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LA BOUTEILLE ET LE VERRE

1. La bouteille

Le mot bouteille viendrait, par le bas latin butticula, du vieux français boutiau ou boutille. À l’origine, c’était une gourde en fer ou en étain recouverte de cuir et que le cavalier attachait à la selle de son cheval.

La bouteille en verre apparaît à la fin du Moyen Âge. À cette époque, elle est utilisée essentiellement pour le service du vin dans les maisons nobles. En cave, le vin est conservé dans des tonneaux. Pour le repas, le vin est tiré et mis dans des bouteilles que les boutilliers montent dans la salle où seront servis les convives (la salle à manger n’existe pas encore) et les placent sur des crédences. Pendant le repas, c’est l’échanson qui assure le service.

L’idée de conserver le vin dans des bouteilles est une invention du XVIIe siècle. Ce sont les Anglais qui l’ont fait les premiers. Les Anglais importaient leurs vins du Continent. Ils achetaient en tonneaux. Pour le distribuer, les marchands de Londres ont trouvé pratique de mettre le vin en bouteille. Il est plus facile de vendre une ou deux bouteilles que tout un tonneau.

L’aristocratie qui, elle, achetait toujours son vin au tonneau (elle en avait les moyens), a aussi pris l’habitude de le mettre en bouteille avant de le mettre en cave. C’était ainsi beaucoup plus simple de ne remonter que la quantité nécessaire à chaque occasion. Surtout, ces Anglais ont vite constaté que le vin mis en cave se conservait beaucoup mieux en bouteille qu’en tonneau.

En France, ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que le vin et le verre se rencontrent pour de bon, pour les vins les plus réputés à tout le moins. Un flacon de verre, soigneusement bouché, pouvait conserver le vin intact de quatre à six ans. La bouteille a été un progrès technique considérable, puisque depuis des siècles, le vin conservé en fût était considéré vieux à peine de six à huit mois après sa naissance. Après un an, il était rare qu’un vin ne tourne pas au vinaigre. C’est la bouteille de verre qui a permis aux amateurs de découvrir le plaisir des vins portés à maturité, après des années de vieillissement.

Pour ce qui est des différents formats utilisés aujourd’hui, l’on retrouve habituellement, à Bordeaux et en Champagne :

  • la demie (375 ml)
  • la bouteille (750 ml)
  • le magnum (1,5 litre) = 2 bouteilles
  • le double magnum (Bordeaux) ou le jéroboam (Champagne) (3 litres) = 4 bouteilles
  • la marie-jeanne (Bordeaux) ou le réhoboam (Champagne) (4,5 litres) = 6 bouteilles
  • l’impériale (Bordeaux) ou le mathusalem (Champagne) (6 litres) = 8 bouteilles
  • le salmanazar (9 litres) = 12 bouteilles
  • le balthazar (12 litres) = 16 bouteilles
  • le nabuchodonosor (15 litres) = 20 bouteilles

Aujourd’hui, la bouteille de 750 ml est devenue le format standard. La demie devient cependant de plus en plus populaire. C’est que, chez soi comme au restaurant, c’est un format idéal tant pour celui qui dîne seul que pour les couples pressés. Il en va de même pour le 500 ml, qui convient surtout aux vins liquoreux et généreux en alcool qui, en plus grand format, font hésiter les amateurs plus sages et plus modérés.

Pour la cave, le collectionneur préfère parfois un contenant plus gros que le classique 750 centilitres. C’est que la bouteille idéale pour le vieillissement des vins est le magnum. Dans la demie, l’évolution est trop rapide tandis que, dans les plus gros contenants, le vin évolue très lentement.

Aujourd’hui, le kil ou le litron (1 litre), le contenant traditionnel du « gros rouge qui tache », a presque disparu. Les experts en marketing ont compris quel mauvais message ce format envoyait. C’est pourquoi, de nos jours, même la pire des vinasses est offerte dans un contenant de 750 ml, le même format que pour les crus prestigieux.

De même, la grosse cruche d’un gallon d’autrefois a été reléguée aux oubliettes. Elle a été remplacée par le vinier, un contenant de quatre litres, qui fait beaucoup plus « in ». Cet emballage, utilisé depuis déjà de nombreuses années au Québec, vient de conquérir la France où il fait fureur. Bien entendu, pour faire français, nos cousins l’ont baptisé d’un joli nom digne de Rabelais, le bag in box. Et, parce que les Français ont beaucoup de vocabulaire, ils disent aussi cubitainer.

Pour d’autres raisons, vraisemblablement à cause de son coût de production, le fiasco, la bouteille emblématique du chianti traditionnel, a aussi disparu. C’est une grande perte pour les amoureux romantiques, puisque, immanquablement, cette jolie bouteille habillée de paille restait sur la table pour, coiffée d’une chandelle, assurer l’ambiance feutrée d’un charmant tête-à-tête.

Pour ce qui est du matériau utilisé, le verre n’a plus le monopole. La bouteille en plastique imitant le verre a fait son apparition. Il y a aussi le tetrapak, sur le modèle de la pinte de lait, qui gagne du terrain. Plus écologique, disent les industriels.

 

2. Le verre

Chaque région viticole a son verre traditionnel exclusif. Autrefois, l’amateur sérieux se devait donc de posséder une imposante collection de verres, s’il avait la prétention de déguster chaque vin dans le verre qui, affirmait-on, lui convenait parfaitement. C’était sacrilège que de déguster un vin d’Alsace dans un verre à bordeaux et vice versa.

Aujourd’hui, l’apparition du verre universel simplifie tout. Un verre universel est un verre dans lequel on peut servir tous les vins sans les trahir. Il convient aussi bien aux blancs qu’aux rouges, pour tous les cépages et pour toutes les origines.

Il y a déjà une trentaine d’années, l’Institut national des appellations d’origine a dessiné un verre universel qui s’est vite imposé comme l’outil indispensable du dégustateur. C’est le verre INAO. Depuis, la maison autrichienne Riedel a également conçu un verre universel très efficace, le verre Ouverture. Plus récemment encore, d’autres modèles ont été proposés aux amateurs. Parmi ceux-ci, le Spiegelau a beaucoup de succès.

Lequel choisir ? Selon notre expérience, le verre INAO reste le verre le plus adapté à la dégustation analytique. Il est sans pitié et fait ressortir tant les qualités que les défauts du vin à chacune des trois étapes de l’analyse, les yeux, le nez et la bouche.

Le verre Ouverture est plus un verre de plaisir. Il est moins impitoyable pour le vin et est plus flatteur pour lui. De plus, étant de plus grande dimension que l’INAO, il est beaucoup plus agréable à table. Le Spiegelau, lui, est un heureux compromis entre les deux.

Tous ces verres sont faits d’un verre mince, parfaitement translucide et sans décoration. Chacun se compose d’un pied, d’une tige et d’une coupe. La capacité de cette coupe respecte un rapport surface / volume du vin qui tient compte du phénomène d’évaporation, des tensions superficielles et de la capillarité. Le cul de cette coupe est bien arrondi tandis que son ouverture est relativement étroite. Toutes ces caractéristiques jouent un rôle à chacune des trois étapes de la dégustation.

2.1 Les yeux

Le verre est translucide, sans coloration, décoration ni gravure. C’est que le dégustateur doit bien voir le vin pour juger de sa limpidité, de la teinte et de l’intensité de sa couleur et de sa matière.

La forme de la coupe permet d’examiner le disque tant verticalement que latéralement. De nombreux indices sont de cette façon révélés au dégustateur. La limpidité du vin est plus facile à constater par l’examen à la verticale du disque. Latéralement, les parois de la coupe concentrent la couleur dans l’anneau, facilitant l’examen de la teinte et de l’intensité de la couleur du vin. Enfin, la couronne révèle le spectre de cette couleur. Celui-ci permet de juger de l’évolution du vin.
  

Les verres à dégustation

 

 

Le verre INAO – le Spiegelau –  l’Ouverture de Riedel

  

Il va sans dire que le dégustateur tiendra son verre par la tige ou le pied sans mettre jamais les doigts sur la coupe. Surtout quand il est à table. Il évitera ainsi de salir le verre. Les taches de gras ou de sauce sont des obstacles désagréables qui gênent l’analyse visuelle.

2.2 Le nez.

Le cul de la coupe est arrondi. Le dégustateur ne doit verser que trois centimètres de liquide tout au plus dans le verre. La forme de la coupe permet de faire tourner le vin dans le verre sans risquer les éclaboussures. Il le fait de façon à créer un tourbillon pour faire « prendre l’air » au vin. Cette technique oxyde le vin et en révèle les arômes. Les vins jeunes en particulier ne sont révélés qu’en subissant ce traitement qu’il faut parfois appliquer énergiquement.

Si le cul de la coupe est arrondi et évasé, l’ouverture est plutôt étroite. Cela a pour effet de concentrer davantage les arômes révélés par le tourbillon.

Encore une fois, il va sans dire que le dégustateur tiendra le verre par la tige en cachant ses doigts sous la coupe. En levant son verre, celui qui le tient par la coupe rapproche dangereusement les doigts de son nez. Et comme les doigts ne sentent que très rarement la rose, c’est l’odeur de ses dernières explorations tactiles qui sera révélée à ce dégustateur imprudent, masquant ainsi l’arôme délicat de violette que fleure le précieux nectar.

2.3 La bouche

Pour être dégusté, le vin doit être avalé à petites gorgées. Le verre de dégustation, dont l’ouverture est étroite, ne permet pas de boire facilement à grandes lampées. Ce qui est la caractéristique du bon vivant, mais pas celle du dégustateur sérieux.

Une dernière fois, il va sans dire que le dégustateur tiendra le verre par la tige ou le pied en évitant de saisir la coupe à pleine main. Ce faisant, sa chaleur réchauffe le vin. Les blancs et les rouges légers doivent être bus frais. En les réchauffant trop vite, le dégustateur ne leur permet pas de se révéler pleinement et gâche ainsi son plaisir.

 

3. Le lavage des verres

 
Les plus orthodoxes vouent une haine farouche au savon à vaisselle. Leur religion les condamne à rincer les verres à l’eau distillée et à les pendre par le pied pour les faire sécher. Les moins sectaires se contentent d’y aller timidement avec le savon, de bien rincer à l’eau très chaude et à essuyer avec un torchon en coton. La technique s’impose surtout pour les flûtes à champagne, car le savon est l’implacable ennemi des bulles.

 

4. La carafe

La carafe est un bel objet, souvent plus décoratif que vraiment utile. Antan, quand en cave le vin était conservé en tonneau, une jolie carafe, une fois le vin tiré, faisait plus chic qu’un vulgaire pichet sur une table élégante. Aujourd’hui, le vin est acheté et conservé en bouteille. Aussi, quand il n’y a pas nécessité de faire subir la décantation au vin, c’est  dans la bouteille qu’il est préférable de le servir à table. C’est que le passage du vin en carafe ou en pichet peut altérer tant le nez que la bouche du vin. Il y a dans cette opération des risques qu’il est préférable d’éviter.

Par contre, s’il est nécessaire de décanter ou de carafer (voir la section V sur le service du vin) pour corriger ou tenter de corriger le défaut d’un vin, la carafe est l’outil indispensable. Il faut en choisir une qui, lorsqu’elle contient tout le contenu d’une bouteille, offre au vin une très grande surface (disque) exposée à l’air. Voilà pourquoi, quelles que soient la longueur et la finesse de son cou, le modèle idéal doit avoir une base très évasée.

 

5. Le seau à glace

Pour refroidir ou frapper le vin, le traditionnel seau à glace est un outil très efficace. Il ne faut cependant pas en faire un dogme et le frigo ou le congélateur peuvent tout aussi bien faire le travail, sans que le vin n’en souffre aucunement.

Le seau à glace reste néanmoins un ustensile toujours élégant sur ou autour de la table. Pendant le repas, son rôle n’est pas seulement décoratif. Il permet de conserver la bouteille ouverte à la bonne température. Il doit servir à tous les vins et pas seulement au mousseux et au blanc, auxquels il est habituellement associé. Il ne faut pas hésiter en s’en servir pour rafraîchir aussi le rouge qui, au restaurant surtout, est souvent servi trop chaud.

Pour que le seau à glace soit vraiment efficace, il faut que les glaçons nagent dans l’eau. Ne mettre que de la glace sans eau dans le seau en réduit considérablement l’efficacité. Il faut aussi s’assurer que, dans la mesure du possible, toute la bouteille baigne dans le liquide, jusqu’au goulot. Si seulement le quart ou la moitié de la bouteille sont immergés, le vin n’est pas refroidi uniformément et les premiers verres servis ne seront pas à la bonne température.

 
Quand l’hôte ne dispose pas d’un seau à glace, il peut, après avoir rafraîchi le vin au frigo, apporter le vin à la table dans un étui – le plus souvent en matière plastique – conçu pour conserver sa fraîcheur à la bouteille. Cet ustensile est moins élégant que le seau à glace, mais (presque) aussi efficace. De plus, il présente l’avantage de ne pas avoir à essuyer une bouteille toute détrempée chaque fois qu’on la retire du seau pour verser du vin. En effet, l’étui en question fonctionne comme un thermos et ne requiert pas l’utilisation d’eau ou de glace pour maintenir le vin à la bonne température.

 

6. Le thermomètre

Pour donner le meilleur de lui-même, le vin doit être servi à la bonne température. Pour vérifier celle-ci, un thermomètre est bien utile. Il y en a de toutes sortes sur marché, le plus souvent fort satisfaisants. Habituellement, ils sont conçus tant pour s’adapter au goulot de la bouteille que pour être mis directement dans le verre. Il existe aussi un modèle encore plus pratique. Il s’agit d’un anneau qui enserre la bouteille et qui donne de l’extérieur la température du liquide à l’intérieur de la bouteille. Son efficacité est tout à fait honnête.

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