La dégustation géosensorielle
Vous avez surement déjà vu de ces dégustateurs renifleurs qui passent de longues minutes à renifler le vin et à vous le décrire avec un catalogue d’aromes. On croirait qu’ils en inventent. Puis, ils le mettent en bouche et tout ce qu’ils peuvent vous en dire c’est «acidité médium plus; tanins médium plus.» Leur plus grand plaisir c’est de deviner le cépage.
«L’industrie du vin, qui a fait de ce dernier un produit agro-alimentaire, un vin technique, de cépage et de marque, a simplifié la dégustation.»
C’est ce que nous dit le vigneron bourguignon Jacky Rigaux dans son livre LA DÉGUSTATION GÉO-SENSORIELLE.
«Ce livre est destiné à ramener sur le devant de la scène (…) la dégustation qui privilégie le toucher de bouche, la texture, la consistance, la souplesse, la viscosité, la minéralité… autant de descripteurs qui permettent d’apprécier les vins de terroir, les « vins de lieu »».
La lisibilité des cépages est visible avec les vins de cépage, les vins industriels. Mais ce qu’il faut lire ce sont les terroirs, nous dit l’auteur.
Deux types de dégustation
On oppose les vins techniques de cépages aux vins de terroirs. La dégustation sensorielle à la dégustation géo-sensorielle. La première se concentre sur les aromes, la deuxième sur le touché de bouche.
«Dès que l’on introduit des levures industrielles en vinification, le terroir commence à disparaitre… surtout si on a commencé à l’affaiblir en détruisant la vie dans les sols avec les pesticides, herbicides et autres fongicides, associés aux engrais chimiques. Le vin est de plus en plus « fabriqué » au cellier, de moins en moins « accouché » naturellement par le vigneron!»
«D’un goût de lieu on passe à un goût fabriqué.»
Le bréviaire des aromes
«La primauté accordée au nez privilégie bien évidemment les vins techniques qui, à coups d’artifices technologiques et chimiques, rassurent le consommateur en quête de parfums vantés par les critiques et les sommeliers qui se plaisent à rivaliser d’audace en identifiant toujours plus d’odeurs dans leurs commentaires.»
«Les vins naturels de terroir sont ainsi pénalisés par l’analyse sensorielle au temps de leur jeunesse.»
Mais qu’en est-il de la minéralité, de la consistance, de la texture, de la viscosité, de la souplesse et de la vivacité?
«Avec la surenchère des critiques et sommeliers qui trouvent chaque jour de nouvelles odeurs dans le vin, il est de beaux jours pour l’analyse sensorielle!»
«Le vin n’était pas fait pour être reniflé, mais pour être bu.»
«Quand on a fait tout le travail nécessaire à la vigne, pour qu’elle accouche d’un raisin à la maturité physiologique optimale, que ce dernier a été cueilli avec soin, mis en cuve après un tri sévère, il convient alors de devenir paresseux, c’est-à-dire d’intervenir le moins possible pendant la vinification, pour que chaque climat livre naturellement toute sa complexité, en réalité sa vraie nature, son originalité, son caractère unique, inimitable.»
«C’est cette viticulture de virtuose, plus que de technicien, qui est l’avenir de la filière viticole européenne.»
Séduire avec l’industrie des aromes
«De plus en plus nombreux sont les amateurs qui renouent avec l’importance du « toucher de bouche » en dégustation. La bouche est beaucoup plus sensible et fidèle au « goût du lieu » que le nez que l’on peut facilement séduire et tromper avec les artifices de l’industrie des arômes. L’identité d’un vin de terroir s’exprime en effet principalement par la sapidité, c’est-à-dire par sa saveur singulière. Cette dernière est perçue par l’organe gustatif quand le vin entre en bouche. L’analyse sensorielle a réduit cette perception aux cinq saveurs classiques:
acide, amère, salée, sucrée et alcaline. La « dégustation géo-sensorielle du gourmet », sans ignorer ces descripteurs, valorise donc le « toucher de bouche », intimement associé au ressenti de la saveur».
Apprendre les arômes des vins relève de la quadrature du cercle
«Enfin, il faut ajouter que chaque dégustateur possède un appareil olfactif différent, que nous n’avons pas les mêmes seuils de perception. On l’aura compris, apprendre les arômes des vins relève de la quadrature du cercle».
Donc, abrégeons la description des aromes qui est particulière à chacun et concentrons-nous sur le toucher de bouche; de la texture du vin, de son étoffe; de la consistance du vin, de sa sève; de sa structure, de sa charpente, de son corps (charnu, compact, épais…); de la viscosité du vin; de sa souplesse, de son attaque; de sa vivacité; de sa signature; de sa minéralité; de sa longueur en bouche; de sa sensation tactile et de sa persistance aromatique et gustative.
«Un vin de terroir, qu’il soit blanc ou rouge, se doit d’offrir un toucher de bouche qui évoque la soie, le taffetas, le velours…»
«Un encerclement progressif et sincère, pour serrer de près l’insaisissable vérité.»
Un vocabulaire étranger
Au sujet de la description des vins, l’auteur cite Pierre Poubon.
«En matière de goût, il est impossible de parvenir à une précision définitive. Ainsi le dégustateur, qui analyse un vin, procède-t-il par approximations en se servant d’un vocabulaire curieusement étranger à son sujet. De ces approximations, parfois brillantes et imagées comme une improvisation poétique, le profane ne retient que le souvenir d’une élégante jonglerie verbale autour d’un verre. Mais il s’agit, en fait, d’un encerclement progressif et sincère, pour serrer de près l’insaisissable vérité». (Dégustations de toute une vie, 2001)
Donc, un petit livre très inspirant qui nous fait réfléchir sur notre manière d’apprécier le vin. Trop souvent, nos descriptions du vin mettent l’emphase sur ses odeurs. Pourtant, les odeurs sont très personnelles. On renifle le vin au lieu de le gouter. Ceci nous éloigne du consommateur qui lui boit le vin tout simplement.
LA DÉGUSTATION GÉO-SENSORIELLE DU GOURMET
Réveil des terroirs et réveil du goût
Jacky Rigaux, 51 pages.
ici dans internet www.zindhumbrecht.fr/wp-content/uploads/presse/LA_DEGUSTATION_GEO.pdf
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Pour vous aider à décrire la texture de vin, consultez le petit lexique Les mots du vin