Il y a quelques jours, Marc André a publié un article mettant en doute l’utilité de juger de l’équilibre d’un vin. Si j’ai bien compris (en exagérant tout de même un peu), sa conclusion est que la notion d’équilibre ne suffisant pas à bien définir le plaisir que procure un vin, on devrait la mettre au rancard et s’attaquer à trouver une meilleure définition de ce plaisir.
Ainsi, étant donné qu’elle est loin de nous permettre de comprendre les subtilités de l’économie de marché ou du mouvement des planètes, devrait-on conclure que l’arithmétique est inutile à l’humanité ? Certainement pas.
L’objet, ici, n’est pas de clarifier cette notion d’équilibre du vin. Comme Marc André l’a noté, on l’enseigne dans tous les cours de dégustation et de nombreux livres en parlent. Le but est plutôt d’en rappeler l’utilité et les limites.
Rappelons d’abord que cette notion d’équilibre ne s’applique pas seule, mais fait partie d’une technique de dégustation qui comporte plusieurs autres notions comme le corps, la complexité et la persistance aromatique. M. Peynaud et compagnie ont baptisé cette technique « dégustation analytique ». Il s’agit d’un outil d’analyse organoleptique et non d’une façon de mesurer l’équilibre chimique réel du vin, malgré les airs que se donne la formule citée en début d’article par Marc André.
On ne peut qu’être d’accord avec lui lorsqu’il écrit que ce qui compte, c’est le plaisir que nous procure le vin. Cela dit, la technique de dégustation analytique a justement été élaborée dans le but de nous aider à comprendre ce plaisir pour mieux le renouveler; nous évitant ainsi d’être condamnés à racheter toujours les mêmes quelques vins, sous prétexte que nous les avons trouvés bons.
Analyse organoleptique signifie analyse des perceptions sensorielles que nous procure le vin et non analyse du vin lui-même. Chacun évalue la qualité de l’équilibre d’un vin avec ses propres papilles, ses propres seuils de perception et de tolérance et, bien entendu, ses propres goûts et préjugés.
Rappelons également que l’équilibre ne considère que les sensations gustatives que nous procure le vin. Tout l’aspect aromatique doit également être analysé pour obtenir une compréhension (partielle sans doute) du plaisir que nous éprouvons. Marc André a donc raison de trouver la notion d’équilibre insuffisante, mais certainement pas de remettre son utilité en question. Tout amateur de barolo (trop tannique), de savennières (trop acide), d’icewine (trop sucré), de très vieux vin (trop mince) et j’en passe, sait que l’équilibre n’est pas tout dans le vin, loin de là. Si Peynaud a écrit (ce dont je doute et ce n’est pas ce que MAG prétend) que seuls les vins équilibrés peuvent être considérés comme de bons vins, il est allé trop loin; et tous ceux qui enseignent la dégustation devraient s’en rappeler.
Il reste qu’un vin trop acide aura un goût vert, mordant, voire tranchant; tandis que celui qui en manque nous semblera mou, plat ou lourd en bouche. La notion d’équilibre, malgré ses limites, nous permet donc de comprendre et d’éliminer bien des sources de déplaisir lorsque nous choisissons nos vins.
La clé anglaise ne fait peut-être pas le plombier, mais, pour paraphraser un ex-politicien de chez nous, un coffre à outils bien garni ne peut pas nuire.