Peut-on à la fois vendre du vin et être critique de vin?
Peut-on être payé par un vendeur de vin pour critiquer les vins qu’il vend?
Que penserions-nous d’un journaliste financier qui vendrait aussi des actions, d’un chroniqueur automobile vendeur d’auto, d’un critique de restaurant qui possèderait des restaurants…?
On qualifie cela de mélange des genres et de conflit d’intérêts. On fait deux métiers contradictoires. D’un côté on vend un produit et de l’autre on commente les produits des concurrents.
Le monde des chroniqueurs de vin est en ébullition au Québec. Le mélange des genres est en pleine progression depuis deux ans. Des critiques de vin font de la publicité et des publicitaires font des critiques de vins.
Des compagnies, des magazines, des médias embauchent des publicitaires du vin pour faire des chroniques sur le vin.
Il y a nette confusion entre information sur le vin et publicité sur le vin; entre critique de vin et promotion de vin.
Voici quelques éléments qui nous portent à réfléchir sur le travail de la critique vinicole.
Premièrement, le scandale de l’affaire James Suckling. Karyne Duplessis Piché du journal La Presse nous apprend que l’ancien critique de vin du Wine Spectator a été payé par la Société des Alcools du Québec pour commenter des vins vendus par cette même société. Après avoir nié, la SAQ reconnait finalement lui avoir donné 24 000 $. Il y a ici confusion entre critique et promotion.
Deuxièment, nous apprenons que le Guide de vin Phaneuf aura de nouveaux collaborateurs. Toutefois, l’on sait que ces personnes font la promotion de certains vins au Québec. Comment vont-ils parler de leurs concurrents dans le guide? Y a-t-il confusion possible ou apparence de conflit d’intérêts?
Troisièmement, un magazine féminin convie demain tout le monde du vin au Québec à participer à une dégustation virtuelle sur le web intitulée L’art de l’accord vins et fromages. C’est mené par une agente de promotion de vin. En regardant la liste des vins, nous constatons qu’ils sont tous de la même région! Donc, une opération commerciale financée par des marchands de vin de cette région.
Finalement, le plus étonnant c’est cette vidéo du critique de vin d’un hebdomadaire et magazine vin intitulée «Les Grands Arrivages – Un nouveau concept de vin exclusif à IGA». Il y a là confusion entre publicité et critique de vin.
Dans tous les cas, il faudrait que les médias identifient clairement ce qui est de la publicité et ce qui est de l’information.
Peut-on à la fois vendre du vin ou être payé par des vendeurs de vin et chroniquer librement sur le vin sans apparence de conflit d’intérêts?
Je me rends bien compte qu’il est difficile de gagner sa vie en étant uniquement chroniqueur de vin.
Cela dit, je crois que les métiers de chroniqueur de vin et de publicitaire sont deux métiers aux objectifs opposés et qui doivent donc être faits par des personnes différentes.