Vous connaissez les barolistas, non ce n’est pas un groupe de musiciens. Vous êtes amateurs de vin, vous avez donc des barolistas parmi vos amis, vos connaissances. Vous êtes peut-être vous-même un barolista.
C’est le nom qu’on donne aux amateurs de barolo. Quand je dis amateur, ce n’est peut-être pas le bon mot. Car ils sont plus que ça. Je dirais adepte, aficionado, passionné, fanatique, mordu, allumé, accro, fana et autres assoiffés du nebbiolo. Du nom du cépage (qui signifie brumeux).
C’est presque une religion, une secte. Car il faut avoir la foi pour être un barolista. J’ai quelques-uns de mes amis qui le sont. Ils essaient patiemment de me faire entrer en cette religion, en cette confession, en ce culte.
Je vous dirais qu’il y a aussi des bordeaulistos, des bourgognitas, mais ils ne semblent pas aussi fervents que les barolistas. Je connais même un chilinisto, mais là c’est de l’hérésie, vous me direz.
La foi
Il faut donc avoir la foi. De mes amis, pris d’un prosélytisme de bon aloi, me font goûter régulièrement le liquide rouge palot de leur adoration. Ils sont souvent déçus de mon peu de foi, car souvent je leur dis que le vin est rude et que ses tanins m’assèchent la langue et me laissent une impression de sécheresse en bouche.
Je comprends alors que je ne suis pas encore un barolista. Je voudrais tellement aimer ce vin, car il me semble que les amis éprouvent un immense plaisir à le boire et à en parler.
Les 2000 ou 2001
Dans l’église barolista on discute aussi beaucoup des vertus contradictoires des millésimes 2000 et 2001. Il y aurait des sous-chapelles portant ces deux numéros. Pour le camp des 2000, dont les gens du Wine Spectator, ce millésime serait meilleur. Par contre, les adeptes de 2001, tel Wine Camp, disent que le leur est plus austère, plus dur, donc sera meilleur! Il faut croire!
Il arrive quelques fois que ce liquide rouge fané ne soit pas asséchant et que je déclare tout contant, et croyant enfin être admis dans le club, que le barolo est bon. On met rapidement fin à mes espoirs en me disant ici que le vin que j’aime n’est pas un traditionnel! Que ce vin est produit par un moderne, que je traduis par hérétique!
En effet, comme dans toutes religions, il y a des chapelles qui alimentent les discussions dans ce petit monde de croyants.
Je vous le dis, il est plus difficile d’entrer dans cette religion que de sortir de toute autre.
Je ne désespère pas, je veux croire, avoir la foi et je profite de toutes les occasions pour me baptiser de ce liquide tant adoré.
C’est ainsi que j’ai vu dernièrement que l’Amicale des Sommeliers organisait une… Grande Messe… non, tout simplement une dégustation de vins du Piémont. Sachant avec quelle ferveur et quels soins les gens de l’Amicale choisissent leurs vins, je me suis empressé, à la suggestion de deux barolistas amis, de réserver mon banc, ma place à Gatineau.
En plus de Ghemme, Langhe, Barbera et Barbaresco, il y a avait quatre barolos bien confirmés. Je dois dire de suite que ce fut une très belle surprise. J’ai aimé énormément. Je ne suis toutefois par certain que mes barolistas d’amis aient totalement appréciés. Mais enfin, au risque de commettre un sacrilège, je vais tenter de décrire ces vins.
Je ne suis pas encore adoubé barolista, alors je vais décrire le liquide comme je le goûte, comme il est dans son état actuel, et non pas comme je pense qu’il le sera, ou qu’il devrait être.
L’objet du culte
Car il y a quelque chose d’intéressant avec les barolistas, c’est qu’ils décrivent l’objet de culte non pas seulement comme il est dans le verre en ce moment, mais aussi comme il sera dans dix et 20 ans, lorsque plusieurs d’entre nous seront déjà au Paradis. Il faut dire ici que j’ai remarqué la même chose de certains fous de bordeaux (bordeaulistos) qui disent de certains vins astrigants, archiboisés et bruts que ce sont de grands crus qui sera bons un de ces jours.
Il arrive aussi que certains barolistas disent d’un vin qu’il est bon, mais pas traditionnel, donc pas typique, pas véridique; je comprends pas casher, pas un vrai chrétien quoi! Et qu’il n’est pas aussi vrai qu’un vrai barolo fait par des traditionalistes! Il faut donc être un peu ascète pour s’approcher du nirvana.
Je ne m’aventurerai pas de ce côté, car je suis loin d’avoir atteint le niveau de prêtrise barolistique nécessaire.
Quatre objets de désir
Barolo Vigna la Rosa, Fontanafredda 1982
C’est pâle, très pâle. Léger, souple avec des saveurs d’herbe. Une finale sur de jolies odeurs d’écurie. Une dame a dit de selle de cheval. Les tanins encore présents sont fins, presque délicats. Le vin évoluait bien dans le verre au cours de la dégustation. Pourtant, l’une des deux organisatrices de la dégustation m’a dit avoir peur que le vin soit trop vieux. Lorsque les bouteilles ont été ouvertes, le vin lui sembla peu intéressant. Mais quelques heures plus tard, le barolo se révéla dans toute sa splendeur.
La plupart des gens ont aimé, sauf à deux des huit tables. Il y avait quatre bouteilles, dont possiblement une qui avait moins bien vieillie.
Ce n’est pas donné, 299 $. Mais cela démontre que ce vin a vieilli très bien. Vingt-cinq ans, c’est beaucoup. Est-ce que le vin aurait été mieux quelques années plus jeunes, avec un petit peu plus de fruit? Une belle expérience. ****
Le 2000 est 81 $ à la SAQ 10221632 et 69 $ à la LCBO 943294.
www.tenimentifontanafredda.it
Barolo Le Vigne, Luciano Sandrone 1999
Très brillant, de beaux arômes d’herbe et de fougère. Une attaque juteuse de très belle qualité. C’est fin et très agréable, les tanins ne sont pas secs. La finale est sur le tabac et le chocolat brun. Une fine touche de bois. C’est riche. Le vin s’ouvre lentement. C’est très long. J’ai noté Superbe.
Un collègue barolista confirmé n’a pas aimé le qualifiant, entre autres, de végétal. Le verre d’un autre collègue était brouillé, trouble. Acutellement disponible 10329593 137 $ ****1/2
Barolo Bric dël Fiasc, Paolo Scavino 2001
Une note de boisé fin, une masse énorme de tanins, mais des tanins fins, non rugueux. Une belle trame. Du fruit en masse. C’est costaud. Superbe là aussi. Un costaud élégant. Toutefois, à une table, une bouteille n’a pas plu, on a trouvé le vin «désarticulé» et même sucré. Dans mon verre c’était de toute beauté.
Nebbiolo à 100 %. 8800 bouteilles, acidité 5,6 g/l. Alc. 14 %. Un an en barrique française (brullage moyen) et une autre année en tonneaux français. 110 $ *****
Le 1,5 L est 229 à la SAQ.
www.paoloscavino.com
Barolo Granbussia riserva, Aldo Conterno 2000
Très brillant, un nez net et profond de crème. Massif en bouche. Costaud. Beaucoup de tanins de qualité. Très boisé, un boisé dominant. Un boisé qui fait penser un peu à un vin du Nouveau Monde, ou à des bordelais d’il y a quelques années. Un barolista a dit «de structure française». Je suppose qu’il voulait dire de structure bordelaise. Un autre barolista communiant nous a affirmé que le boisé se fondra avec l’âge. Ce fut le vin préféré de la grande majorité des participants. Nebbiolo des variétés Michet et Lampia. Disponible à la SAQ 10698385 197 $ ****
www.poderialdoconterno.com
Je commence à comprende ce qui motive les amateurs de barolo. C’est la recherche d’un vin différent, strict, mais pas trop austère, séveux, mais pas trop juteux, tannique jusqu’à la limite, mais pas astringent, acidité vive… Et là, je ne parle pas des odeurs qui sont innombrables et aussi variées que les participants.
Mais est-ce que j’ai vraiment compris?
Je dois pratiquer encore et faire un long et agréable noviciat.