Comme son titre le laisse entendre, cet ouvrage explore les rapports complexes entre le vin (compris dans son sens large) et la/e politique, notamment sous le régime républicain français.
La tranche historique n’est pas sans signification, allant du soulèvement des vignerons du Midi en 1907, événement hautement chargé aux plans symbolique et politique, jusqu’au moment où s’est tenu le colloque dont est issu cet ouvrage.
Vin et République compte 21 textes répartis entre trois sections. La première partie, intitulée, « Échos et manifestations de la révolte viticole », dissèque la notion même de « révolte »—ses significations, ses conséquences, son traitement par la presse et divers acteurs politiques et corporatifs associés au monde de la vigne et du vin. La deuxième partie examine l’inscription des questions viticoles à l’ordre du jour de la politique nationale, régionale et locale en France. Plusieurs des chapitres de cette section examinent les trajectoires de politiciens étroitement associés au vin. La troisième partie privilégie l’examen des liens entre le vin, la République et la problématique fort complexe de la construction des identités territoriales.
L’ouvrage recensé me semble illustrer avec brio un principe trop souvent sous-estimé, voire ignoré, en sciences politiques, soit que la société civile est un espace politique où se déploient des rapports de force (c’est « le » politique »), rapports que les institutions et les acteurs politiques issus de la compétition électorale (c’est « la » politique) ne peuvent ignorer qu’au risque de déstabilisations importantes (c’est aussi un autre aspect « du » politique »). En clair, Vin et République rappelle que les mobilisations de la société civile relèvent pleinement du, et de la politique. Une autre force de l’ouvrage est de mettre au jour la complexité des rapports entre la vigne et le vin (i.e., l’industrie vitivinicole, certes, mais aussi leurs signifiants culturels et notamment symboliques ainsi que leurs ramifications économiques) et la/e politique. Par exemple, Alexandre Niess démontre de quelle façon le champagne participe étroitement à l’identité champenoise, et de quelle façon celle-ci a inspiré les mouvements qui ont secoué cette région entre 1908 et 1914.
Par ailleurs, Vin et République n’est pas exempt de limites. Ainsi, il regroupe des textes de qualité inégale, un problème qui mine fréquemment les actes de colloques, il est vrai, mais qu’un travail éditorial sérieux permet le plus souvent de résoudre. Qui plus est, si la diversité des sujets, des approches et des perspectives théoriques contribue à la richesse heuristique d’un collectif, dans le cas de Vin et République la vastitude du sujet, ou l’absence d’une problématique de réflexion clairement définie et communément partagée a pour conséquence de faire de l’ouvrage une sorte de fourre-tout où se côtoient des textes ayant peu en commun—si ce n’est le thème Vin et République, généreusement défini. En d’autres mots, une idée maîtresse manque à Vin et République, fil rouge qui permettrait de le penser comme un tout cohérent. Finalement, l’ouvrage est hermétique et fort peu convivial : il n’est franchement pas facile d’accès à qui n’est pas versé dans l’histoire vitivinicole de la France.
Au final, Vin et République a le mérite d’explorer une problématique encore peu explorée des études vitivinicoles, soit les tenants politiques de la vigne et du vin. En revanche, le résultat demeure décevant car peu accessible à un large lectorat, qui gagnerait à se tourner vers d’autres lectures afin d’étancher sa soif de connaissances bachiques.
Vin et République 1907-2007
Geneviève Gavignaud-Fontaine et al. (2009)
Paris, Éditions Pepper
L’Harmattan, 308 pages.
Manon Tremblay, Ph. D.
École d’études politiques
Université d’Ottawa