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L’amateur de vin du Québec ne profite pas de la force du dollar canadien

Dans son article L’argent du vin. Question de prix (encore!), de samedi dans le quotidien La Presse, le chroniqueur Vincent Marissal pose cette question : «Est-il normal que le consommateur québécois profite si peu de la force du dollar canadien et de l’incroyable pouvoir d’achat de la SAQ?»

Pour répondre à la question, il faut connaître les principes de détermination des prix des vins dans le monde et au Québec en particulier.

Au Québec, le vin est un produit considéré comme étant de luxe, vecteur de taxe et vendu par un monopole.

Primo, le prix du vin est fixé de manière arbitraire. Un producteur peut très bien décider de vendre son vin 14 ou 24 $ selon les marchés ou les occasions. Ça dépend souvent comment le producteur estime son vin et comment il pense que les consommateurs vont eux l’estimer.

On dit souvent ici au Québec que «plus le vin est cher, meilleur il est». M. Marissal donne l’exemple d’un vin rouge de Coppola vendu 24 $ au Québec et 14 $ aux États-Unis. À plus de 20 $, il entre dans la catégorie des vins excellents, le consommateur est amené à penser qu’il est bon. Mais à 14 $ il tomberait dans la catégorie des vins ordinaires. Il s’en vendrait probablement moins.

Prenons l’exemple d’un vin blanc de la même maison, le Diamond, Chardonnay Francis Coppola Collection 2009. Il est offert au prix des très bons vins à 23 $. Mais en réalité c’est un vin ordinaire, correct sans plus, avec peu de fruit et beaucoup d’alcool, il ne vaut pas plus de 10 $. Mais à 10 $ il ne se vendrait peut-être pas. Par contre, à 23 $, on se dit qu’il est peut-être bon.

Au Québec, nous sommes souvent des buveurs d’étiquette. On cherche moins les aubaines que les Américains. Mais, ça tend à changer. Les jeunes sont en général moins snobs que les baby-boomers.

Deuxio, les nouveaux vins qui entrent au Québec iront dans la section dite des Spécialités. Il y entre peu de vins à moins de 20 $ dans cette section. Il y a 5103 vins rouges actuellement sur les tablettes de la SAQ au format de 750 ml. La plupart, soit 3500 sont à plus de 20 $. Seulement une bouteille de vin rouge sur cinq est à moins de 17 $. Le prix médian est 27 $.

Tertio, le but de la SAQ est de rapporter de l’argent dans les caisses de l’État. Plus le vin est cher, plus il rapporte. Les producteurs savent cela. Ils savent que la SAQ a déjà demandé à des producteurs de lui vendre leurs vins plus cher. (1)(2)

J’ai déjà abordé l’exemple du Chili Un jury canadien pour des vins chiliens que nous payons très cher, revenons-y avec un exemple plus récent. L’an dernier le prix moyen par caisse de vin chilien vendu au Royaume-Uni était de 20 $; 27 $ au États-Unis, mais 38 $ au Canada. Nous sommes les clients qui payons le plus cher pour le vin du Chili! (Cierre anual de exportaciones, Vinos de Chile) Pire, de 2009 à 2010, le prix moyen que nous payons pour le vin chilien a augmenté de 8,9 %; alors qu’il a baissé de 6 % pour le Danemark et de 5 % pour l’Irlande, qui achètent pourtant moins de vins chiliens que le Canada. (*) Alors, il est où «l’incroyable pouvoir d’achat de la SAQ»? Il ne semble pas faire baisser les prix, tout au contraire. D’ailleurs si la SAQ vendait ses vins moins cher, elle rapporterait moins à l’État et ainsi elle ne remplirait pas son mandat.

(*) Au sujet de cette hausse de 8,9 % du prix payé pour les vins chiliens, la porte-parole de la SAQ tient à préciser que ce serait dû au fait qu’on a acheté des vins de meilleure qualité.
(Ajout au texte le 16 mars)

Bien sûr, en théorie, plus notre pouvoir d’achat est fort — prenons l’exemple de Costco et de Walmart — plus on pourrait acheter et vendre à meilleur prix. Mais cette théorie ne s’applique pas ou peu dans le monde du vin d’ici qui est un monde de produits de luxe, de consommation ostentatoire. Elle s’applique encore moins au Québec à cause de la situation monopolistique et du fait que le vin est un outil permettant de récolter des taxes.

Ceci étant dit, et malgré cela, il faut continuer à être attentif et à questionner régulièrement le système comme le fait M. Marissal afin de tenter de maintenir les prix de nos vins au niveau le plus bas possible.