Il est toujours plaisant de déguster des vins matures. L’Espagne fournit de belles occasions d’explorer ce monde de goûts et d’odeurs des vins qu’on a conservé précieusement dans nos caves.
Nous allons passer ici en revue quelques vins espagnols âgés de 8 à 26 ans.
Une première observation: la qualité des bouchons, très médiocres. Selon les experts présents à cette dégustation de l’Académie du vin de l’Outaoauais, l’Espagne est le pire pays pour la qualité des bouchons.
Ceci a bien sûr des conséquences sur la qualité des vins. Car 3 des 19 bouteilles étaient bouchonnées, donc défectueuses et imbuvables. Ce qui donne un ratio de rejet de plus de 15 %. Soit trois fois plus élevées que ce qu’on observe généralement.
Il est étonnant de constater que des producteurs qui prennent tellement de soins à faire du bon vin, portent si peu d’attention à l’étape finale et bouchent leurs produits de qualité avec des bouchons de si piètre qualité. Ils devraient peut-être adopter les capsules à vis.
Mis à part ces bouteilles déplaisantes et fort couteuses, les autres bouteilles étaient fantastiques.
Voici la liste des vins dégustés
Muga, Reserva, Rioja, 1999
Condado de Haza, Reserva, Ribera del Duero, 2000
Gaudium, Gran Vino, Rioja, Marqués de Cacerés, 1994
Vendemia Especial, Rioja, Bodega Martinez Bujanda, 1994
Alion, Ribera del Duero, 1996
Alion, Ribera del Duero, 1999
Alion, Ribera del Duero, 1997
Mas la Plana, Penedés, Miguel Torrés, 1994
Cabernet Sauvignon, Reserva, Penedés, Miguel Torrés, 1990
Gran Coronas, Black Label, Penedés, Miguel Torrés, 1981
Les vins étaient servis à l’aveugle et dans cet ordre, les plus jeunes vins à gauche. La plupart des participants ont commencé la dégustation par la gauche par les vins les plus jeunes.
À mon avis, c’est une erreur. On devrait toujours déguster les vins des plus fins au plus costauds. Sinon, notre bouche est saturée de fruit et de tanins, ce qui rend difficile l’appréciation des vins matures. Un truc: commencez par les vins plus pâles, ils sont en général plus fins, plus légers.
Voici un résumé de la dégustation:
Le Reserva de Muga 1999 est encore jeune, bien charpenté, au fruité délicatement sucré. Il est rond, brillant et très agréable. Quelques participants l’ont dit très boisé. Personnellement, le boisé ne m’a pas frappé. D’ailleurs, je n’ai trouvé aucun de ses vins très boisé. Lorsque la saveur boisée domine dans un vin, je considère qu’est un déséquilibre, un défaut. Le 2001 est 21 $ à la SAQ. 855007
La première bouteille de Condado de Haza Reserva 2000 roble francés était bouchonnée. La deuxième était plutôt explosive avec ses arômes d’écurie. Le vin est costaud, chaleureux. Une longue finale sur le cuir. Tout d’une pièce. 47 $
Gaudium 1994, un rioja de la maison Cacérès. Je ne me souviens pas d’avoir goûté ce vin. C’est très parfumé, épicé, des saveurs de bonbon. Une bouche chaleureuse, un vin capiteux. Des tanins coulants, beaucoup de fruits, des notes de graines de céleri. Une longue finale sur les pruneaux séchés et la cassonade. Le 2001 est 78 $.
La Vendemia especial 1994 de Bujanda est assez spéciale avec ses aromes exubérants de tabac et d’herbes sèches. Une très belle bouche, c’est coulant, agréable et surtout très long. Un vin juteux, suave, fin et de grande classe. Une double bouteille, un magnum. Le 1998 est 82 $.
Suit trois vins de Ribera del Duero, les Allion 1996, 1999 et 1997, fort différents. Le Allion 1996 a des arômes de crème. Une participante a dit de l’alsphate, un autre, du café noir, je dirais du goudron. On a tous des manières différentes de percevoir les arômes, toutefois ici on est dans le même registre. C’est butimuneux et bien agréable. Il y a là beaucoup de matière, c’est gras. Très long. Une certaine classe. Une finale sur le poivre. Le cépage est le tinto fino (tempranillo)
La première bouteille du Alion 1999 était bouchonnée, donc on a dû diviser la deuxième en 30 verres. Le vin est crémeux et riche. Très différent des deux autres. Une belle texture, un beau boisé. Le plus long en bouche des trois. Moins boisé que le 1995 bu en octobre. Les vins espagnols sont souvent élevés dans du chêne américain, ce n’est pas le cas du Alion qui est assemblé uniquement dans des fûts de chêne français.
Le Alion 1997 se présente avec des saveurs empyreumatiques qui font penser au goudron. On a aussi des notes d’oranges ou de clémentine. Les mêmes saveurs reviennent en bouche, c’est très long, rémanent. Un vin costaud, complexe. Une finale sur l’écorce d’orange et les raisins de Corinthe. Une grosse production de plus de 300 000 bouteilles. (dégusté aussi en mai 2006)
Le 2002 est 70 $ à la LCBO. (Voir d’autres Alion dégustés à d’autres occasions)
Ce Mas la Plana 1994 est complètement fade et sans intérêt. En fait, imbuvable. Il semblait y avoir un peu de fruit dans la deuxième bouteille.
Le Miguel Torrés 1990 est de grande classe. C’est un cabernet sauvignon de grande finesse au bouquet de tabac, d’épice et presque réglissé. On croirait aussi sentir les plantes tropicales! C’est très bon en bouche. Fondu. Une belle évolution, à maturité. Si vous aimez les vins vieux, il vous blaira. À boire.
Le Gran Coronas, Black Label 1981 n’a pas fait unanimité. Certains ont adoré ses saveurs de très vieux vin, de vin qui rappelle le thé. D’autres l’on trouvé dépassé, unidimensionnel et décevant. C’est un vin qui a été difficile à verser. Il y avait beaucoup de sédiments en suspension dans le dernier tiers de la bouteille. Ce qui fait que les premiers verre que j’ai versés étaient très pâles et les cinq derniers très foncés, mauves même. On aurait dû le décanter afin de le filtrer. Mon verre était très pâle à la teinte orangée. Il a des arômes et des saveurs très prononcées de jus de pruneaux. Il y a encore un peu de matière, mais c’est très léger et ça tombe un peu vite. Très bon quand même dans le genre. Mais j’aurais aimé le boire il y a cinq ans ou sept ans. Ceux qui ont eu le fond du verre l’ont trouvé amer.
Le Black Label s’appelle maintenant Mas la Plana. Il y en a plusieurs millésimes à la SAQ.
C’est toujours intéressant de participer à ce genre de dégustation. C’est en comparant qu’on apprend et qu’on apprécie plus facilement les vins, les différences, les subtilités. Il y en là pour tous les goûts. Bien sûr, il faut aimer les vins un peu acides, un peu boisé, aux tanins souvent fondus.
Ces vins espagnols sont des produits de grande classe. Ils ont du caractère, de la personnalité. C’est très loin des vins qu’on dit modernes, tout joufflus, confiturés et bourratifs.
Ce sont des vins à découvrir, à partager et surtout faits pour accompagner un bon repas en bonne compagnie.
Hasta la vista!