Aller au contenu

La science du bouchon

Est-ce que le bouchon doit vraiment boucher?

La question semble stupide! Vous pensez? Les hommes de sciences ne s’entendent pas sur la réponse.

Si on précise la question : est-ce que le bouchon qui ferme la bouteille de vin doit être complètement étanche? Et bien, là encore la réponse n’est pas claire.

Plusieurs producteurs, œnologues et autres spécialistes du vin disent qu’il faut que le bouchon laisse passer un peu d’oxygène. Mais quelle quantité? Ça, ils l’ignorent complètement. D’autre part, plusieurs autres soutiennent que le bouchon doit être parfaitement étanche.

Dans quel monde vivons-nous? Si les spécialistes ne peuvent même pas s’entendre sur une question aussi simple.

Le magazine Wine Spectator présente dans son édition du 31 mars un dossier intéressant sur ce sujet. On y apprend des choses étonnantes.

La présentation du dossier commence par un débat entre deux dégustateurs de la fameuse revue. Les arguments des deux protagonistes du Great Cork Debate sont plutôt simples. Par contre ce qui est intéressant c’est l’article de Daniel Sogg intitulé The science of closure. Il a interrogé de nombreux scientifiques qui ont fait des expériences sur les différents types de bouchon, des bouchons de liège et des capsules à vis. Ce qu’il a appris est fort intéressant. Son dossier va plus loin que le débat autour du fameux goût de bouchon qui contamine plus d’une bouteille sur 12.

D’après les spécialistes intérrogés, chaque vin doit être fermé avec le bouchon idéal, c’est-à-dire, celui qui convient le mieux à sa spécificité chimique, sa perméabilité à l’oxygène et sa durée de vie.

Bon! Commencez-vous à comprendre? Ça va venir.

L’exemple du riesling

Prenons un exemple précis, celui du riesling. Les grands amateurs de riesling alsacien aime beaucoup l’arôme de pétrole qui s’en dégage. Cet arôme provient du TDH. Le fameux 2,5,8-trimethyldihydronaphthalene. Alors, les expériences sur les vins de ce cépage ont démontré que le bouchon de liège atténue 40 % de cette saveur, alors que le bouchon synthétique l’absorbe complètement et que la capsule à vis le laisse intact.

Que feront alors les producteurs? Que penseront les amateurs de cette saveur devant l’absence ou l’exagération de celle-ci?

Voilà le casse-tête vers lequel nous nous dirigeons. Cependant, un producteur alsacien a déjà commencé à boucher des grandes bouteilles avec des capsules à vis : le Domaine Paul Blanck.

«Quand on sait que le bouchonnier s’autorise une marge de 3 % de produits défectueux et que, de notre côté, on rencontre 5 à 10 % de problèmes, on hésite à choisir ce système. De plus, outre son prix élevé, le bouchon de liège perd de son élasticité après cinq ans, laisse passer l’air et le vin s’oxyde. Mais sa plus grande faiblesse reste la fameux goût de bouchon… Notre région est particulièrement concernée par ce danger, car sans bois pour masquer les défauts, les vins blancs sont sensibles au goût de bouchon.» dit Frédéric Blanck interrogé par le magazine Cuisine et Vins de France, en octobre 2004.

Selon les spécialistes interrogés par Daniel Sogg, la capsule à vis remplacera le bouchon de liège, mais pas avant 10 à 20 ans. Car il reste beaucoup de recherches à faire.

Le bouchon de liège va donc continuer à faire beaucoup de dommage d’ici là.

Un vin – un bouchon

Le problème c’est que chaque bouchon de liège est unique. Aucun n’a exactement les mêmes propriétés.

Ce qui fait qu’en théorie, on pourrait ouvrir douze bouteilles provenant de la même caisse du même vin datant d’une dizaine d’années et, à l’aveugle, les dégustateurs y verraient des vins différents. Certains vont sembler plus jeunes et d’autres plus vieux. Alors que si ces mêmes 12 bouteilles avaient été obturées par des capsules étanches, elles seraient peut-être plus homogènes.

On se rend compte maintenant que le bouchon est un des éléments principaux du vieillissement du vin, avec le terroir, le millésime et les techniques de vinification.

Tout ceci parce qu’aucun bouchon de liège n’a exactement la même perméabilité.

Le bouchon devrait être le scellant qui garantit la qualité du produit, il est plutôt le point faible.

Les dégustateurs du magazine Wine Spectator à Napa disent que le nombre de bouteilles bouchonnés qu’ils ouvrent pour leurs dégustations tournent régulièrement autour des 15 %.

Problème de réduction

En Nouvelle-Zélande, on utilise de plus en plus les capsules métalliques.

Toutefois, on s’est rendu compte que les vins bouchés hermétiquement avaient plus souvent un goût de réduction. C’est un goût d’œuf pourri, de chou bouilli ou de caoutchouc. Cela serait dû à une molécule produite lors de la fermentation du vin et qui se développe dans la bouteille en l’absence d’air.

Un chroniqueur de vin de la Nouvelle-Zélande relate même qu’il a trouvé ce problème de réduction dans un grand nombre de bouteilles lors de dégustation ces dernières années. [Screwcaps and beyond, Richard James, Jan 11 2005]

Les viticulteurs ont donc commencé à modifier le procédé de fermentation afin d’empêcher la production de cette molécule. On aère, entre autres procédés, les cuves plus régulièrement. Certains ajoutent aussi du cuivre ou de l’oxygène lors de l’embouteillage pour freiner la formation de cette molécule.

De leur côté, des fabricants de capsules à vis, tel Stelvin, proposent maintenant aux producteurs des joints de propylène qui laisse passer un peu d’air dans le vin. On veut ainsi combler les besoins des producteurs qui estiment que cela sera bénéfique à leurs vins.

On se rend compte qu’il reste beaucoup de recherche et d’expérimentation à faire sur le sujet avant de voir la capsule à vis ou tout autre bouchon remplacer le vieux liège.

À lire aussi mon article précédent sur ce sujet : Le bouchon de liège remplacé par la capsule à vis

Aussi l’étude The Role of Oxygen in the Aging of Bottled Wine (PDF)