Arrivage du 25 juin 2005
En Bourgogne, le millésime 2002 est une très belle réussite. Le consommateur averti devrait normalement se précipiter sur toutes les « merveilles » proposées par nos monopoles provinciaux. Ce ne sera pas le cas et on se demande si les Canadiens ne pourront jamais vraiment découvrir les beaux vins de cette année réputée. La SAQ est présentement en pleine opération « grands » bourgognes 2002, avec le dernier envoi du Courrier vinicole. Or, la sélection offerte par notre société d’État est loin d’être des plus enthousiasmantes. Tous les chroniqueurs sont d’accord, les quatre étoiles qu’ils ont distribuées aux vins proposés dans ce triste catalogue sont bien rares.
La LCBO ne semble pas partie pour faire beaucoup mieux. Pour un si beau millésime, on s’attendrait à ce que les arrivages proposent plein de bonnes bouteilles dignes de cette belle réussite. Il n’en est rien. La Bourgogne continue à occuper la portion congrue et à se faire rare au catalogue de Vintages. Et, quand on nous en propose, la sélection est loin d’être des plus heureuses.
Dans l’arrivage du 25 juin, seulement quatre rouges sont proposés. De plus, sur le lot, un seul est intéressant. Le Gevrey-Chambertin [69 $] est sans intérêt [surtout à ce prix]. Le Nuits-Saint-Georges [50 $] est pointu, maigre et court en bouche. Le Pinot noir, La Buxynoise, [17 $] est réservé aux amateurs de petits vins agressifs.
Un vin sauve la mise : le Marsannay, Longerois, 2002, René Bouvier – 586859 – 44,95 $ . Un producteur inconnu, dans une appellation peu réputée de la Côte de Nuits. La surprise est agréable. Belle couleur rubis foncé. Bonne concentration de fraises au nez, avec une très discrète nuance animale. Pas assez cependant pour que le vin ne pinote vraiment. La bouche, très honnête, fait apparaître un goût de cerise. La finale est un peu sèche, mais le gras bien présent corrige agréablement ce défaut de jeunesse d’un vin dont les tannins un peu trop présents devraient s’assagir après quatre ou cinq ans.
Pour changer de registre et passer à la grosse artillerie, les amateurs de vins du Nouveau Monde seront comblés par le Estate Shiraz Reserve, Paathaway, South Australia, 2000, de Greg Norman -585828 – 49,95 $ . Opaque, d’encre. Déborde de confiture, grillé, avec une bonne dose de vanille. Bouche généreuse et savoureuse. En somme, un vin dont la matière est imposante. Pas du tout subtil, mais si bon. Un trou d’un coup.
Arrivage du 9 juillet 2005
La vedette incontestable de l’arrivage est le Solaia, 2001, Antinori – 987586 – 169,95 $ . Noir comme la nuit. Couronne violacée. Nez intense et profond dominé par le cassis et la vanille. Il faut travailler pour faire ressortir les autres arômes encore cachés de ce très jeune vin. En le faisant énergiquement tourner dans le verre, la cerise, le cuir et le chocolat noir se manifestent alors. La bouche est explosive, une série de petites explosions qui font successivement apparaître tout un feu d’artifice de saveurs. Puis, la finale rompt brutalement l’extase. L’astringence écrase tout. C’est décevant et, même, inquiétant. Problème de jeunesse ? Si oui, un géant fera un jour se pâmer les patients. Sinon, si ces durs tannins résistent quand le fruit s’écroulera, ce sera le désastre. C’est malheureusement ce qui risque de se produire. D’ailleurs, je ne suis pas loin de penser que tel est le style même de ce vin, dont j’ai goûté, il y a quelques mois, un vieux millésime qui, lui aussi, cassait la gueule, en finale. Un grand vin donc, mais tout un risque à prendre, surtout à ce prix. Je m’abstiendrai.
Vinsobres, 2000, Jérôme Quiot – 728873 – 17,95 $ . Vinsobres est l’un des 16 villages des Côtes-du-Rhône-Villages qui peuvent ajouter leur nom à celui de l’appellation. Il ne s’agit donc pas d’un Côtes-du-Rhône-Villages AOC, mais d’un Côtes-du-Rhône-Villages, Vinsobres AOC, nuance. D’une couleur peu concentrée, le nez est surtout floral, bien que le fruit [la fraise] soit aussi présente. Il offre une belle fraîcheur, que l’on retrouve aussi en bouche. La matière en bouche n’est pas très concentrée, mais ses jolis fruits lui donnent une certaine élégance. Ce qui en fait un vin très agréable.
Un bordeaux, le Château Fonbel, Saint-Émilion Grand Cru, est disponible dans deux millésimes : le 2001 [655092 – 32,95 $ ] et le 2000 [655100 – 42,95 $ ]. C’est une belle occasion de mesurer ce que les œnologues appellent l’effet de millésimes. En comparant ces deux millésimes, l’un à côté de l’autre, l’amateur sera à même de constater toute la différence qu’il peut y avoir, pour un même vin, d’une année à l’autre. Le 2001 est de couleur prune. Le nez est plutôt complexe, du fruit, des épices, de la terre [le merlot] et des herbes aromatiques [thym et origan]. Il est cependant beaucoup moins intéressant en bouche. Le vin est plutôt lourd. Il est court et la finale est ingrate. Le 2000 est bien meilleur. Sa couleur est plus profonde et beaucoup plus invitante. Le nez est tout aussi complexe, mais beaucoup plus fruité. Il est aussi plus racé, c’est-à-dire plus caractéristique du cépage [merlot] dont le vin est issu. La bouche est aussi nettement plus agréable, la richesse du fruité fait toute la différence. La différence de prix est donc pleinement justifiée.
La découverte. Le Corto Zovo Campo Solin, Ripasso, Valpolicella, 2001- 650713 – 11,95 $ . Au premier abord, ce vin ne paie pas de mine. De couleur grenat, il a un aspect « huileux ». Pas très invitant. Le nez est peu intense, au début. Puis, les fruits rouges à la liqueur, le chocolat, le cuir et les épices se révèlent. Surprenant. La bouche encore plus. On retrouve en bouche une palette aromatique aussi complexe qu’au nez, mais en plus riche, en plus intense. Le vin est plein, gras et bien équilibré, malgré une petite lourdeur. Il est plutôt long. Un vin vraiment intéressant, à prix irrésistible. Petit conseil cependant, servez-le assez frais, autour de 12 degrés.
Benoit Guy Allaire