Nous étions un groupe de journalistes en train de déguster des vins dans le grand domaine Rocca delle Macie à Castellina in Chianti.
Au sixième vin, le Roccato 2005 (40 $), le top de la gamme de la maison, le producteur nous dit que le meilleur client de ce vin est le Québec.
Je goûte le vin, tannique, un peu dur, fruité faible. Je me demande alors comment nous pouvons être les principaux acheteurs de ce vin assez banal. Il a une petite odeur de poussière, une odeur qui rappelle le bouchon, mais c’est très faible. J’ai alors un doute. Je vais consulter un collègue belge à l’autre bout de la table et il me dit qu’à sa demande on lui a versé du vin d’une autre bouteille. Je goûte et alors oui effectivement, le vin est beaucoup plus éclatant dans son verre que dans le mien.
Le lendemain, lors d’une dégustation semblable au Domaine Cappella Sant’Andrea, nous dégustons le Serreto 1997 un san giminiano rosso fait par un jeune couple bien talentueux. Ce vin est asséché et inintéressant. Mais j’entends mes collègues à l’autre bout de la table le décrire comme un très bon vin! Je goûte, en effet, c’est bien meilleur. Pourtant, il n’y a pas cette fois
d’odeur de bouchon dans mon verre, mais il semble bien que l’oxydation ait gâché le vin. Ce même scénario s’est répété à plusieurs reprises lors de ce voyage de presse en compagnie de journalistes européens et américains en Toscane. Trop souvent, lorsqu’on ouvre deux bouteilles d’un même produit, on découvre deux vins différents!
Finalement, le samedi, au restaurant L’Orizzonte en route vers Bolgheri, un collègue autrichien se met en frais de convaincre les jeunes producteurs présents de la supériorité de la capsule à vis sur le bouchon de liège.
Les vignerons ont rejeté avec vigueur ses arguments affirmant que l’oxygène transitant par le bouchon de liège permet un bon vieillissement du vin.
Oxydatif ou réductif
Il y a deux écoles en ce domaine. Certains croient que le bon vieillissement du vin est dû aux phénomènes d’oxydation; et d’autres affirment le contraire que c’est plutôt grâce au milieu réductif, donc en l’absence d’oxygène que le vin s’améliore en bouteille.
Les professeurs d’oenologie Jean Ribéreau-Gayon et Émile Peynaud disaient pourtant il y a longtemps que le développement du vin en bouteille est un phénomène réductif et non oxydatif.
Le meilleur bouchon serait donc celui qui est le plus étanche, qu’il soit fait de liège ou d’autres matériaux.
Des études menées par le Australian Wine Research Institute, (citée par le producteur Henschke) ont démontré que le bouchon de liège de 45 mm laisse passer de 0.0001 à 0.1227ml par jour. Une différence énorme: de 1 à 1000. La moyenne est de 0.0179ml.
De son côté, la capsule à vins permet un échange de 0.0002 à 0.0008 ml, pour une moyenne de 0.0005ml.
En somme, la capsule à vis équivaut en gros au meilleur bouchon de liège.
Le problème avec le bouchon de liège c’est qu’il laisse passer trop d’oxygène le long de la paroi. On le voit souvent lorsqu’on sort le bouchon, son pourtour est souvent rougi par le vin, signe que le liquide circule entre la paroi et le verre de goulot. C’est ce qu’on appelle l’effet de piston.
Mais pourquoi alors, est-ce qu’on continue au 21e siècle à boucher les bouteilles de vin avec un morceau d’écorce chloré. La réponse est du côté du consommateur. Tant que nous croirons que le meilleur bouchon est de liège, les producteurs continueront de l’utiliser.
Il y en a qui ont pourtant compris, en Australie, 55 % des bouteilles de vin sont obturés avec la capsule et c’est encore plus élevé en Nouvelle-Zélande (The Australian). Les producteurs et les consommateurs de ces deux pays ne font plus confiance au bouchon de liège pour la garde de leurs vins.
Si un jour, on se convainc que le rôle du bouchon est de boucher, alors on boira des vins de qualité plus régulière.
À l’avenir, peut-être que le liège sera plus utile comme on le voit sur les photos prises au domaine de la princesse Strozzi où il sert à couvrir les colonnes.