Le sous-titre du livre : Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France.
C’est l’histoire de la consommation du vin et des alcools en Nouvelle-France.
Un document touffu, bourré de références sur la consommation de boissons alcooliques par nos ancêtres.
Il semble bien qu’ils buvaient beaucoup de vin, peut-être même plus que nous aujourd’hui.
Catherine Ferland nous explique que «les Canadiens perpétuent bel et bien les préférences de leurs parents et grands-parents d’origine française en matière de boissons alcooliques.»
Dès leur arrivée sur ce continent, les Français ont essayé de cultiver la vigne sauvage pour en faire du vin, mais sans succès. Puis, ils ont tenté d’implanter les vignes de France, mais elles ont rapidement gelées.
Donc, on importait du vin et d’autres alcools. On fabriquait aussi de la bière et du cidre, mais qui étaient surtout consommés lorsque les guerres européennes empêchaient le transport du vin.
«Le désintérêt pour la bière de l’intendant (Talon) est si radical que la brasserie ferme définitivement ses portes, moins de dix ans après son ouverture.»
Le cidre, la bière, la bière d’épinette, le rossoli (liqueur d’eau d’érable) «fabriqués dans la colonie de deviennent apparemment jamais aussi populaires et recherchées que les boissons importées.»
À cette époque, on se soignait à l’alcool, on se fortifiait. Le paysan prenait un verre pour se réchauffer avant d’aller aux champs le matin. Les bonnes soeurs en servaient aux malades dans les hôpitaux. On en buvait à l’auberge. Il n’y avait presque pas de fêtes sans vins ou alcools.
C’est bon pour le moral
«Il y a longtemps que les monarques et les chefs d’État ont compris que les boissons alcooliques peuvent servir à maintenir la bonne humeur des populations qu’ils gouvernent. Samuel de Champlain le sait pertinemment lorsqu’il fonde l’Ordre de Bon temps à Port-Royal (Acadie) en 1606.»
Dans la colonie, on buvait mieux et plus diversifié que dans la plupart des régions de France. On avait des vins de Graves, Languedoc, Hermitage, Quercy, Cahors, Montauban, Drôme, Gensac, Sainte-Foy, Pujols, Montravel, Nantes, Saintonge et Bordeaux, en plus des vins de liqueur de muscat, de Frontignan, de Navarre, d’Alicante, de Malaga, de Malvoisie et des Canaries.
«Force est de constater que la petite colonie septentrionale présente une variété des boissons alcooliques impressionnante. Plus les décennies avancent, plus cette variété s’accroît, rejoignant puis dépassant même celle qui est proposée à la société française de l’époque.»
La hiérarchie des boissons et taxes
Un pot de bière se vendait 7 sols en 1739, un pot de cidre 10 sols; de guildive (alcool de canne à sucre) 20 sols; vin ordinaire de 20 à 25 sols, une bouteille de Frontignan 30 sols, un pot de Graves 35, une bouteille de Champagne 60 sols.
Très tôt, les autorités ont constaté le bénéfice de taxer ces produits pour remplir les coffres de l’État Ces taxes servaient semble-t-il à fortifier les défenses militaires. Les revenus pouvaient représenter «des sommes colossales».
Consommation élevée et variée
Les quantités de vin dont les déchargements étaient enregistrés au port de Québec variaient énormément d’une année à l’autre : 3300 barriques (760 000 litres) en 1700, mais 348 barriques l’année suivante. À partir de 1723, c’était plus régulier, de 1700 barriques à 8800 en 1752. Ce qui représente près de 2 millions de litres pour une si petite population.
L’auteure dit ne pouvoir chiffrer la consommation par habitant parce que les chiffres de population ne sont pas assez précis (habitants et militaires). Mais il semble que pour certaines années que cela représentait plusieurs fois la consommation actuelle du Québecois par habitant.
En 1744, la ville de Québec compte une quarantaine de cabarets pour une population de seulement 6000 habitants. On y consommait sur place et on achetait des boissons pour apporter. Cette année-là, la part du revenu du Domaine d’Occident provenant des droits sur les boissons alcooliques représente 88 % des revenus totaux (50 % en 1735).
Mme Ferland y étudie aussi dans son livre l’usage des alcools par les Amérindiens.
Donc, un livre étonnant, une brique de 405 pages, dont 70 pages de notes explicatives, fort heureusement regroupées à la fin du volume.
Une initiative originale : on peut acheter de document au format PDF, le télécharger et le lire sur son ordinateur.
Catherine Ferland est historienne, professeure associée au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke.
Bacchus en Canada
Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France
Catherine Ferland
Éditions Septentrion www.septentrion.qc.ca
ISBN 2-89448-603-0
432 pages 39,95 $
PDF 29,96 $