Les lois sur le commerce du vin au Québec datent de 1921.
Presque un siècle plus tard, nous nous rendons compte qu’elles ont pris de l’âge. Le système de distribution du vin au Québec a rendu de grands services, mais maintenant il est vieillot et sclérosé.
L’ensemble des règles encadrant le commerce du vin au pays a mal vieilli et est devenu un système contraignant qui limite le développement de ce marché qui pourtant devrait être en pleine croissance.
Cet ensemble de règles qui visaient à empêcher l’ivrognerie et le commerce de boissons frelatées doit être révisé.
Les crises répétées concernant la SAQ, les vins de dépanneurs, les vins du Québec, les hausses répétées de prix et le commerce interprovincial des vins nous ouvrent les yeux et nous forcent à réfléchir.
Comment donc améliorer ce système, sans foutre le bordel? Comment remettre de l’eau propre dans le bain sans jeter le bébé?
Certains proposent la privatisation et le démantèlement de la SAQ. C’est un projet qui ne fait pas consensus et qui semble trop drastique à une bonne partie de la population. Ce n’est probablement pas la meilleure solution à ce moment-ci.
Toutefois, il y a un ensemble de petites réformes qui peuvent être faites successivement et qui permettraient de revaloriser le commerce du vin au Québec.
Voici donc une série de propositions visant à rendre plus fluide la distribution du vin au Québec. Elles pourraient être mises en oeuvre dans un horizon de 12 à 36 mois. Sans se presser, mais en faisant les choses correctement. Autrement dit, hâtons-nous lentement!
Il faut viser à rendre service à toutes les clientèles: celles qui veulent des vins d’entrée de gamme, jusqu’aux connaisseurs et grands amateurs de grands vins en passant par tous les segments de consommateurs. Ceci doit être fait tout en maintenant et même haussant les revenus que Québec tire de la vente d’alcool.
Voici les points qui seront abordés: transparence, épicerie, importation privée, vins du Québec, spiritueux et taxes.
Transparence
L’actualité récente nous démontre que la population exige plus de transparence de la part des vendeurs de vin. L’étiquetage et surtout le contre-étiquetage devraient être plus informatifs.
Sur le moindre petit pot de confiture, on a une liste des ingrédients, mais rien ou très peu sur les pourtant grosses bouteilles de vin.
Nous devrions y retrouver les éléments suivants: taux de sucre résiduel, le pH indiquant la force de l’acidité, la quantité de sulfite; le lieu d’embouteillage; le type de bouchon. Dans un premier temps ces éléments devraient se retrouver sur le site de la SAQ.
Importation privée
Bon an, mal an, il y aurait plus de 15 000 vins différents en importation privée au Québec. C’est plus que ce que l’on retrouve dans le répertoire de la SAQ. C’est un marché en pleine croissance; +9,9 % en 2014 (+3,3 % en succursales). Toutefois, il est encarcané par des règlements désuets et anti-commerciaux. On doit acheter à la caisse. Il faudra plutôt permettre la vente à l’unité. De plus, ces vins devraient être ajoutés au site d’achat en ligne saq.com ou à un autre site accessible au public. Les mêmes règles d’achat et de livraison devraient être appliquées à ces vins comme à ceux de saq.com. Les importateurs privés devraient aussi pouvoir distribuer leurs vins dans les épiceries.
Les épiceries
Nous avons beaucoup entendu parler des vins de dépanneurs ces dernières semaines. C’est un marché en pleine croissance. Le vin en vrac n’est pas cher (0,80$ – 1,40$ le litre) et déguisé dans des bouteilles aux belles étiquettes il a la faveur d’une bonne partie du public. Le meilleur vendeur au Québec, le Wallaroo Trail rouge, est un vin de dépanneur. Les marchés d’alimentation sont les lieux préférés de plusieurs pour acheter du vin. C’est un commerce de proximité moins intimidant que les solennelles succursales du monopole.
Les ventes de vin dans les épiceries et dépanneurs ont connu une forte croissance au cours des trois dernières années. Une croissance plus soutenue que dans les succursales SAQ. La hausse des ventes dans les épiceries à été en 2014 de l’ordre de 5.3 %. C’est plus que le 3,3 % des succursales. (De plus les ventes des agences situées dans les dépanneurs ont augmenté de 7,8 % en 2014.) Les ventes en épicerie totalisent maintenant 369 millions de dollars (2231 en succursales). En volume, c’est encore plus important. Les ventes en épicerie représentent 26 % de ce qui est vendu en succursales, agences, restaurants et importation privée ensemble. Soit 20 % des ventes totales en volume. (39 millions de litres et 150 millions dans le reste du réseau.)
Pourtant, les dépanneurs ont des menottes. Ils ne peuvent vendre que du vin embouteillé au Québec. Ce qui est frein énorme au développement de ce marché. Comme l’a si bien signalé notre collègue Mathieu Turbide, «au Québec, dans la majorité des endroits où l’on vend du vin (lire ici: les 10 000 épiceries et dépanneurs), on ne retrouve que des vins étranges aux noms étranges et aux étiquettes totalement inventées. Des vins anonymes dont il faut cacher la provenance, l’année de vinification, les cépages qui les composent, etc., etc.» (Pour en finir avec les vins en vrac à la SAQ)
Cessons de gâcher ce magnifique réseau de distribution de 10 000 points de vente. Il faut dans un premier temps permettre aux dépanneurs d’indiquer le nom des cépages et la provenance de leurs vins. Les mêmes règles d’étiquetage devraient s’appliquer comme à la SAQ; soit taux de sucre, lieu d’embouteillage, pH, quantité de sulfites, lieu d’embouteillage, type de bouchon, comme mentionné plus haut.
Les dépanneurs devraient pouvoir vendre du vin québécois. Ils seraient plus à même d’encourager le commerce des vins locaux que le lourd réseau de la SAQ.
Dans un deuxième temps, les dépanneurs devraient être autorisés à vendre du vin embouteillé sur les lieux d’origine, des vins de meilleure qualité. Il devraient être autorité à vendre des vins d’importation privée ainsi que des vins au répertoire de la SAQ.
Les vins québécois
La production de vin québécois s’accroît d’année en année. Sa popularité aussi. Elle est toutefois limitée par les carcans imposés par les dirigeants de la SAQ et de la Régie des alcools. (Voir le tableau des restrictions imposées aux vignerons québécois)
Les vignerons du Québec devraient avoir le droit de vendre leurs vins dans les épiceries, dans les restaurants et dans les marchés locaux. Ils devraient aussi avoir le droit de vendre par internet dans la province et dans le reste du Canada, comme le permet la loi fédérale.
Les spiritueux ne seraient pas touchés par cette réforme et continueront d’être exclusivement vendus dans les 400 succursales de la SAQ ainsi que dans les 440 agences SAQ. Toutefois, il serait envisageable de hausser la marge bénéficiaire sur ces produits tout en réduisant celles sur les vins. Le Québec est en effet la province canadienne qui taxe le moins les spiritueux.
Nous devrions nous attendre a que ce plan réjouisse les amateurs de vin de la province, redonne aux consommateurs confiance dans la SAQ et dans les vins vendus en épicerie, relance la vente du vin tout en maintenant – ou même haussant – les revenus que la province tire de cette industrie.