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Méfiez-vous de l’odeur de fraise dans les vins!

Un vin qui sent la fraise semblera plus sucré.

Une odeur peut modifier un goût, du moins la perception de celui-ci!

Nous savions déjà que la couleur modifie l’odeur. Un vin rouge sentira les fruits rouges; pendant qu’un vin blanc sentira les fruits blancs. Par contre, un vin blanc coloré en rouge sera décrit comme sentant les fruits rouges. C’est ce que nous ont démontré les études de Rose Pangborn dans les années 1960 et plus récemment de Gilles Morrot.

La couleur modifie la perception du vin et même sa qualité, comme l’ont démontré des études de dégustation en total aveugle. Ainsi, des vins dégustés en verre opaque noir obtiendront de moins bonnes notes des dégustateurs que ces mêmes vins dans des verres transparents. Ces notes seront aussi plus groupées.

Le dégustateur est influencé par ce qu’il voit. Le dégustateur, même expert est un «acteur traitant de l’information et non un instrument calibré destiné à produire des résultats sûrs et répétables», écrivent Wendy Parr et Dominique Valentin dans la Revue des Oenologues du mois d’avril.

Notre mémoire, notre histoire, notre culture et nos expériences modifient notre perception du vin, surtout au niveau olfactif.

Ainsi, un vin qui sentira la fraise sera perçu comme plus sucré. «Une boisson aromatisée à la fraise est jugée plus sucrée qu’une boisson ayant la même concentration de sucre, mais pas d’odeur», ajoutent Parr et Valentin.

Ce serait la mémoire du sucré de la fraise qui nous fait percevoir le vin plus sucré s’il a des odeurs de fraise. C’est l’expérience antérieure du goût sucré des fraises qui fait apparaitre le vin sentant la fraise comme étant plus sucré.

Ainsi, on peut supposer que si votre souvenir de la cerise est qu’elle a un goût peu sucré et plutôt acidulé; le vin qui sent la cerise sera jugé moins sucré que celui qui sent la fraise.

«Un stimulus, une fois détecté, active les connaissances déjà en tête… Ainsi les représentations subjectives que nous nous formons d’un vin sont dès le début modifiées par notre propre physiologie et notre histoire psychologique.»

«Nos représentations subjectives varient selon notre physiologie et nos expériences, surtout quand il est question de notre sens olfactif.»

La mémoire d’une odeur peut modifier nos émotions. Une odeur peut modifier notre humeur dépendant si l’odeur nous rappelle un souvenir heureux (parfum de maman, de notre amour, d’un lieu…) ou désagréable (caveau à patate, cave humide, moisissure, aliments détestés, litière de chat…)

Plus encore, on n’est pas obligé de s’en souvenir consciemment pour en être influencé. Le «changement de comportement en présence d’une odeur se produit même lorsque nous n’avons pas conscience de la présence de l’odorant.» Étonnant!

Les études de Brochet et Dubourdieu ont démontré que «l’expérience immédiate du dégustateur est très influencée par ce qu’il a déjà en tête.» (The color of Odors)

Il est donc presque impossible, comme nous le constatons souvent en dégustation de groupe, ou dans des concours, d’avoir un consensus sur les goûts des vins.

Plusieurs informations, si disponibles au dégustateur, modifient son jugement. C’est le cas du prix de la bouteille, du nom du producteur, du type de bouchon (liège ou capsule à vis), de l’appellation, de la typicité du vin, bio, pas bio, biodynamique, du poids de la bouteille, des commentaires des voisins, de la musique, du lieu de dégustation, du cépage en plus de la couleur et de l’odeur du vin.

«Il a été démontré qu’il existe davantage de différences interindividuelles pour les perceptions gustatives et olfactives, cruciales pour la dégustation des vins, que pour les perceptions visuelles, auditives ou trigéminales.

En terminant, nous pouvons nous demander s’il ne faudrait pas alors tenter de faire abstraction des odeurs et se concentrer uniquement sur les perceptions trigéminales, c’est-à-dire, les sensations perçues en bouche?

C’est un peu ce que proposait le dégusteur australien Max Allen en 2012 : Ne sentez pas le vin avant de le déguster.

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Source
Le sens du vin: Contribution de la psychologie cognitive à une meillure compréhension de la dégustation du vin et des dégustateurs, Wendy V. Parr et Dominique Valentin, Revues des oenologues, avril 2017.

Voir aussi

Dans la série Comprendre le vin : la dégustation