Où l’on croit faire des économies.
Où l’on se rend compte qu’on se fait rouler.
Les dindons de la farce: c’est nous, c’est vous!
Êtes-vous allés dernièrement dans une SAQ Dépôt?
La publicité de la Société des Alcools du Québec nous dit qu’on y fait des économies de 15 %! C’est alléchant!
Il y a six SAQ Dépôts au Québec, bientôt une septième sur la Rive-Sud de Montréal.
Je suis allé deux fois en deux semaines à celle de Gatineau, bien située près de la frontière avec l’Ontario. J’ai cru y faire des économies de 15 %. Je viens de me rendre compte que je me suis fait rouler comme un beau nono! Et je ne suis pas le seul.
C’est une grosse SAQ, un petit entrepôt. L’attrape c’est qu’on nous laisse croire qu’on économisera 15 % si on achète 12 bouteilles et plus de n’importe quel vin.
Il y là des vins en grande quantité; certains que l’on retrouve aussi dans d’autres succursales; d’autres qui ne sont que dans ces six magasins. Des exclusivités comme ils disent.
Vous achetez six bouteilles, on réduit de 5 %; pour 10 bouteilles, c’est 10 % et pour 12 et plus c’est 15 %. Ce n’est pas nécessaire que ce soit 12 bouteilles du même vin; ça peut être 12 bouteilles différentes.
Alors, ce qui se passe, c’est qu’un grand nombre de personnes (la plupart peut-être) achètent 12 bouteilles et plus. Tout le monde se promène avec un gros chariot.
Ces clients achètent plus. Combien de plus? Je pose la question à la SAQ.
La réponse: «nous ne divulguons pas ce type d’information puisqu’il s’agit d’information commerciale stratégique.»
Information commerciale stratégique! Information si dévoilée qui profiterait à quel concurrent de la SAQ? À ma connaissance, la SAQ n’a pas de concurrents!
Donc, la SAQ refuse de dire si les clients achètent plus. Ils craignent peut-être que des moralistes s’emparent de l’affaire?
Toutefois ce qui me turlupine le plus c’est de savoir qui paie cette réduction de 15 %. Je sais d’expérience que la SAQ ne fait pas de cadeaux. Je l’ai appris, entre autres, dans l’affaire des circulaires (voir Des rabais qui n’en sont pas toujours).
Une réduction de 15 %! Et les taxes réduites aussi? La SAQ ne fait jamais de rabais. Elle ne le peut pas. Les deux tiers du prix de la bouteille de vin sont des taxes. À ma connaissance, on ne peut pas faire de rabais de taxe, ça appartient à l’État.
Alors comment ça marche?
Cette histoire me rappelle les 5-10-15. C’est ainsi qu’on appelait autrefois les commerces pas chers. (Comme c’est drôle: les mêmes chiffres!) J’ai travaillé étudiant dans un Peoples, à Rimouski, un 5-10-15 près du Woolworth’s et du Dominion.
Un jour que j’étiquetais de la marchandise, des pantalons pour enfants, dans le backstore, le gérant, M. Loiseux, descend et m’ordonne de hausser le prix de ces pantalons de 15 % et d’ajouter un code sur l’étiquette et dans le registre pour nous rappeler de les réduire de 20 % à la vente de l’assistant-gérant à l’automne.
Il appelait cela le markup. J’étais scandalisé! C’est vrai que j’étudiais alors au Petit Séminaire et que je fréquentais plus des saints que des filous à cette époque.
Donc, on haussait le prix afin de pouvoir vendre ces articles supposément à rabais plus tard. Dans ma naïveté j’ai appris au fil des années que cela se faisait souvent dans le commerce, et surtout beaucoup chez Sears.
Mais à la SAQ, notre société d’État, à nous petits Québécois?
J’ai donc posé la question à la SAQ, craignant la réponse:
Comment est financé la réduction de 5-10-15 %? Est-ce que ce sont les producteurs qui doivent prévoir ces aubaines? Comment cela fonctionne?
Voici la réponse, toute courte:
«Les rabais sont financés en partie par les fournisseurs (rappelons que les produits font l’objet d’un appel d’offres publiques) et en partie par la SAQ.»
Étonnement et consternation! Il faut le lire deux fois et trois fois. Que de sous-entendus, que de secrets, que faut-il comprendre? Appels d’offres… financés par les fournisseurs… en partie par la SAQ.
Donc, ce serait bien cela: on gonfle les prix, pour les réduire par la suite?
Le fameux markup de M. Loiseux.
Lorsque j’ai conté ça à un ami, il s’est mis à rire! Je lui ai dit que je ne trouvais pas cela drôle du tout. Il m’a répliqué qu’avec ce qu’on entend à la Commission Charbonneau tout est drôle maintenant!
En conclusion, que faire, que dire de tout cela?
Plus on achète, plus on croit faire des économies.
Alors qu’en réalité, plus on achète, plus on se fait rouler!
La seule consolation que je trouve à cela c’est de vous dire cher lecteur consommateur que si vous aimez un vin qui par hasard se vend à la SAQ-Dépôt achetez-le là, vous le paierez moins cher; pas moins cher que ce qu’il vaut, mais moins cher que ce que vous le payez habituellement.
Mince consolation pour un consommateur déçu, trompé, désillusionné, mais au moins peut-être plus réaliste et un peu moins nono! Un consommateur averti!