La Cour suprême du Canada accepte de se pencher sur la liberté de commerce de l’alcool entre les provinces au Canada.
Actuellement des provinces imposent des limites au commerce des vins, bières et spiritueux entre elles.
Ce serait inconstitutionnel selon un jugement de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick (Juge Ronald Leblanc — affaire Gérard Comeau).
Le plus haut tribunal du pays a accepté ce matin d’entendre la demande d’appel du gouvernement du Nouveau-Brunswick concernant ce jugement Comeau.
«La requête en prorogation du délai de signification et de dépôt de la demande d’autorisation d’appel est accueillie. La demande d’autorisation d’appel est accueillie avec dépens en faveur de l’intimé quelle que soit l’issue de l’appel. L’appelante doit signifier et déposer, conformément aux paragraphes 33(2) et (3) des Règles de la Cour suprême du Canada, un avis de question constitutionnelle semblable au formulaire 33B.)» (Lexum)
En avril 2016, le juge Ronald Leblanc a acquitté Gérard Comeau accusé d’avoir rapporté au Nouveau-Brunswick de l’alcool acheté dans la province voisine, le Québec.
Le juge Leblanc a statué que l’interdiction provinciale de rapporter de l’alcool acheté dans une autre province du pays constitue une barrière commerciale ce qui contrevient à la l’article 121 de la Constitution du Canada.
L’article 121 de la Constitution dit ceci
121. Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.
121. All Articles of the Growth, Produce, or Manufacture of any one of the Provinces shall, from and after the Union, be admitted free into each of the other Provinces.
(LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1867 à 1982)
Le juge Leblanc conclut qu’il était ainsi clair que les Pères de la Confédération canadienne visaient le libre échange entre les provinces lorsqu’ils ont adopté la constitution en 1867.
Le Canada a été fondé lorsque les États-Unis ont décidé de mettre fin au libre échange puisqu’il soupçonnait les colonies britanniques d’avoir appuyé les Sudistes lors de la guerre de Sécession. Ces colonies (future Québec et Ontario et autres) ont alors décidé de former une union de libre-échange. (Voir JugementNB-Gerard-Comeau_Ronald-Leblanc.html)
Depuis un jugement de la Cour Suprême de 1921 (Gold Seal Ltd. v. Alberta (Attorney-General)), la constitution était interprétée dans le sens que les provinces pouvaient limiter le commerce. Le gouvernement fédéral avait d’ailleurs par la suite interdit le commerce interprovincial des alcools. Il a depuis aboli cette loi en 2012. Toutefois, les provinces ont continué à limiter ce commerce.
Le Nouveau-Brunswick en appelle directement de ce jugement auprès de la Cour Suprême. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick soutient que le juge Leblanc a commis plusieurs erreurs dans son jugement, notamment dans son interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 en affirmant le principe du libre-échange entre les provinces.
Si la Cour Suprême interprète la constitution comme l’a fait le juge Leblanc, ceci donnera plus de liberté aux commerçants et aux consommateurs du Canada. Le gouvernement fédéral est en faveur de cette liberté, mais pas les gouvernements de la plupart des provinces.
L’avocat Mikaël Bernard qui défend Gérard Comeau affirmait en décembre 2016 au journal Acadie Nouvelle qu’ «avec la montée du protectionniste chez nos voisins du sud (États-Unis), et ailleurs dans le monde, je crois que c’est plus pertinent que jamais que les provinces abaissent leurs barrières et travaillent ensemble plutôt que de chercher à se nuire».
Au Québec, cette affaire est suivie de très près, car elle remettrait en cause la juridiction de la SAQ. D’ailleurs, la direction de la SAQ en est très consciente et c’est pour cela, en partie, qu’elle a entamé une forte baisse de ses prix en vue d’être compétitive avec la LCBO.
En commission parlementaire à Québec, le 25 avril dernier, le président de la SAQ, Alain Brunet, a déclaré que «donc, si ça c’est remis en question, je vous donne un exemple, et qu’en Cour suprême la cause Comeau est confirmée. C’est une ouverture du marché. Évidemment, la SAQ, si elle n’est pas prête sur les prix, si elle n’est pas performante puis elle n’est pas en mesure de bouger rapidement sur une ouverture du marché, bien c’est une entreprise qui va défaillir. Et nous, notre responsabilité, c’est de la préparer à l’avenir à toute éventualité. Donc, là, il n’y a pas de décision de prise, mais il ne faut pas être naïf non plus. On voit bien l’évolution du marché. C’est ça à quoi on doit faire face.»
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Le jugement Gérard Comeau, juge Ronald Leblanc, Campbelton, août 2016
Sur le même sujet :
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- SAQ anticonstitutionnelle?
Voir aussi le reportage de Radio-Canada Nouveau-Brunswick du 29 novembre 2016.