitive, la question qu’on doit se poser est celle-ci:

  Est-il vraiment nécessaire que ce soit un employé de l’État qui décide quelle bouteille de vin peut entrer ou ne pas entrer au Québec?

Autrement dit: est-ce qu’il faut absolument que ce soit un fonctionnaire de l’État qui choisisse quel vin nous aurons le droit de mettre sur notre table?

   Texte modifié le 19 octobre 2013 et le 30 mai 2014.

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