J’ai beaucoup entendu parler de ce vin qui a été le premier vin de garage. Ses producteurs Jean-Luc Thunevin est son épouse Murielle Andraud sont au Québec ces jours-ci. Ils ont invité des journalistes à déguster leurs vins. J’avais donc bien hâte de goûter ce produit mythique, ce vin culte comme on dit.
Je m’attendais à boire un vin hyperconcentrer, très boisé, très tannique, un blockbuster, un vin bodybuildé comme disent nos amis les Français.
Quelle surprise de constater que le millésime 2003 qui nous était présenté était parfaitement buvable, digeste, équilibré. Il y a là beaucoup de matière bien sûr, c’est plein, ample et rond, mais rien de trop costaud, ni de corpulent. Tout simplement un superbe vin.
Vous allez dire que je suis déçu. Pas vraiment, plutôt agréablement surpris. Je m’attendais à boire une bombe, une bombe de tanins et de fruit, genre californien ou australien. Un vin qui aurait de tout en trop. Mais non, je tombe tout simplement sur un grand cru qui ressemble aux autres grands crus de Bordeaux!
Voici donc mes notes. Le vin a été dégusté après quatre autres vins d’appellations moins réputées de Bordeaux. Les vins n’étaient pas à l’aveugle.
Le vin est déjà bon, et je suppose qu’il sera encore meilleur et plus ouvert, plus expansif dans quelques années. Qu’est-ce qui fait vieillir le vin? Le producteur Jean-Luc Thunevin nous dit qu’«on ne sait pas pourquoi certains vins évoluent bien, pourquoi ils restent bons. C’est encore un mystère. Dans le monde du vin, il n’y a que des exceptions.»
Est-ce que ce vin n’est pas un peu trop cher? «C’est un grand cru. Je le vends au prix des grands crus. Toutefois, depuis quelques années j’ai cessé de suivre les prix des grands crus qui ont monté trop vite.»
La faute des journalistes
Ce sont les journalistes qui ont fait la réputation de ce vin. En 1991, Robert Parker lui donne une note de 83/100 « un beau vin mais trop cher à 416 $», puis 88/100 l’année suivante «à cette raretée destinée à devenir Le Pin de St-Émilion. On peut imaginer quelle hauteur pourrait atteindre le Valandraud dans les prochains grands millésimes.» La carrière du vin était donc lancée, les collectionneurs se l’arrachent. Il était produit en petite quantité, moins de 4000 bouteilles, sur moins d’un hectare.
Puis ce fut l’envolée des cotes de Robert Parker qui en 1995 donna 88-90 au 1993, puis porta la note à 93 en février 1997. «L’un des vins les plus concentrés du millésime.»
Au millésime 1994, il écrit «qui ne serait pas séduit ou impressionné par cette étoile montante de Bordeaux». Il lui donne la note de 90-93, note qu’il révise à la hausse à 94 en février 1997.
Enfin, le 1995 finit par atteindre la note de 95/100 «this wine contains the stuff of greatness». Depuis ce temps, les notes se promènent de 89 à 95.
Le Wine Spectator embarque dans la course en 1993. «L’importance des critiques de vin américains est très importante. Leurs opinions déterminent très souvent le prix du vin», concède Jean-Luc Thunevin qui vend 90 % de sa production hors de France, principalement au Japon et aux États-Unis.
Valandraud n’est plus un vin de garage. Le couple Thunevin réinvestit tout dans l’achat de nouvelles parcelles à Saint-Émilion. Le domaine totalise maintenant 10 hectares qui servent à la production du grand vin (4,5 ha) ainsi que du Virginie et du 3 de Valandraud. L’encépagement est à 70 % merlot et 25 % de cabernet franc. Il y a un petit peu de malbec et de cabernet sauvignon. Une production de 15 000 bouteilles.
L’histoire de ce couple parti de presque rien est assez étonnante. Ils ont frôlé à deux reprises la faillite. Constamment, ils travaillent et réinvestissent dans la vigne. En plus de produire du vin, ils font le négoce, conseillent d’autres vignerons et relèvent d’autres domaines. Ils investissent maintenant dans le Sud-Ouest, j’en parlerai.
Pour en savoir plus sur ces deux travailleurs du vin, consultez leur site Établissement Thunevin. Le blogue de Jean-Luc Thunevin est aussi très actif.
Ce Saint-Émilion Gran Cru 2003 se vendait 442 $ à la SAQ, il est maintenant réduit à 353 $. Il y en a une trentaine de bouteilles au magasin Signature de Montréal. Il se vend de 238 à 407 $ aux États-Unis; 346 à 456 $ en France.
Il est 400 $ en Colombie-Britannique et 449 $ en Ontario.
En terminant, disons que le Valandraud n’est pas seulement un vin de dégustation. Il a aussi très bien accompagné la pièce de bison préparée par Mustapha Rougabaï au restaurant La Colombe, rue Duluth à Montréal. Il faut bien le dire, ce chef prépare des plats savoureux.