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SAQ anticonstitutionnelle?

La Société des alcools du Québec (SAQ) est-elle anticonstitutionnelle?

121. Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.

121. All Articles of the Growth, Produce, or Manufacture of any one of the Provinces shall, from and after the Union, be admitted free into each of the other Provinces.

Cet article de la constitution canadienne est au coeur d’un procès qui s’est tenu cette semaine au Nouveau-Brunswick.

Gérard Comeau de Tracadie y est accusé en vertu d’une loi provinciale (134 NB, datant de 1928) d’avoir acheté de l’alcool illégalement au Québec. M. Comeau défendu par une équipe d’avocats canadiens soutient que la Constitution du pays lui permet d’acheter de l’alcool dans la province voisine et que les restrictions sur le commerce de l’alcool entre les provinces sont inconstitutionnelles.

La cause a été entendue pendant 4 jours devant le juge Ronald LeBlanc à Campbellton au Nouveau-Brunswick.

Appelé comme témoin de la Couronne, le premier vice-président d’Alcool NB, Richard Smith, a laissé entendre que l’abolition de l’article 134 pourrait mettre en péril le modèle d’entreprise de cette corporation ainsi que les  165 millions de dollars qu’elle verse annuellement à la province.

Les défenseurs de M. Comeau ont répondu qu’on ne pouvait ignorer la constitution du pays sous prétexte que cela permettrait de faire de l’argent.

De plus, l’avocat de la défense a souligné, données de Statistique Canada à l’appui, que les revenus dus à l’alcool au Manitoba avaient augmenté de 9 % deux ans après la levée des barrières dans cette province. Le Manitoba est la seule province qui a levé entièrement les barrières au commerce interprovincial du vin, de la bière et des spiritueux.

Un spécialiste de la constitution, Andrew Smith de l’Université de Liverpool, en Grande-Bretagne, est venu témoigner que les Pères de la Confédération voulaient que le commerce se fasse librement d’une province à l’autre. «Les Pères de la Confédération auraient dit que les barrières économiques interprovinciales vont totalement à l’encontre des raisons qui ont mené à la création de la Confédération canadienne», dit-il.

Puis, un dirigeant de la brasserie Moussehead a dit que chaque province appliquait des règles commerciales différentes et que chacune avantageait les brasseries locales au détriment du commerce libre. Il aurait même dit qu’au Québec il devait vendre sa bière à la SAQ et la lui racheter (twitter.com/bridgetyard), payant ainsi 8,56 $ sur chaque caisse; alors que les brasseurs du Québec n’ont pas eux à passer par la SAQ et vendent librement et directement aux détaillants.

Les avocats vont soumettre leurs plairoieries par écrit et on ne s’attend pas à un jugement avant le printemps.

La Fondation canadienne pour la Constitution apporte son soutien juridique à M. Comeau. Elle a d’ailleurs lancé une campagne de financement pour l’aider à assurer sa défense.

Quels que soient les résultats du procès, les avocats s’attendent à ce que cette cause se retrouve en Cour Suprême, comme le dit Pierre Foucher, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa. (Voir vidéo)

Quelques faits:
Au Nouveau-Brunswick, tout le commerce de l’alcool est géré par le gouvernement. La marge sur la bière est de 98 %.

Au Québec, le monopole SAQ a juridiction exclusive sur le vin et les spiritueux, mais pas sur la bière. La marge de la SAQ rapporte 1 milliard de dollars. La marge sur les spiritueux est la plus faible au Canada. Le commerce de la bière est privé et libre au Québec. Il y a concurrence sur la bière qui y est ainsi moins chère que dans les provinces voisines.

En Ontario, la société d’État LCBO a le monopole sur le vin et les spiritueux. Une compagnie privée y détient le monopole sur la bière.

En Alberta, le commerce de l’alcool est libéralisé. Toutefois, l’importation de l’alcool est controlé par une compagnie du Texas mandatée par le gouvernement de l’Alberta.