«Un parfum c’est 98 % d’image», dit Philippe Warren, professeur de sociologie à l’Université Concordia de Montréal. (1)
Et si c’était la même chose pour le vin?
Comment faire la part d’illusion dans la description des grands vins à prix élevés?
Il y a des vins à 10 $, d’autres à 20 $, d’autres à 30 $, certains à 40 $, à 80 $, à 100 $, à 200 $; il y en a même à 500 $ et à 1000 $.
Quelle est la différence entre un vin à 20 $ et un autre à 100 $?
L’image. C’est l’image qu’on s’en fait qui justifie la différence.
Qu’est-ce que l’image du vin?
Comme pour le parfum, l’image du vin c’est la réputation, la célébrité, l’ostentatoire, la parure, l’estime, l’impression de luxe, le rêve, le désir, le fantasme, l’icône, l’élitisme et la mode.
C’est la représentation qu’on s’en fait. Ce n’est pas liquide, mais psychique, imaginaire.
Le coût de production des vins va de 1 à 20 $ la bouteille. Au-delà c’est l’image.
C’est en gros la même chose pour le vin, pour le champagne, le porto… que pour le parfum.
Les propriétaires de grandes marques de Bordeaux et de Champagne l’on comprit. Ils construisent de grands châteaux, des chais luxueux et dépensent des fortunes en publicité et promotion. Ils travaillent sur l’image; à améliorer l’image du produit. Et souvent ça fonctionne.
Le producteur du Château Angelus compare même son vin à un foulard de luxe. Un foulard Hermès à plus de 200 $, un vin à un prix attrape-nigaud autrement dit.
La grandeur du stationnement et le luxe de la salle de dégustation font même partie des notes attribuées aux vins de Saint-Émilion qui méritent la mention «grand cru classé». (2)
Ainsi, si vous achetez un vin à 100 $, vous payer environ 80 $ pour l’image et 20 $ pour le contenu.
Vous déboursez 200 $ pour une bouteille de vin; 170 $ pour l’image et 30 $ pour le contenu.
Le grand cru de Bordeaux, de Bourgogne, de Californie, d’Australie ou d’ailleurs à 500 $ vous fait payer 460 $ pour l’image et environ 40 $ pour le contenu.
C’est l’image, la réputation du vin, du producteur, du millésime qui constituent la plus grande partie (70-90%) de la différence de prix entre un vin à 10-20 $ et un autre à 50 $ et plus.
Dans les dégustations à l’aveugle de vins de prix différents, souvent un tiers des participants vont préférer un des vins les moins chers, pour un autre tiers ce sera un des vins les plus chers, et pour les autres ce sera entre les deux.
Si l’on connait le prix du vin, alors son goût ne sera pas le même. La plupart des dégustateurs préféreront le plus cher. Il a déjà été démontré que le prix du vin influence la perception de son goût. (3)(4)
Le prix des vins, tout comme celui des parfums, est, au-delà d’un certain montant (50 $ la bouteille de 750 ml), constitué à plus ou moins 80 % de l’image qu’il projette ou de l’image qu’on s’en fait, ou encore de l’image que son acheteur veut projeter.
Autrement dit: au-delà de 50 $, on donne une fichue de bonne prime au vendeur.
N.B. Au répertoire de la Société des alcools du Québec, il y a actuellement 1100 vins (tranquilles et mousseux) à plus de 100 $ et 530 à moins de 15 $.
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(1) Cité par Stéphane Baillargeon, L’ombre d’une ombre, Le Devoir, 4 octobre.
(Ce sont les propos de M. Warren qui ont inspiré cet article.)
(2) Saint-Émilion: questions pour un classement
(3) Le plaisir de déguster un vin influencé par son prix, Psychomedia
(2) Saint-Émilion: questions pour un classement
(3) Le plaisir de déguster un vin influencé par son prix, Psychomedia