Quand vient le moment d’acheter une bouteille, très souvent l’amateur averti sait, avant même de franchir le seuil de son fournisseur attitré, quel vin précisément il veut ajouter à sa collection. Tel n’est pas le cas de la grande majorité de ceux qui entrent dans un magasin de la SAQ.
Devant les rayons bien garnis, bien des amateurs restent perplexes. Comment choisir entre toutes ces bouteilles? Certains y vont au hasard et d’autres adoptent la pire des solutions, se laisser séduire par une étiquette aguichante. Alors, trop souvent, la déception est grande quand, après avoir débouchonné la bouteille, ces imprudents goûtent leur vin.
Si pour les uns choisir une bouteille semble un jeu d’enfant tandis que pour les autres c’est un vrai casse-tête, c’est que les premiers, consciemment ou pas – pour eux, cela devient un automatisme –, se sont posé toute une série de questions qui font que leur choix va de soi, ou presque. Pour calmer les angoisses des autres, la solution est simple, ils doivent faire le même exercice que s’imposent les pros.
1) La première question à vous poser avant même d’acheter une bouteille, c’est de savoir quel usage vous voulez en faire. On n’achète pas le même vin si c’est pour le mettre en cave et l’attendre dix ans ou pour le boire rapidement.
La très grande majorité des acheteurs choisit un vin qui sera bu dans les jours, sinon les heures, qui suivent. Si tel est le cas, l’acheteur doit alors préciser s’il le boira pour le plaisir (une petite dégustation entre amis) ou pour accompagner un repas. Acheter une bouteille pour le seul plaisir de déguster donne toute liberté à l’acheteur, qui peut alors oser s’aventurer dans l’inconnu. Acheter un vin pour accompagner un repas exige plus de prudence.
2) Si le vin doit être servi avec un repas, il est important qu’il s’harmonise avec le plat avec lequel on le boira. Alors, choisir la bonne catégorie de vin est essentiel à la réussite de l’opération. Selon le plat, le vin sera rouge ou blanc, sec ou doux, léger ou corsé, tranquille ou mousseux, plus ou moins acide ou plus fruité, aux tanins plus souples ou plus fermes, etc.
Toutes ces caractéristiques ne sont malheureusement pas toujours révélées par l’étiquette. Alors, consulter un conseiller en vin compétent – il y en a – peut s’avérer très utile. Pour en tirer le meilleur profit, il est cependant très important de pouvoir décrire avec précision le plat que le vin doit accompagner. Par exemple, un même vin ne peut convenir selon que le poulet est frit ou rôti, assaisonné au cari ou au romarin.
3) Harmoniser un plat et un vin est souvent un exercice d’école qui fait surtout appel à des critères plus ou moins techniques, plus ou moins objectifs : on choisira un blanc qui présente une belle acidité pour accompagner des crevettes ou un rouge aux tanins vibrants pour accompagner un steak bleu. Cela cependant ne suffit pas à définir le vin idéal, il faut aussi tenir compte des goûts de chacun pour des vins aux styles bien différents.
Préférez-vous les vins plus classiques de la Vieille Europe ou les vins plus fringants du Nouveau Monde? Un vin peu ou pas du tout boisé ou un vin très boisé? Un vin plus austère ou un vin au fruité généreux? L’origine du vin, le pays, la région ou l’appellation sont souvent affaire de goût. À chacun de savoir ce qu’il préfère ou ce qu’il veut découvrir.
4) Si certains vins (surtout les vins européens) s’affichent par leur origine géographique (Bordeaux, Bourgogne, Rioja) beaucoup d’autres (surtout ceux du Nouveau Monde) se font d’abord connaître par le cépage dont ils sont issus (cabernet sauvignon, pinot noir, chardonnay). Pour s’y retrouver dans toutes ces appellations et tous ces cépages, il faut avoir acquis des connaissances encyclopédiques qui ne viennent qu’avec une longue pratique. Pour l’acheteur moyen cependant, chacun peut facilement découvrir ce qu’il aime le plus. Un exercice tout simple à faire, chaque fois que vous goûtez un vin, c’est de noter son origine et le ou les cépages dont il est fait. Vous indiquerez aussi, avec le nom du vin, si vous l’avez aimé beaucoup, un peu ou pas du tout. Rapidement, vous découvrirez ainsi si vous êtes plus bordeaux que bourgogne, plus cabernet sauvignon que pinot noir, etc. etc.
Muni de cette expérience, il vous sera beaucoup plus facile, en magasin, de cibler la bouteille qui vous apportera le plus de plaisir.
5) Autant que le choix de l’appellation et que du cépage, le nom du producteur est une information essentielle quand on choisit un vin. Celui qui s’est découvert une passion pour le cabernet sauvignon sera grand amateur de bordeaux. Il achètera aussi quelques californiens à l’occasion. Rapidement, cet amateur découvrira alors que le producteur fait une très grande différence. Il y a un monde entre le Haut-Médoc de X et celui de Y.
Beaucoup de consommateurs font cette erreur. Ils se précipitent sur une appellation prestigieuse (Pauillac ou Gevrey-Chambertin) sans vérifier qui a fait ce vin. La surprise qui suit n’est pas toujours agréable.
Il est cependant impossible de connaître tous les producteurs même d’une seule appellation. Par exemple, il y a plus de 10 000 producteurs de Bordeaux. Néanmoins, quand on tombe sur un vin que l’on aime, il est important de noter le nom du producteur et, ensuite, de rechercher d’autres vins de ce producteur. Chacun peut ainsi se faire un petit palmarès de ses producteurs préférés, dans chaque pays, dans chaque région, dans chaque appellation ou pour chaque cépage.
6) Le meilleur producteur dans la plus prestigieuse des appellations ne réussit pas à faire un grand vin tous les ans. Ce que nous appelons l’effet de millésime compte pour beaucoup dans la réussite d’un vin. Le millésime, c’est l’année de la récolte et cette précieuse information apparaît sur l’étiquette de tous les vins dignes de ce nom. Pour chaque vin, il y a de bons et de beaucoup moins bons millésimes.
L’acheteur avisé doit toujours tenir compte du millésime quand il choisit un vin, quel qu’il soit. Vous apprendrez rapidement quels sont les grands et les petits millésimes pour les vins de votre région ou de votre appellation préférées. Autrement, il est sage de consulter un tableau des millésimes fiable avant de jeter votre dévolu sur une bouteille. Il est très facile de se procurer un tableau des millésimes, ils foisonnent dans une multitude de revues spécialisées, de guides et dans Internet.
7) Les mêmes sources, auxquelles il faut ajouter votre journal quotidien préféré, publient, sous la plume de chroniqueurs spécialisés, leurs recommandations quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles. Les consulter est profitable.
Il ne faut cependant pas se précipiter chaque fois sur la vedette du jour qui vous est proposée dans ces pages. Il faut, avant de céder à la tentation et courir à la SAQ, reprendre le petit questionnaire que nous venons de voir. À quoi vous servirait d’aller acheter le gewürztraminer auquel le gourou de service accorde quatre étoiles si vous n’aimez pas ce cépage?
À propos de ces chroniqueurs, il faut savoir que, comme dans tous les domaines, il y en a de très bons et d’autres qui le sont beaucoup moins. Plus important encore, même parmi les bons et les très bons, tous ne sont pas une référence fiable pour vous, pour la bonne raison que vous ne partagez pas leurs goûts.
Ce que chacun doit faire, c’est de les tester. Vous choisissez un chroniqueur et vous achetez un vin qu’il recommande chaudement, à la condition bien entendu que ce vin corresponde aux critères que notre questionnaire vous a permis d’établir. Si ce vin ne vous plaît pas, donnez encore une chance ou deux à votre chroniqueur. Après trois déceptions de suite, vous aurez compris qu’il vous faut choisir un autre journaliste et recommencer l’exercice. Il en va de même pour les conseillers en vin de notre monopole d’État.
Quand vous avez enfin repéré un chroniqueur ou un conseiller qui vous donne entière satisfaction, faites-en votre gourou et profitez de son précieux savoir.
8) L’inévitable et pourtant nécessaire question que doit aussi se poser l’acheteur quand il convoite une bouteille est celle de son prix. Pour plusieurs, c’est même la toute première question à laquelle ils doivent apporter une réponse, avant même de décider s’ils préfèrent un blanc ou un rouge. Vous seuls avez la réponse à cette douloureuse question.
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