Le thème de l’arrivage du 4 mars est « découvrez l’Afrique du Sud ». Nous n’avons malheureusement rien découvert de fabuleux à vous proposer dans la sélection des vins de ce pays.
Un seul vin vaut un petit détour, le Shiraz, Stellenbosch, Muratie, 2003 [20 $]. Nez très grillé, fumé à l’excès. Fruit très gros, de cerises noires très mûres. En bouche, rien d’éclatant. Il faut quand même lui reconnaître un très honnête équilibre et une agréable fraîcheur.
Pour le reste, le Cabernet Sauvignon, Paarl, Cathedral Cellar, 2001 [17 $] nous est apparu beaucoup moins réussi que plusieurs précédents millésimes. Trop de tannins pour un fruité trop peu présent. Le Kadette, Paarl, 2001 [16 $] du célèbre roi de l’affreux pinotage [c’est mon opinion bien arrêtée], la maison Kanonkop, est encore pire et détonne comme un coup de canon dans la gueule. La description du catalogue dit : «des nuances de cerises enveloppant un noyau minéral en récession [sic]». La récession frappe dur en République sud-africaine. Enfin, je laisse le Goats do Roam à ceux qui préfèrent les mauvais jeux de mots au vin.
Par contre, et pour rester dans l’hémisphère sud, il faut aller en Australie pour trouver l’un des plus beaux vins de l’arrivage. Il s’agit du Shiraz, The Futures, Barossa Valley, Peter Lehmann, 2002 [30 $]. L’étiquette est très jolie. Le vin est très bon. Un nez fruité et fumé de bois de santal légèrement épicé. Beaucoup de matière en bouche. De la rondeur. Le fumé et les épices ressortent encore plus qu’au nez. Le fruité est peut-être un peu lourd à l’attaque, mais les tannins, très fins, reprennent vite leur place pour offrir une finale tout en beauté.
Toujours de l’Australie, les amateurs de cépages rares doivent goûter le Petit Verdot 14.03 de Beelgara, 2003 [14 $]. Le petit verdot est un cépage bordelais cultivé presque confidentiellement dans ce grand vignoble. C’est que le petit verdot est un cépage très tardif [on dit de cinquième prériode]. Aussi, n’arrive-t-il à maturité que dans les très bonnes années. Alors, les quelques châteaux qui en cultivent en ajoutent-ils quelques gouttes à leur assemblage, 5 % au plus, le plus souvent, beaucoup moins. L’amateur de bordeaux n’a donc aucune idée de ce que goûte ce cépage qui, quand il est présent, est complètement «dilué» dans le reste de l’assemblage. Le trouver en monocépage constitue donc une curiosité que seuls les Australiens ont osée. À le goûter ainsi à l’état brut, on comprend pourquoi ce colosse n’est pas fait pour faire cavalier seul et que les Bordelais ont bien raison de ne l’utiliser [avec parcimonie] que pour donner un coup de fouet à leurs vins. Le 14.03 ne risque donc pas d’enchanter un palais délicat. Découvrir ce cépage rare vaut cependant le prix demandé [14 $].
Pour se refaire la bouche, il faut revenir aux vins des vieux pays. De ce coin du monde, la vedette incontestable de l’arrivage est, sans contredit, le Château de Beaucastel, Châteauneuf-du-Pape, 2003 [80 $]. Une déception. Ce n’est pas le petit verdot, mais peut-être bien une bonne douzaine de vins italiens affreusement tanniques bus avant d’attaquer Beaucastel qui a faussé mon système sensoriel, toujours est-il que le vin de monsieur Perrin m’a semblé pour le moins maigrelet, dans ce millésime pourtant réputé dans cette appellation. On cherche le fruit au nez et en bouche. Celle-ci s’est révélée ingrate et végétale. Je n’ose pas noter ce vin, parce que je réclame le droit à l’erreur. Néanmoins, je pense qu’il faut y penser à deux fois avant de payer 80 $ pour un vin certes prestigieux, mais qui pourrait en décevoir plusieurs. Sauf, bien entendu, les inconditionnels, qui se précipiteront, ne serait-ce que pour ne pas faire un trou dans leur collection.
D’Espagne, le Marquès de Cáceres, reserva, Rioja, 1998 [30 $] reste un achat intéressant. C’est un vin qui a la typicité de son appellation. La trilogie ibérique est bien présente au nez : bois américain [vanille et lait de coco], cuir et bois de santal. En bouche, les tannins sont ronds. Pourtant, le tout a une certaine lourdeur, qui fait perdre quelques quartiers de noblesse à l’ensemble. De fait, trop de bois et trop de cuir donnent, même en bouche, une impression pâteuse que même le goût de cacao ne réussit pas à faire oublier.
Si vous ne devez n’acheter qu’un seul vin espagnol en mars, attendez l’arrivage du 18 mars. Un autre Rioja, le Contino sera alors disponible et il est bien meilleur que le Cáceres.
Voir aussi les notes de dégustation de Marc André Gagnon