La SAQ doit remettre chaque année plus d’un milliard de dollars au gouvernement.
C’est ce qui est appelé un dividende, mais un dividende exigé. Est-ce qu’une somme exigée peut vraiment être appelée dividende?
C’est plutôt une taxe théorique comme l’affirmait en 2016, le président du comité d’étude sur la Régie des alcools de l’Ontario, Ed Clark.
Ce dividende devrait être transformé en taxe, ce serait ainsi plus transparent. C’est une suggestion qui a été faite en 1971 par le juge Thinel et qui vient d’être reprise par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans son dernier livre «Du vin et des jeux».
La principale composante du prix de détail des produits à la SAQ est ce dividende; cette majoration qui rapporte plus d’un milliard de dollars.
Mais est-ce vraiment un dividende?
«Il ne fait aucun doute que les « bénéfices » de la Régie ne sont qu’une forme implicite de taxation». C’est ce que disait le juge Lucien Thinel en 1971.
Le gouvernement de Robert Bourassa avait demandé au juge Thinel de faire enquête sur les malversations à la Régie des alcools du Québec. Le juge a donc présidé la Commission d’enquête sur le commerce des boissons alcooliques.
Sa principale recommandation a été de scinder la Régie des alcools en deux entités distinctes: la Régie des alcools et la Société des alcools. Ce qui fut fait.
De plus, le juge a recommandé que le dividende de la SAQ soit transformé en taxe. Ce qui n’a pas encore été fait.
Taux de majoration globaux
Le juge Thinel notait que la Régie appliquait des taux de majorations globaux pour couvrir ses frais de fonctionnement et assurer des recettes fiscales pour le gouvernement. Il soutenait que la majoration fiscale devait être distincte de la majoration commerciale. «Pourtant, une telle dissociation apparait indispensable à la rationalisation de l’activité de l’État… la confusion qui règne actuellement n’est ni à l’avantage de la Régie ni à l’avantage de l’État.»
Donc, la société d’État applique une taxe sans que le Parlement n’ait à se prononcer sur cette taxe. Ce qui va à l’encontre du principe du «No taxation without representation». «C’est une anomalie qu’une distinction entre majoration fiscale et majoration commerciale corrigerait», insistait le juge Thinel.
Sans cette distinction, il est bien difficile de juger de la performance de la SAQ. C’est ce qui faisait dire aussi à M. Ed Clark qu’il ne pouvait déterminer si la LCBO était rentable.
Le juge Thinel ajoute, au sujet de la société d’État québécoise «à l’heure actuelle, il est difficile, sinon impossible, d’évaluer la qualité de l’administration: son dynamisme ou son relâchement sont tous deux noyés dans les taux globaux de majoration.»
Taxe fixée par l’État
Il conclut que «la majoration fiscale devrait être fixée par l’État à la manière des autres taxes à la consommation».
Voici donc la recommandation qu’il faisait à ce sujet en 1971.
Recommandation 46
Pour assurer une réforme efficace du régime de commercialisation des boissons alcooliques, on devrait au préalable établir deux majorations distinctes: l’une fiscale, l’autre commerciale. L’État fixerait, à la manière des taxes à la consommation, les taux de majoration fiscale applicable aux différents types de boissons alcooliques. Il définirait également les normes de la société d’État devrait suivre dans l’établissement de la majoration commerciale.
C’est ce qu’a fait l’Alberta en 1993 et selon l’IRIS elle perçoit sur l’alcool un montant par habitant similaire à celui du Québec.
Les dirigeants de la SAQ sont coincés entre leur rôle de collecteur de fonds pour l’État et celui de vendre du vin. Ce sont des employés qui décident de la taxe et non les députés. Ces employés taxent d’ailleurs plus les pauvres que les riches. Ce qui est à l’origine de bien des égarements dans leur système d’achats et de fixation des prix.
Si le Parlement du Québec appliquait finalement la recommandation de la Commission Thinel et fixait une taxe équivalente au milliard actuel, ceci assurerait plus de transparence et permettrait aux gens de la société d’État de se consacrer à la vente de vin et non à la collecte de fonds pour le gouvernement.
Cette taxe serait un pourcentage ajouté au prix de vente de détail des vins. Elle pourrait être haussée ou réduite selon les besoins et surtout selon la volonté des gens élus et responsables devant la population.
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