On verse un verre. Ça ne sent rien. On dit qu’il n’est pas aromatique. On le dit fermé. Plus poliment, on le qualifie de discret. Le pauvre, il cache peut-être un défaut, un défaut grave?
Le goût de bouchon, c’est plus dommageable que nous le pensions!
Si votre vin ne sent rien, c’est la faute au bouchon de liège ou plus précisément au TCA.
C’est ce que nous apprend une nouvelle étude de chercheurs japonais.
La molécule TCA (2,4,6-trichloroanisole), soit donne des odeurs de moisi, soit elle bloque la perception des odeurs.
Selon Hiroko Takeuchi et son équipe de l’université d’Osaka, le trichloroanisole est un des plus puissants inhibiteurs d’arômes.
Mme Takeuchi a découvert que le TCA à très faible quantité, soit à 2 parties par trillion (2ppt), bloque nos capacités olfactives.
De plus, «le degré de suppression est fonction du temps d’exposition au TCA, et la reprise est relativement lente (récupération de 50 % à environ 10 secondes»; et cet effet peut durer «plusieurs dizaines de secondes», disent les auteurs de l’étude.
Ceci aura pour conséquence de nuire à la perception aromatique des vins suivants lors d’une dégustation.
Donc, le TCA présent dans plusieurs bouchons de liège donne ces odeurs de moisi, de poussière, de liège; mais si le vin ne sent rien, ce serait aussi à cause de cette molécule!
«Nos données démontrent qu’une infime quantité de TCA peut supprimer de manière significative la détection des odeurs», soutient Mme Takeuchi.
Pourquoi le TCA nous fait-il sentir le moisi et à d’autres moments, il bloque tout? Ceci n’est pas clair selon les auteurs. La quantité de TCA est tellement faible que les appareils actuels ne peuvent pas toujours la détecter, mais notre nez lui le peut, il est plus performant et il réagit.
Effet masque
Le laboratoire Excell de Bordeaux dit en gros la même chose. «Ces mêmes substances (TCA) affectent négativement la typicité aromatique des vins en masquant la perception des substances volatiles et odorantes authentiques du vin et cela bien au-dessous de leur seuil de perception; on parle alors « d’effet masque » (mutingeffect). Le vin perd alors toute expression.» (Communiqué de presse Excell)
Donc, nous pouvons dire maintenant qu’un vin sans odeur est un vin bouchonné!
Dès 2007, un journaliste du Wine Spectator, James Laube avait déjà noté que «des traces de TCA dépouillent littéralement un vin de sa saveur, faisant qu’un vin normalement riche et fruité devient terne, sans qu’on trouve un défaut apparent. Cela peut laisser le consommateur déçu par un vin sans qu’il soit en mesure de déterminer pourquoi.» (Wine Flaws: Cork Taint and TCA)
Selon la BBC, 5 à 8 % des vins seraient bouchonnés. Si nous ajoutons à cela, les problèmes d’oxydation dus à des bouchons de liège peu étanches, on monte à 12 ou 15 % de vins défectueux. Et cela s’amplifie avec l’âge des vins!
Nous pouvons retourner un vin à la SAQ ou au restaurant lorsque nous y détectons une mauvaise odeur, mais pourra-t-on retourner un vin qui n’a pas d’odeur?
Michael Balter de Science Mag dit «alors, la prochaine fois que vous renvoyez une bouteille de vin, dites au garçon que vous avez détecté des niveaux inacceptables de TCA.»
2,4,6-Trichloroanisole is a potent suppressor of olfactory signal transduction,
Hiroko Takeuchia, Hiroyuki Katoc et Takashi Kurahashia. Université d’Osaka
Édité par Stephen D. Roper, Miller School of Medicine, University of Miami, FL
Publié le 16 septembre 2013 dans le site PBAS-Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1300764110