Il y a de nombreux amateurs de vin qui apprennent par coeur les appellations, le nom des grands crus, les cépages autorisés dans chaque appellation, les règlementations, les crus de Bordeaux décernés en 1855 et ainsi de suite.
Pendant ce temps, notre connaissance de la fabrication du vin est plutôt limitée et bucolique. On a une idée assez angélique du processus de fabrication du vin.
Notre vision de la fabrication du vin, apprise dans les cours de dégustation ou dans des livres de base est pastorale et simpliste. Conséquences: nous croyons tout savoir, alors que nous ne savons strictement rien.
Il est vrai aussi que les vignerons eux-mêmes préfèrent en rester au plus simple lorsqu’ils nous parlent des modes de production de leurs vins.
Alors, pour en savoir plus, pour devenir moins innocent, il faut plonger dans l’oenologie, dans le monde technique, chimique, physique et biologique de la vinification, de l’élevage, de la stabilisation et du conditionnement du vin.
Il faut étudier ce qu’étudient justement ceux qui font le vin, c’est-à-dire l’oenologie.
Ce livre de Jacques Blouin qui en est rendu à sa cinquième édition nous aidera à comprendre ce qui se passe en cave de vinification, hors des visites des touristes et des journalistes. C’est technique, mais pas trop. Le consommateur de vin que nous sommes pourra s’y retrouver. C’est moins technique par exemple que le livre de Colette Navarre et de Françoise Langlade L’oenologie (7é), dont je parlerai un jour.
Dans Connaissance et travail du vin, on traite de terroir, de raisins, de l’azote des sols, de la fermentation, des levures, des vitamines, des carences, de la chimie des acides, la chimie du SO2 et de ses multiples utilisations; de la stabilisation biologique par la chaleur; des différents types de macérations à chaud à froid, de la thermovinification; de l’oxydation; du bois; des copeaux; des Brett; du carbamate d’éthyle; des amines biogènes; des collages; des filtres; de la stabilisation et du conditionnement du vin.
Le vin est naturel ou élaboré ou fabriqué
«Ces pratiques autorisées demeurent des palliatifs à diverses insuffisances des raisins, des vins. Elles soulèvent un problème très ancien : le vin est-il essentiellement un produit « agricole » ou « industriel » ? C’est surtout une question d’image du vin, mais chacun sait que l’image du vin…»
Leur mise en oeuvre mal maîtrisée éloigne le vin de la notion de « produit naturel » — qu’il n’est pas, c’est un produit « élaboré » — en orientation vers un produit « fabriqué »».
«Extraire le maximum de bons tanins, tel est l’objectif du vinificateur qui dispose pour se faire de nombreux outils.»
«Presque tous les chais ont intérêt à élaborer des cuvées initiales bien différenciées — plus fruitées, plus ou moins tanniques, plus ou moins acides —(…) L’assemblage permettra de se rapprocher au mieux du type(s) recherché(s).»
«L’assemblage des cuvées différentes, mais complémentaires reste la technique de choix pour produire régulièrement les meilleurs vins possible.»
«ex: (odeur de buis ou de « matou » du sauvignon mal mûr) sont en fait des déviations aromatiques à rejeter, ou appréciées dans certaines régions (du Nouveau Monde).»
«Le vin « sans ajout de SO2 » est envisageable, mais exige un très haut niveau technique de la part du producteur-éleveur.»
Une dernière citation, tirée de la conclusion du livre: «la priorité unique : produire simplement les vins qui font plaisir à ceux qui les goûtent, les produire de façon aussi régulière que possible. Évitons l’erreur que décrivait E.A Poe, à propos des échecs : » La complexité est prise, erreur fort commune, pour de la profondeur. »»
Connaissance et travail du vin
5e édition
Jacques Blouin et Émile Peynaud,
Dunod
399 pages 49 euros.