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Où sont les vins ?

Frédéric Laurin passe huit ans en Europe. En plus d’obtenir un doctorat en économie en Belgique, il y découvre la quantité étonnante de vins disponibles dans les magasins du plat pays.

De retour au Québec, il se dit déçu de voir que notre monopole d’État n’offre que 6200 vins, alors qu’il avait un choix de plus de 16 000 vins en Belgique. La SAQ contrôle «avec un zèle digne d’un régime soviétique, les vins qui seront admis sur le marché.»

Là-bas n’importe qui ou presque peut ouvrir une boutique de vin, les supermarchés vendent des vins de qualité, les Belges peuvent acheter du vin de France et d’ailleurs par Internet. Pourquoi pas ici? Pourtant, nos deux marchés, nos deux sociétés ont beaucoup de similitudes.

Le sous-titre de son livre est : «Le problème de la distribution du vin au Québec.»

Pourquoi des employés de l’État sont-ils les seuls à décider quels vins seront disponibles aux consommateurs québécois. «Je revendique le droit de pouvoir acheter le vin que je veux…», dit-il.

Il explique le mode de sélection des vins de la SAQ qui accorde seulement 25 % des points à la qualité du produit. Les aspects notoriété et financier accaparent 75 % des points menant à l’acceptation d’un produit. Ainsi, selon lui, seuls les gros ayant un bon budget promotionnel et bonne presse à l’étranger peuvent entrer sur notre marché. Les petits vignerons de caractère sont souvent exclus.

«Le système québécois fait place à toutes sortes de décisions qui s’opposent à la culture viticole.» La SAQ n’achète pas les millésimes consécutifs, est souvent en rupture de stock sur de nombreux produits, n’est pas à l’écoute du client, vend trop cher, etc. «Un tel appareil bureaucratique n’est pas adapté à une philosophie tournée vers le plaisir et la découverte.»

Selon lui, le marché québécois ne doit pas être comparé avec l’Alberta et les États-Unis, mais plutôt à un pays plus proche culturellement comme la Belgique.

Dans le domaine du vin, créer son propre marché, ce n’est pas concevoir un produit-concept dans le seul but d’extraire quelques dollars du portefeuille du consommateur. Il s’agit plutôt d’amener le client à découvrir des sensations nouvelles, des producteurs inconnus, de petites trouvailles.

Il ne propose pas de privatiser la SAQ, mais de libéraliser le marché du vin. Alors qu’une succursale moyenne de la SAQ ne propose que trois ou quatre rieslings d’Alsace, un caviste pourrait se spécialiser dans ce segment, un autre pourrait vendre des vins italiens, des huiles, des pâtes et des fromages de ce pays.

Dans son livre, il analyse le fonctionnement de la SAQ pour conclure que la société d’État est plus un locateur d’espace qu’un vendeur.

Il propose donc qu’on permette l’ouverture de boutiques de vin afin que des cavistes enthousiastes puissent offrir des produits plus diversifiés. Que le Québécois puissent acheter du vin par Internet directement des producteurs, tout en payant les taxes actuelles. Au final, «paradoxalement, la libéralisation du marché pourrait donc permettre d’augmenter les revenus du gouvernement!»

Le vin est trop cher ici.

Si le gouvernement veut augmenter ses revenus, qu’il le fasse clairement et directement en toute transparence et sans hypocrisie, en augmentant les taxes ou les impôts.

La SAQ continuerait d’exister, de vendre les produits de masse, d’alimenter les petites localités, mais elle aurait une certaine concurrence à Montréal, Québec, Gatineau, Mont-Tremblant, Estrie et Charlevoix.

Dans mon scénario de libéralisation, j’ai estimé que le prix d’une bouteille vendue actuellement à 15 $ ou 16 $ à la SAQ tomberait à 9 $ ou 10 $.

Au sujet de la crainte de l’alcoolisme : on ne devient pas alcoolique en buvant de grands crus, mais des spiritueux et de la bière à la caisse de 24.

Le livre est instructif. On devine que c’est l’oeuvre d’un amoureux du vin et de la liberté. C’est un travail d’économiste, mais ce n’est pas rébarbatif. Ça se lit très bien. L’auteur explique le fonctionnement du système de la sélection et des achats de la SAQ; les appels d’offres, le rôle des agents (ces intermédiaires qui n’ont pas accès aux consommateurs), la fixation des prix, le facing (planographie), le réapprovisionnement, la crainte du «délistage»…

Où sont les vins?
Le problème de la distribution du vin au Québec
Frédéric Laurin
Éditions Hurtubise
Septembre 2009
186 pages
ISBN:  9782896472147
18,95 $
  Site de l’auteur: http://www.fredericlaurin.com/Vins.html