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Vin sans soufre, oui mais pas sans souffrir

Notre article intitulé Sans soufre ajouté a suscité des réactions. Plus en France qu’au Québec. Car ici, nous ne connaissons pas vraiment ces vins qui sont interdits dans nos magasins d’État, sauf deux exceptions.

Un vigneron de France, Vincent Bonnal, a fortement réagi sur Twitter «cela prête à un amalgame. Vin nature et sans soufre ce n’est pas la même chose», dit-il entre autres.

J’ai donc offert à M. Bonnal, vigneron au Domaine de Pélissols, d’écrire son point de vue. Point de vue intéressant et éclairant que je publie donc intégralement.

Bonjour,

donc comme promis mon point de vue sur l’article qui m’a fait bondir et merci de votre réaction constructive (faut dire que le débat est assez tendu ici en France) :

Chose étrange et paradoxale, je suis un vigneron peu porté sur la technologie, mais un webophile patenté. Et je twitte donc. Et j’y vois des choses qui parfois m’indiffèrent, me font sourires et parfois me donnent envie de sortir le fouet et de punir le malotru.

Donc voilà l’objet de ma saute d’humeur : http://vinquebec.com/node/11727

« On sait que la fermentation produit naturellement de 10 à 30 mg/l de sulfites. Donc les vins Naturae ne contiennent même pas de soufre endogène. Comment fait-il? M. Bertrand ne veut pas tout dévoiler »

Premier point qui me chagrine, la quantité de soufre endogène, produit par des levures, est principalement liée à des levures plus ou moins en souffrance pour cause de carences (raisins pauvres en acides aminés) ou de perturbateurs (produits phytosanitaires). On constate rarement une production au-delà de 10 mg/l chez les producteurs de vins naturels. En outre, il existe aussi des levures sélectionnées pour leur faible capacité a produire du soufre.

« Les manuels d’oenologie nous disent qu’il y a des moyens de faire du vin sans ajouter de sulfites. Ces moyens sont peu utilisés et souvent encore à l’état expérimental. En voici une liste »

Et là la chose qui blesse. Non que cet inventaire de technologie et de produits oenologiques soit faux. Mais cela entretient une confusion que je trouve scandaleuse.

Le vin « nature » (et notez bien que j’emploie « nature » et pas « naturel »), n’est pas pour ceux qui en sont les pionniers et les défenseurs un simple vin « sans sulfites ».

Je ne « bidouille » pas mes vins à coup de produits ou de techniques au nom « bizarroïde » pour me passer des sulfites (ce que je ne fais pas dans l’absolu non plus).

En fait je travaille sans intrant (sans aucun produit ajouté), sauf un peu de soufre juste avant la mise en bouteille (en espérant tendre vers le zéro).

Je suis en colère également, car il existe une campagne anti vin natures d’une mauvaise foi absolue.

D’un côté ceux qui disent que les vins natures c’est forcément déviant, que l’état « naturel » du raisin fermenté c’est le vinaigre, et qu’il ne s’agit que d’un effet de mode pour bobo parisien (quelle suffisance non? Les bobos du sud n’ont droit à aucune considération…)

Et qui lorsque vous leur parlez de certains vignerons chez qui les vins déviants sont inexistants, vous assènent l’argument ultime: de toute façon c’est pas clair, il n’y a aucune définition du vin nature, sous-tendant le fait que les « bons » vins sont le fruit de bidouillages peu « naturels » justement.

À cela je répondrais qu’il existe une charte, un point de vue très clair sur le sujet et de nombreux vignerons derrière cette bannière:

http://www.lesvinsnaturels.org/category/L-association/Engagement

http://www.lesvinsnaturels.org/

Et les vins natures fédèrent de plus en plus de consommateurs, pas par conviction religieuse, pas par anticonformisme, pas par idéologie. Juste parce qu’ils y retrouvent une buvabilité et un plaisir depuis longtemps amoindri par la production de plus en plus industrielle du vin.

Alors certain l’on compris et essayent de surfer sur la vague en proposant des vins « naturels » qui n’en sont pas vraiment.

Des vins produits de vignes poussées à l’engrais, « soignées » aux produits phytosanitaires, « aromatisés », « standardisés » par l’utilisation de levures sélectionnées, d’enzymes, « stabilisés » par l’emploi de lysozymes, de la stérilisation, de sorbates.

Bref mis à part les sulfites, des vins qui ont encore toutes les dérives de l’oenologie actuelle.

Et je me bats, pour faire connaitre mon point de vue, pour démasquer les cyniques, ou les gens de peu d’ouverture.

Alors merci a Marc André Gagnon qui a cherché a comprendre l’objet de ma colère et me permet de réagir a son article.  
 
Voilà, c’est un peu long, mais cela résume assez bien ma pensée, je vais probablement publié ceci sur mon blog. J’espère en tout cas que vous aurez l’occasion de goûter quelques-uns des vignerons talentueux qui gravitent dans la sphère des vins natures (après je ne conteste pas que certains sous le prétexte que naturel = forcément bon font des vins qui sont très déviants).

Merci encore et n’hésitez pas a revenir vers moi, j’adore débattre!

Vincent Bonnal
Oenologue – Artisan Vigneron
site web / boutique: www.pelissols.com
blog: http://d-pelissols.tumblr.com/
twitter: @pelissols

Merci monsieur Bonnal.

Ce vigneron nous dit que le débat sur le vin nature fait rage en France. Sont Bain Chanceux! Comme on dirait en Kébèquois. Ici, il n’y a pas de débat, on ne connait pas! Les dirigeants de la SAQ nous en protègent (sic) comme je l’ai déjà expliqué : Le vin nature: le lointain Québec à l’abri. Pourtant, le vin nature serait la grosse mode à Paris, et nous n’y avons pas droit! 
Dans notre Québec monopolisé par des fonctionnaires du vin, il y a tout de même moyen de goûter des vins dits nature, voir Une petite incursion dans le monde du vin nature.

Je rappelle aussi que la SAQ vient de mettre en marché deux vins sans soufre ajouté ni additifs, du réputé producteur Gérard Bertrand. M. Bertrand produit des vins bio et même en biodynamie; toutefois ses deux vins sans soufre de la série Naturae, introduit au Québec et présentés par la SAQ comme vin «dit « nature »» sont en lutte raisonnée et non en agriculture bio.