Nous faisons dix fois plus d’argent sur une bouteille de vin que le vigneron lui-même!
J’ai rencontré quelques vignerons d’Espagne, du Roussillon et du Languedoc au cours des deux dernières semaines et chaque fois j’ai été étonné du travail énorme qu’ils font dans les champs pour entretenir la vigne, dans la cave pour élever le vin, aux caveaux pour vendre le vin, sans compter les nombreux voyages qu’ils doivent faire pour pousser la vente de leurs vins.
Chaque fois que je goûtais un bon vin, je leur demandais combien ils le vendaient. C’est souvent autour de 6-10 dollars. Nous au Québec nous vendons ce même vin environ 18-30 dollars. Donc trois fois plus. En enlevant tous les frais, ils font entre un et deux dollars de bénéfice par bouteille. Nous faisons 12 à 20 dollars de bénéfice sur cette même bouteille! Soit 12 dollars sur une bouteille payée 6 dollars et 20 dollars sur une bouteille payée 10 dollars.
Ils travaillent toute l’année, quelques-uns de 5 h du matin à 21 h, avec leurs femmes et leurs enfants pour un dollar la bouteille. Ceux qui sont en bio ou encore en biodynamie travaillent encore plus fort pour nous donner un vin sain.
Ils vivent sur un stress continuel, craignant la pluie au mauvais moment, le manque de pluie en sécheresse, l’attaque des champignons, des acariens, le mildiou, l’oïdium, les virus de la vigne. Doivent remplacer les plants morts ou malades. Réparer la machinerie. Nettoyer les cuves. Trouver et embaucher des vendangeurs. Récolter en un temps record… Ce sont des passionnés, des amants de la terre, de la vigne qui veulent nous donner du bonheur en bouteille.
Pendant ce temps, nous ne faisons que placer ladite bouteille sur la tablette et nous récoltons 10 fois plus qu’eux pour un travail cent fois, mille fois moindres. N’est-ce pas étonnant? N’est-ce pas merveilleux? Un miracle?
Pas satisfaits de faire dix fois plus d’argent qu’eux sur leur dos et leur travail, nous les enquiquinons joyeusement en exigeant qu’ils nous fassent des ristournes, qu’ils nous paient des 10 et 15 % de réduction pour faire des rabais payés par eux dans nos circulaires. Nous exigeons de plus qu’ils fassent de la promotion, qu’ils dépensent une partie de leur un ou deux dollars dans des budgets promotionnels dans la Belle province!
Ils conservent leurs bouteilles au frais, en prennent grand soin.
Nous les achalons encore plus en exigeant qu’ils mettent encore plus de sulfite dans leur bouteille pour nous rendre lentement malades et pour que nous puissions placer cette bouteille dans un local à 22 Celsius que nous ne nous donnons même pas la peine de rafraichir.
Puis finalement, si leur vin ne se vend pas, nous exigeons qu’ils le reprennent à leur frais.
N’est-ce pas merveilleux? Avez-vous déjà vu un système d’exploitation aussi sophistiqué, aussi civilisé?
J’ai eu l’impression tout au long de ce voyage que nous exploitions injustement ces familles qui travaillent durement leur terre.
Ils font un dollar la bouteille, nous en faisons dix!
Est-ce justice?