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Le vin en 2009

Que sera le monde du vin en 2009?
Difficile à prévoir? On n’a pas de boule de cristal, mais on détecte des tendances.

La crise économique, la surproduction, les pesticides, les taux d’alcool, les modes, les cépages, les nouveaux emballages, le comportement des consommateurs, voilà autant de sujets d’analyses prospectives. Commençons par celui qui touche le plus le consommateur.

Le vin et la santé

On peut tout de suite dire que les vins d’agriculture biologique prendront un peu plus de place sur notre marché au Québec et en Amérique. La demande est là, mais l’offre est insuffisante pour le moment.

Il y a 87 vins de l’agriculture biologique actuellement dans le stock de la SAQ. Soit 14 de plus qu’en avril dernier. La plupart ne sont pas identifiés comme tels sur les tablettes. Il pourrait y avoir un regroupement ce qui faciliterait grandement la tâche du consommateur.

Toutefois, il semble bien que des gens à la SAQ voient qu’il y a là un marché potentiel en progression. Il se pourrait donc que nous aillions de nouveaux produits bio à nous mettre sur la langue d’ici quelques semaines.

En Europe, devant l’affluence grandissante, le Salon du vin bio de Montpelier doit même déménager dans un édifice plus grand.

Pendant ce temps, les études sur l’effet du vin sur la santé vont continuer à être publiées : on apprend aujourd’hui que trois verres de vin aident à produire des omega-3 (www.winespectator.com).

L’étiquetage, pesticide et collage

Il semble bien aussi que les consommateurs vont exiger d’avoir plus d’informations sur les vins qu’ils consomment. Le vin et la bière sont parmi les seuls produits qui donnent très peu d’informations sur leurs étiquettes. Le consommateur accepte de moins en moins cette exception. Les confitures, même artisanales, doivent énumérer tous leurs ingrédients et autres renseignements alimentaires. Ce n’est pas le cas de nos deux grands breuvages!

Les producteurs et vendeurs de vins disent que leurs produits sont naturels. Ils devront le prouver. On ne les croit plus sur parole.

Est-ce qu’ils contiennent des résidus de pesticides, d’herbicides, de produits de filtration, etc? Les pressions se feront de plus en plus fortes pour qu’ils l’indiquent sur la contre-étiquette. D’ailleurs, les vins européens mis en marché après le 31 mai devront mentionner l’utilisation de produits laitiers ou d’oeufs pour le collage, la clarification ou la filtration. (Directive Commission européenne)

Le nombre de pesticides autorisés dans l’agriculture en Europe a été réduit de 700 à 300 depuis le 1er septembre. Mais 300, c’est encore énorme! Je n’ose m’imaginer ce que ce doit être dans le Nouveau-Monde!

D’ailleurs, les vins bio ne seraient pas exempts de pesticides, surtout si leurs voisins en utilisent. À lire cette information provenant de Belgique qui rapporte la découverte de pesticides dans plusieurs vins, dont certains sont biologiques. (Obiwi) De toute manière, les nouvelles réglementations européennes relatives à la production biologique disent seulement de  «limiter strictement l’utilisation d’intrants chimiques de synthèse aux cas exceptionnels…» (JOEU)

Le soufre

L’utilisation du soufre dans le vin est un sujet qui intrigue énormément le consommateur. L’article de Vin Québec sur le sujet Sulfites dans le vin est d’ailleurs un des plus lus sur ce site.

Les producteurs essaient d’ailleurs d’en utiliser le moins possible. Mais comment le consommateur peut-il savoir qui a été sérieux et qui a été négligent? On va sûrement en discuter encore cette année.

La mode

Dans le domaine de la mode, l’avantage semble vraiment être du côté des vins du Nouveau Monde. Leur marketing était axé sur les vins de cépages depuis quelques années. Ils changent lentement de cap et parlent de plus en plus de vin de terroir. Ils font aussi des efforts notoires du côté de l’emballage, des étiquettes, des capsules à vis et des contenants plus attrayants.

Paradoxalement, la France où il était souvent interdit d’indiquer les noms des cépages sur l’étiquette vient de l’autoriser. On ne sait pas trop comment utiliser ce nouvel élément de marketing. (Une politique du cépage galvaudé). Ne sont-ils pas un peu en retard? Le train n’est-il pas déjà passé?  La France modifie aussi son système des appellations. Système qualifié par plusieurs d’archaïque. Le consommateur ne s’y retrouvait plus. Est-ce que le nouveau système sera mieux?

Dans le monde du vin, il en faut pour tous les goûts. Du fruité sucré au fruité acide, il faut satisfaire tous les palais. On doit produire des vins pour ceux qui recherchent le confort, la continuité, le connu, le régulier; et pour ceux, tels les Québécois, « ces infidèles du vin », comme dit Français Chartier, qui recherchent l’originalité.

Les goûts changent et évoluent. Les modes passent, le consommateur se tanne vite.  Les vins joufflus,  bourrés de fruits sucrés de l’Australie commencent  à lasser, même en Australie.  On se plaint maintenant de la «sameness of Australian wines» (sl.farmonline.com.au), de la routine, du manque de variété… Un vin du Portugal (Setencostas) composé de cépages inconnus (castelao, camarate…) aurait fait tout un tabac en Australie l’an dernier. L’herbacé sauvignon de Nouvelle-Zélande fait même une percée chez son voisin!

En Nouvelle-Zélande aussi on craint 2009. La surface plantée a triplé en 10 ans. Mais en 2008, tout a presque stoppé. (www.nbr.co.nz) De plus, près de 70 vignobles sont à vendre et il y a peu d’acheteurs.

Est-ce la fin de la mode du gros cabernet tannique, du lourd chardonnay boisé et du shiraz confituré? On redécouvre le sauvignon, le riesling, le soave, le sangiovese et les vins plus subtils.

Le blanc pourrait revenir à la mode. À Vancouver, le propriétaire du bar à vin Cru dit qu’il « est facile de reconnaître les connaisseurs à ceux qui commandent du gruner veltliner, du vouvray ou du roussane et marsanne. » (G&M)

Donc, plus d’acidité, moins d’alcool, moins de sucre, plus de finesse. Des vins digestes! Une pointe d’originalité si possible. Un peu de dépaysement.

De la syrah à Bordeaux

Les vins de Bordeaux sont des produits d’assemblage. On pourrait bientôt y ajouter de la syrah et du zinfandel.  Le Syndicat des vins de Bordeaux a en effet demandé à l’organisme de régulation l’INAO de pouvoir tester ces deux cépages en plus du marselan, de l’arinanoa et en blanc du chenin, du chardonnay, du petit manseng et de la liliorila. (Vitisphere)

Le taux d’alcool

Il semble bien que ce ne sera pas en 2009 qu’on verra le taux d’alcool diminué. Il était de 12 % il y a quelques années seulement, il est maintenant de 14 %. Ça en fait des vins quelquefois plus impressionnants en dégustation, mais moins intéressants à table, plus lourds et moins digestes.

En Italie, un oenologue m’a dit qu’il n’y aura pas de retour en arrière. « On ne peut plus produire des vins à 12 degrés. C’est maintenant impossible. On n’a qu’à boire moins. » Les procédés de fabrication, les clones, le climat, les levures, toute la viticulture et la vinification concourent à faire des vins plus alcooleux. « Même si on le voulait, on ne pourrait pas », nous dit ce jeune vinificateur des collines de Toscane.

La crise économique

Le sujet de l’heure! Comment cette crise touchera-t-elle le consommateur? Est-ce qu’il modifiera sa consommation? Possiblement, mais dans quelle direction?

Le producteur, lui, semble déjà touché par la prudence des consommateurs face à une possible réduction des revenus. Les plus affectés pour le moment seraient ceux qui vendent des vins de luxe et étrangement les petits producteurs qui fabriquent les bas de gamme. (Voir Marché du vin – Vers des mutations de production et de consommation, Viti-net) Autre signe : les fabriquant de tonneaux et de planches aromatiques sont aussi déjà affectés par la mévente (blog.charentelibre.com).

Les collectionneurs et spéculateurs du vin se retirent. Ce qui est bénéfique pour le consommateur. Car ces gens font habituellement monter les prix, c’est leur intérêt. Les ventes des encans diminuent. Le prix de certains grands crus de Bordeaux du millésime 2000 a chuté de plus de 50 %, selon le Wine Spectator.

Il est assez évident qu’en cette période d’incertitude économique que le consommateur sera plus prudent. Quelques uns de nos dirigeants nous demandent de consommer plus pour aider à la relance économique. Mais nous ne sommes quand même pas complètement idiots. Aider à la relance économique de qui? De ceux qui ont causé ce marasme?

« Une chose au moins aura été positive, c’est que dorénavant, les banquiers dorment comme des bébés. Oui, parfaitement. Ils se réveillent toutes les deux heures en pleurant. » (closdesfees.com)

Je n’en suis pas certain. Ce sont les premiers que nos gouvernants ont aidés.

Est-ce que le consommateur va acheter moins? Ce n’est pas assuré. Il va sûrement préférer des mousseux à bon prix plutôt que des champagnes (chute de 16 % déjà en octobre). La relation entre qualité et prix va prendre encore plus d’importance. On le voit déjà sur Vin Québec, la section Qualité-Prix est la plus fréquentée. 

«C’est déjà commencé, les consommateurs cherchent des produits de meilleures valeurs à un prix inférieur à ce qu’ils payaient jusqu’ici » dit Shari Mogk-Edwards, vice-présidente de la LCBO. (Citée par Peppi Crosariol du Globe and Mail.) Le succès du vin argentin Fuzion est éloquent. À 7,45 $, il fait un malheur en Ontario depuis son introduction au printemps.  Il est le meilleur vendeur au Québec depuis deux ans.

«Everobody’s trading down.» Tout le monde dépense moins, lit-on dans la presse américaine. Mais, ça ne semble pas être toujours le cas. Un article du New York Times d’hier nous rapporte qu’en décembre sur le site de vente en ligne Wine.com que « le prix moyen de vente de la bouteille de vin a diminué de 17 %, par contre le nombre de bouteilles vendues a augmenté de 15 %. » (Buying less expensives wine, and more of it NYT)

En novembre en Ontario, les ventes de vins importés ont diminué de 1 % pendant que celles des VQA ont augmenté de 13 %. (www.stcatharinesstandard.ca)

Certains pays, certaines régions vont tendre à protéger leur maché local et à se fermer aux produits d’ailleurs.

Il y aura un glissement, un déplacement dans les secteurs de consommation. On dépensera moins ici, mais plus ailleurs. En fait, on devrait dire l’inverse : on dépensera plus ici et moins ailleurs; plus à la maison, moins au restaurant. En période de crise, les gens préfèrent maximiser leurs dépenses, donc réduire les dépenses non essentielles. (CFRA)

Surproduction

La surproduction n’est sûrement pas la plus belle chose qui puisse arriver à un pays producteur de vin en période de crise économique. C’est peut-être bien pour le consommateur, mais pas pour le producteur. C’est la situation de l’Australie.

Le président de la fédération des vignerons australiens appelle même à une réduction de la production de 10 à 20 %.

Stephen Strachan affirme qu’on produit trop de vin en Australie « nous sommes en concurrence avec nous-mêmes, nos marges de profits diminuent et la seule façon de ramener nos marges à un niveau acceptable est de réduire le vignoble. » (texte et vidéo sur abc.net.au)

Vente par Internet

Internet va commencer à bouleverser la vente du vin. On pourra acheter des vins via le web dans plusieurs États américains. Au Canada, on pourra faire de même en Ontario et en Nouvelle-Écosse sur wineonline.ca.

L’information sur les vins circule très vite sur Internet. La LCBO dit ne pas avoir fait de publicité pour le Fuzion, l’engouement instantané « grassroot buzz » a été provoquée par les commentaires sur Internet. (G&M)

Que doit faire le chroniqueur en 2009?

Même si vous êtes un adepte de la simplicité volontaire, et s’il faut prendre des résolutions pour 2009, je dirais : recherchez la qualité, recherchez les produits en lesquels vous avez confiance.

Si vous voulez voir des résolutions originales, lisez celles de Fred Tasker du Miami Herald. Il se propose de boire du vin de toutes les régions du monde, même de Cuba et de Colombie-Britannique. Il promet de goûter au vin d’Angleterre. Les journalistes de l’île disent qu’il est bon. M. Tasker répond : « pourquoi pas, s’il est aussi bon que leur nourriture! » Il boira du vin en boîte, du vin des 50 États américains, de l’Alaska, etc.

Des résolutions? Recherchez les vins les plus honnêtes, les moins trafiqués, les plus originaux, les plus « santé ». Cherchez aussi la variété. Comme dans l’alimentation en général : manger un peu de tout, varier. Recherchez les producteurs les plus sincères. Recherchez la qualité. Ne pas se laisser impressionner par le prix. Ne pas baser son jugement sur la première gorgée. Être toujours conscient de la diversité des goûts. Vouloir aimer, toujours douter.

Un beau programme!

Je vous souhaite donc de boire du bon vin et du meilleur en 2009. Bonne année!

  Marc André Gagnon