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Chroniqueurs vin de la SAQ

Texte modifié le 2 novembre 2013

La société d’État qui a le monopole de la vente de vin au Québec, fournit et paie des chroniqueurs vin aux médias.

Je lis un article du journal régional Le Trait d’Union qui annonce une nouvelle chroniqueuse vin pour cet hebdomadaire de la région de Terrebonne.

Une nouvelle collègue?

Dans l’article intitulé «Les passionnés de vins seront servis», on dit que la dame «est sommelière de profession et Expert en produit SAQ depuis plus de 10 ans.»

Une employée de la SAQ qui fera les chroniques vin pour le journal!

Est-ce qu’il n’y a pas là un problème d’éthique, de conflits d’intérêts, que nous demandons à la direction du journal.

La chef des nouvelles de l’hebdomadaire du groupe Transcontinental nous répond que «Mme Grenier a approché le journal (…) ses chroniques seront basées sur ses goûts à elle en tant que sommelière, et non selon le bon vouloir de la SAQ.»

De plus, Mme Caroline Rioux ajoute que la dame ne sera pas payée par le journal et que «le journal ne considère pas qu’il y a conflit d’intérêts ou un problème d’éthique dans ce cas-là.»

Solicitons pas; mais publicisons!
À la SAQ, on nous répond que la société d’État offre ce service aux médias québécois qui en font la demande. La SAQ dit qu’elle ne sollicite pas les médias, mais répond à leurs demandes, nous dit Mme Linda Bouchard, porte-parole de la société d’État. Portant, la SAQ dit ouvertement que ce service existe! N’est-ce pas de la publicité pour ce service, de la sollicitation?

Ce service existe depuis plus de 10 ans. Il y a une quinzaine d’employés de la SAQ qui écrivent des chroniques pour des journaux régionaux; un magazine (Coup de Pouce) et des radios locales.  Ils étaient 20 à faire ce travail en 2010. (Les journalistes de la SAQ, 15 mars 2010)

Ces employés reçoivent 25 $ de la SAQ pour chaque collaboration aux médias. Cette activité se fait sous la supervision du service des communications de la SAQ. Il y a une équipe de relecture pour la qualité du français et une équipe de relecture pour les contenus.

Est-ce que ces «chroniqueurs» sont libres de parler de ce qu’ils veulent?
«C’est la continuation de leur travail», nous dit Mme Bouchard. «Il y a des thématiques saisonnières.» Mme Bouchard donne comme exemple la Foire aux vins français, les vins de saisons…

Sont-ils obligés d’écrire en fonction de ces campagnes de promotion du magasin? «On leur suggère de le faire. Ce sont des suggestions. Ils ne sont pas obligés.»

Est-ce qu’ils reçoivent des vins des producteurs ou de leurs agents?
«Non, les vins sont ceux qu’ils dégustent dans le cadre de leur travail à la SAQ.»

Êtes-vous connaisseurs SAQ?
C’est donc la continuation de leur travail. Un travail de promotion. Les employés doivent toujours mentionner qu’ils travaillent pour la SAQ lors de la production de leur prestation. Ils sont en fait tout simplement identifier «Les Connaisseurs SAQ». (Qui est un connaisseur SAQ?) Est-ce que le public sait qu’un «connaisseur SAQ» est quelqu’un qui travaille pour la SAQ. La SAQ n’y voit pas de problème d’éthique ou de conflit d’intérêts; ça se fait depuis longtemps.

Comment de jeunes journalistes qui veulent démarrer dans les médias régionaux, peuvent-ils percer dans ce système? Est-ce que c’est de la concurrence déloyale de la part d’une société d’État?

Le corrupteur ou le corrompu
Le problème d’éthique serait plutôt du côté des médias. Que dirait-on d’un média qui embauche pour sa chronique politique, un employé du Gouvernement; ou pour sa chronique automobile, un vendeur de la compagnie Ford?

Dans un acte de corruption, il faut être deux personnes. Est-ce qu’il y en a une qui est moins coupable que l’autre: le corrupteur ou le corrompu?

Certains médias ne veulent plus payer leurs collaborateurs, leurs chroniqueurs. Ces derniers doivent donc trouver ailleurs leurs rétributions, ce qui les place dans une situation de conflit d’intérêts.

Il faut dire aussi que les médias régionaux peinent à survivre. On annonçait hier la fermeture de trois autres hebdomadaires du groupe Sun Québecor. (Coupures chez Sun Média: trois hebdos disparaissent au Québec, Observatoire du journalisme)

Trans Continental Media a aboli 11 postes de journalistes dans ses hebdos montréalais au printemps, selon ProjetJ.

Est-ce que le public est bien servi par ce système?
Il y a confusion entre information et promotion. Ce sont en fait des publireportages, car ces «chroniqueurs de vin» sont payés par le vendeur du vin qui est leur employeur et non par les médias. Ces articles et communications radio sont ainsi payés par la SAQ. Ce sont donc des publicités.

Additif
Mme Véronique Grenier, qui doit écrire bientôt sa première chronique pour l’hebdomadaire Le Trait d’Union, nous dit qu’elle ne fait pas partie du groupe des 15 «chroniqueurs»  de la SAQ. Elle a approché directement le journal sans passer par la SAQ. Elle veut faire cette chronique en dehors de ses heures de travail à la SAQ et espère rester indépendante pour le choix et le traitement de ses articles. À la SAQ, on nous a dit que quelqu’un va la contacter pour l’intégrer au groupe.
Additif 2 (nov. 2013)
En septembre, le magazine le Potaufeu, de la société des chefs cuisiniers du Québec, remercie sa chroniqueuse rémunérée pour la remplacer par l’employée de la SAQ.

   Texte modifié le 2 novembre 2013