Si vous avez étudié ou lu un peu sur la dégustation du vin, on vous a appris que l’équilibre d’un vin est primordial, qu’il n’y a pas de bon vin s’il n’est pas équilibré!
On vous a aussi appris que l’équilibre était la relation entre les saveurs sucrées, acides et amères; traduite dans les vins par l’association entre l’alcool, l’acidité et les tanins.
Cela donne la formule Alcool — (Acidité+Tanins). Cette notion a été formulée par Jean Ribéreau-Gayon et Émile Peynaud dans les années 1950.
Ces deux précurseurs de l’oenologie moderne trouvaient que les vins de Bordeaux de l’époque vieillissaient mal. Ils étaient trop acides, ce qui asséchait les tanins. Il fallait donc inciter les vignerons à réduire l’acidité de leurs vins.
Selon l’oenologue bordelais Jacques Blouin «C’est une des rares idées neuves (ou la seule?) depuis plus de cinquante ans.» (1)
Les vins de Bordeaux sont maintenant meilleurs, ainsi que les vins de ceux qui les ont imités et qui font des vins «à la bordelaise».
Ce fut un outil merveilleux pour le vinificateur.
Cependant, aujourd’hui, on peut se demander si cette notion de l’équilibre est vraiment utile au dégustateur?
Elle a été développée pour aider les producteurs de vin de la région de Bordeaux à faire des vins moins acides. Elle est utile à la «vinification bordelaise».
M. Blouin nous dit qu’«on peut dire que le vin « parfait » est « équilibré », tout simplement, mais on peut trouver grand plaisir avec de nombreuses autres répartitions des saveurs.» (2)
Voilà qui est intéressant. J’ai d’ailleurs toujours trouvé très restrictive cette notion d’équilibre qui se limite ces trois éléments: alcool, acidité et tanin.
D’autant plus qu’elle ne tient pas compte du fruité, ni du boisé. De plus, elle tend à confondre le sucré, le fruité et d’alcool. Surtout, elle fait abstraction du plaisir.
L’équation est peut-être très utile au vinificateur qui déguste ses moûts et veut faire un vin équilibré de type bordelais, mais elle est peu utile au consommateur qui boit des vins de tous les types, de toutes les régions.
On nous a appris cette notion de l’équilibre dans les cours de dégustation. On continue à l’enseigner. Pour le consommateur, le dégustateur, le chroniqueur, c’est une équation plutôt asséchante qui ne dit pas grand chose de notre plaisir ou déplaisir à boire tel ou tel vin.
Elle n’explique surtout pas pourquoi on aime ou on aime moins tel vin. En l’état, elle nous est peu utile, même nuisible parfois, car elle peut empêcher certains de bien apprécier des vins soi-disant déséquilibrés, et les inciter à acheter des vins dits équilibrés, mais parfaitement ennuyants.
Pire encore, elle restreint et limite notre progression dans la connaissance des plaisirs du vin.
Elle n’a pas été créée pour nous. Alors, est-ce qu’il ne faudrait pas mettre au point un tel concept, un tel outil pour les consommateurs aussi?
Premièrement, on doit se demander si en temps que consommateur on a vraiment besoin de juger de l’équilibre d’un vin.
Certains vont dire se foutre complètement de l’équilibre, ce qui compte, c’est que le vin soit bon. Oui, mais encore?
D’autres vont dire aimer les vins déséquilibrés, les vins un peu tordus qui ont un petit quelque chose de plus, ce sont des vins originaux qui ont de la personnalité, du caractère…
Si la réponse est oui, alors il faut développer cet outil qui pourrait nous aider à mieux comprendre et mieux expliquer le vin.
Mais à qui confier cette tâche, ce devoir? Aux professeurs, à ceux qui enseignent les techniques de dégustation, à ceux qui enseignent aux futurs sommeliers.
Sur quelle base? Par où commencer?
Un indice: le plaisir!
Une phrase en l’air: je dirais qu’un vin équilibré est un vin qui procure du confort, du plaisir, de l’émotion…
Alors quels sont les éléments qui donnent ce résultat? Analysons, décomposons, au boulot…
Ce n’est qu’un début!
À votre santé!