Des bourgognes qui vieillissent mal – des pinots oxydés – des bouchons de piètre qualité – comment jeter son argent à l’évier – des variations énormes de bouteille – une fois, tu l’as – une fois, tu ne l’as pas.
Acheter du pinot c’est comme jouer à pile ou face. On ne sait jamais ce qu’on aura. C’est un cépage fragile, très sensible à l’oxydation qui en général vieillit très mal.
Le contexte: une dégustation de pinots de Bourgogne et de Californie. Des millésimes de 1999 à 2005. Trente-deux personnes, donc deux bouteilles de chaque vin.
Le protocole: les dégustateurs sont répartis en six tables. Ceux du côtés nord de la table ont les bouteilles A, les autres la B. Tous les verres sont versés à l’avance. En remplissant les verres à l’odorat, on voyait déjà une grande différence entre les bouteilles A et B. En bouche ce fut encore plus marqué.
Gevrey-Chambertin Taupenot-Merme 2001
Moyennement ouvert, petis fruits, cuir mou. En bouche: très beau fruit, de la crème, riche, long. Très agréable, une jolie texture, belle acicité, une agréable finale. Des saveurs de sel de céleri. Classique, droit. Les deux bouteilles étaient assez semblables. La B plus fermée. 46 $ ***1/2
Les Bressandes, Beaune 1er cru Mommessin 2002
Le vin le plus pâle du groupe. Brillant. Bouche fraîche, souple, séveux, juteux, une finale sur la crème. Un après-goût un peu sucré, cassonade. Il faut le servir frais pour éviter ces après-goûts. 42 $ ***
Newton pinot noir 1999
La bouteille B était oxydée, et donnait des saveurs de pruneaux secs rappelant les amarones! La bouteille A était plus satisfaisante avec ses saveurs de tabac, d’anis, de fruits chauds, mais une finale brûlante. 46 $ ***
Lafond pinot noir Santa Rita Hills 2004
De beaux arômes de cuir. Belle attaque, fruité, plein, des saveurs de canneberge et de cerises noires. Beaucoup de fruit. Un régal et le moins cher du groupe. Pas cher. C’est la deuxième fois que je goûte ce vin, c’est vraiment un bel achat. La bouteille B était toutefois un peu moins intéressante. 25 $ ***1/2
Chambolle-Musigny Vogüé 2002
Un nez de crème, de beaux tanins, chaud, sucré, alcool. Unidimensionnel. Moyennement satisfaisant. 100 $. **1/2
Sanford & Benedict, pinot noir barrel select, Santa Barbara 1999
La bouteille B était viandeuse, agréable, superbe,équilibré, au fruité encore jeune et à la longue finale. La bouteille A était orangée, tanins légers, chaud, alcool, déséchée. La B ****, la A * 62 $
Chambolle-Musigny Taupenot-Merme 2000
Pâle, beau nez discret. Enfin du tanin, une belle texture. Long. Bon. La bouteille B avait un nez plus exubérant, un nez qui pinotte. 46 $ ***
La Crema pinot noir Russian River 2005
Fruité, fruits jeunes, fruits macérés. Riche, plein, long et gras. Commentaires entendus: «saveurs de Coca-Cola», «tarte au framboise», «gewurztraminer rouge». Original et bien américain. 39 $ ***1/2
Vosne-Romanée F et S Gros 2003
Rouge brillant, fruits chauds, poussière, paille, complexe. Semble encore jeune, plus de matière que les autres. Riche, plein, long. Mon préféré de la soirée.
La bouteille B était un peu moins intéressante et laissait paraître un vin aux saveurs peu intégrées, allant dans toutes les directions, désarticulé. B: anguleux ; A: complexe. 46 $ ****
Belle Glos, pinot noir Clark & Telegraph 2002
La bouteille B semblait superbe. Dans mon verre par contre, c’était brouillé avec des odeurs de thé brûlé. Une moins bonne bouteille et un verre mal lavé. Voici donc les notes de mon collègue Alain Brault qui vait aussi la bouteille A: «Nez très ouvert, épicé, vanillé, avec une note végétale qui apporte de la complexité. Beau gras en bouche, bien fruité, un peu sucré, très pinot noir Nouveau Monde; un peu mou. Finale tannique avec de la torréfaction. Bonne persistance. ***1/2» 40 $
En conclusion: vivement la capsule à vis ou le bouchon de verre sur les vins de pinot noir. Ce sont des vins qui vieillissent très mal sous liège. Au prix où nous les payons, nous nous attendont à ce que les producteurs consacrent un peu plus de soins et d’argent au choix de l’obturateur.
Une participante à la dégustation propose plutôt le choix suivant: «conserver ou faire vieillir le pinot…?»
Il n’y a pas de grands vins, mais seulement de grandes bouteilles.