Qu’est-ce que l’importation privée de vin au Québec?
(On devrait plutôt le nommer Commandes privées.)*
Il y a 345 personnes qui ont un permis de la Société des alcools du Québec (SAQ) pour faire de l’importation au Québec.
Chacune de ses personnes forme une agence seule ou avec des associés ou des employés. Il y a de petites, de très petites et de grosses agences. Certaines n’importent même que pour un seul restaurant.
Il y a environ 16 000 produits à l’année en importation privée. Actuellement, il y en a environ 3000 disponibles (100 000 caisses à l’entrepôt de la SAQ.) Ceci comparé à 11 500 produits à l’année à la SAQ et environ 9000 vins actuellement.
L’importation privée est constituée surtout de vins de petits producteurs, importés en petites quantités.
C’est la SAQ qui importe, pas le privé!
Elle est bien mal nommée, car l’importation n’est pas privée du tout. Elle est même illégale. «Au Québec, la loi indique que seule la Société des alcools du Québec (SAQ) est autorisée à importer des boissons alcooliques», comme l’explique en toutes lettres la SAQ dans son site. C’est en fait la SAQ qui importe. Ce qui est étrange, c’est que c’est le monopole lui-même qui a donné ce nom «importation privée» à ce secteur.
Ce qui est privé c’est le choix du vin qui est fait par un «privé» — un individu — et non par un employé de l’État. Cette personne choisit le vin à importer. C’est la SAQ qui l’importe, qui paie le producteur, qui va chercher le vin, le fait transporter et le fait livrer à son entrepôt et l’y conserve.
Le «privé» n’a pas le droit d’avoir des caisses de «son» produit dans sa place d’affaires. Tout doit passer par la SAQ qui se charge aussi de livrer le produit au client.
La SAQ prend sa marge habituelle, les taxes habituelles en plus d’une marge supplémentaire (environ 2 $ la bouteille). Par contre, c’est le «privé» qui doit se charger de faire écouler le vin. La SAQ se réserve le droit d’imposer des frais d’entreposage si le vin ne s’écoule pas assez vite. Elle peut même exiger le paiement total de la commande si le vin reste trop longtemps dans l’entrepôt. Par contre, si le vin devient très populaire, la SAQ peut le prendre pour le vendre dans ses propres succursales!
Le «privé» doit payer d’avance presque la totalité de ses premières commandes. Par après, la SAQ le finance jusqu’à un certain niveau.
Avantages et inconvénients
Le consommateur, le restaurateur — car ce sont surtout des restaurateurs qui achètent ces vins — peuvent ainsi obtenir des vins originaux, des vins de petits producteurs, des vins exclusifs. Il y a en importation privée un plus grand choix de vin bio et de vin nature. Un particulier ou un groupe d’amateurs peuvent aussi faire de «l’importation privée» (sic) en passant par le monopole public. Mais là il faut s’armer de patience et d’argent. (Voir Particuliers dans le site saq.com) C’est un avantage aussi pour la société d’État qui collecte plus d’argent sans avoir à s’occuper de la mise en marché de ces vins.
Par contre, le prix est plus élevé parce que la SAQ se prend une marge supplémentaire et que la commission de l’agent peut être de 10 à 60 %. La SAQ se prend aussi un frais de service de base; le même pour une caisse de 6 et de 12 bouteilles. Donc les vins en caisse de 6 sont majorés plus fortement. De plus, c’est du vin en petites quantités, le renouvellement de la commande est souvent lent. Il y a aussi, selon les agences, double facturation. Soit une facture pour la SAQ pour payer le prix du vin, les taxes et sa majoration et une deuxième facture pour payer la commission de l’agent. Le gros désavantage pour le consommateur c’est qu’il faut acheter à la caisse. Finalement, ce sont des produits difficiles à retracer puisqu’il n’y a pas encore de centrale de commande ou d’information sur ces produits dispersés auprès de 345 agences.
Il faut que les vins soient vendus rapidement, car la SAQ impose des frais d’entreposage. C’est 1 $ par caisse au 5e mois; 2 $ au bout au 6e mois. La SAQ saisit les caisses qui sont encore dans son entrepôt au 7e mois.
La SAQ peut décider, devant le succès de certains vins, de le renouveler elle-même et de le vendre dans ses succursales. Un vin de 25 $ en importation privée peut ainsi se retrouver à 18 $ en succursales. C’est dire la majoration que ces vins subissent.
C’est toutefois, un marché en croissance. Plus de 540 000 caisses ont ainsi été écoulées l’an dernier. C’est maintenant plus de 100 millions de dollars. Des agences privées, les plus grosses, essaient maintenant de rejoindre les consommateurs en plus des restaurateurs. Il y a aussi un projet — en discussion depuis plus de 4 ans — afin d’afficher ces produits dans un site internet, celui du monopole! On nous le promet pour dans 2 ans.
Donc, un marché à suivre qui peut évoluer, surtout si on finit par permettre au consommateur d’acheter à l’unité et non plus à la caisse et si on informe plus le public de la qualité et de la disponibilité de ces vins.
* Il serait plus correct de nommer ce secteur Commandes privées, plutôt qu’Importation privée, car c’est en réalité le monopole d’État qui importe. (Voir ici.)
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Voir aussi Commande privée et chère, novembre 2016
Au sujet de l’agent voir Le rôle de l’agent promotionnel dans un contexte de marché monopolistique, Réal Wolfe, 2013, PDF 39 pages.
Et Services aux particuliers, règles d’importation des commandes pricée SAQ.
L’importation privée n’existe pas au Québec, mai 2017
Texte modifié le 25 novembre 2016