Depuis quelque temps, nous tombons de plus en plus sur des vins défectueux. Des vins avec de fortes odeurs de cuir ou d’écurie et même pire. Nous associons souvent cela à des levures Brettanomyces. (*) Certains dégustateurs et chroniqueurs vin ont même développé ce que je nommerais une intolérance aux Brett.
En fait, les Brett ne seraient pas en cause dans tous les cas.
Le 13 avril, je publiais une note sur le vin bio Canet Valette Une et Mille nuits Saint-Chinian 2012. «Des odeurs de cuir et d’écurie. Une bouche amère. Pas de fruit! Que s’est-il passé? À retourner.»
Le même vin dégusté à la fin du mois à Montpellier (France) a donné le même résultat. Des collègues m’ont affirmé que ce vin était contaminé par ces fameuses Brett.
De retour au pays et intrigué, j’ai écrit au producteur pour lui demander ce qu’il en était.
M. Marc Valette m’a répondu très gentiment qu’il avait lui aussi goûté à certaines de ses bouteilles au mauvais goût. «Le problème m’est personnellement arrivé et croyez que depuis, je mets tout en oeuvre pour comprendre le phénomène et le corriger afin de ne plus avoir ce genre de désagréments. Ceci est d’autant pus difficile que cela ne concerne qu’une partie des bouteilles pour une mise unique du millésime.»
M. Valette a fait faire des analyses microbiologiques qui n’ont pas trouvé la présence de Brett, ni de bactéries acétiques susceptibles de se développer. Toutefois, il y a des bactéries qui peuvent se développer dans des conditions extrêmes (grands écarts de température.
Nous touchons là à un problème que nous avons trop longtemps sousestimé. Je parle ici pour tous les vins, conventionnels, ou biologiques; car pour des PH de 3,69 (voir analyse jointe) comme pour le « une et mille nuits 2012 », il faudrait avoir des doses de SO2 très importantes (50mg de libre) pour empêcher le développement de ces bactéries ou filtrer stérile (0,2micron) pour les tuer.»
Nous voyons encore là l’importance des pH bas et de leur relation avec l’usage des sulfites. M. Valette dit prendre tout les mesures pour contrer ce problème.
«Les pistes de réflexion que j’ai mises en pratique dès la récolte 2014 sont:
– évidemment, mesures d’hygiène renforcées à toutes les étapes de la vinification.
– couverture en gaz (azote ou gaz carbonique) lors de toutes les manipulations.
– attention très particulière sur les soutirages : mise à l’écart des fonds de cuves et réintégration après collage.
– importance de l’intégration et de la dose de SO2 à amener afin d’avoir un taux de total faible pour un taux de libre relativement important.
– attention particulière à la mise en bouteille (hygiène, rôle de l’oxygène dissout) et aux matières sèches (bouchons, bouteilles).»
On voit que ce n’est pas simple et que cela demande une attention constante.
M. Valette conclu «Croyez bien que ce problème me préoccupe au plus haut point et que je fais tout pour y remédier. Étant passionné de vin et celui-ci étant pour moi, avant tout instigateur de moments de plaisir, il est inacceptable tant pour le consommateur que pour le producteur de se trouver face à de telles bouteilles.»
Tout ceci est bien intéressant. On produit de plus en plus des vins qui ont moins d’acidité (réchauffement climatique et pratique vinicole), au pH élevé (pH 3,6 et +), en voulant y mettre le moins de souffre possible et cela entraîne des risques.
Ceci peut donner des vins avec des odeurs rappelant les écuries que nous journalistes attribuons souvent aux Brett, ce qui ne serait pas toujours le cas.
Merci beaucoup à monsieur Marc Valette d’avoir répondu avec beaucoup de détails à notre question — ce qui nous fait comprendre un peu mieux la fabrication du bon vin — et nous lui souhaitons du succès dans ses recherches.