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Vous ne sentez pas la violette, le muguet et le cheval en sueur!

On revient dans la blogosphère aujourd’hui sur un thème fréquemment abordé ici: les différences de perception des odeurs d’un individu à l’autre.

Sur son blogue Laurent Gotti, rédacteur en chef de la revue Bourgogne aujourd’hui, nous dit qu’«il est rigoureusement impossible que nous sentions la même chose que notre voisin.» Il rappelle l’étude du neurobiologiste Patrick Mac Leod qui démontrait que chacun de nous avons 347 gènes dédiés à la perception des odeurs et que 50 % de ces gènes sont différents d’une personne à l’autre.

M. Gotti cite aussi un article de la revue allemande Vinum de ce mois-ci qui dit que 25 % d’entre nous ne peuvent pas détecter l’odeur du muguet et pire que la moitié d’entre nous ne sentent pas la violette ou la détestent.

Dans son article Le mythe du grand nez, comment notre cerveau nous joue des tours, la journaliste Britta Wiegelmann citée par M. Gotti écrit que «beaucoup de professionnels du vin ne connaissent pas (ou pour être honnête ne veulent pas reconnaître) le rôle prépondérant de la biologie et de la physiologie dans une dégustation.»

Sauvignon-nez

Vous connaissez tous le sauvignon. Certains d’entre vous aiment, d’autres pas. Vous aimez certains types de sauvignon, d’autres beaucoup moins. Le sauvignon dégage une molécule particulièrement aromatique, la 4MMP. Mme Wiegelmann nous dit que «la qualité de l’odeur qu’elle exhale varie en fonction de sa quantité. A faible concentration le 4MMP (4-mercapto-4-méthylpentan-2-one) déploie un parfum de fleurs et d’agrumes, alors qu’à haute dose il passe progressivement du plant de tomate au pipi de chat. Maintenant imaginez deux personnes à la sensibilité très différente par rapport au 4MMP : l’une sera émerveillée par le parfum raffiné de fleurs, alors que l’autre cherchera sous la table si un matou ne s’y est pas réfugié.»

En plus de ne pas reconnaître certaines odeurs, chacun d’entre nous a une sensibilité différente aux odeurs qu’on reconnait. D’après la thèse de Sophie Tempère «les sujets les plus sensibles à l’IBMP (odeur de poivron vert dans le Cabernet Sauvignon), repèrent ce composé à des doses milles fois inférieures à celles que perçoivent les sujets les moins sensibles. Ces écarts se sont vérifiés sur d’autres composés.» (Labivin)

J’ai déjà participé à un concours ou il fallait juger des sauvignons. La moitié des jurés dégustateurs ont donné de très faibles notes aux sauvignons qu’ils qualifiaient de pipi de chat; l’autre moitié leur ont donné de fortes notes disant qu’ils sentaient les agrumes, les fruits tropicaux!

Écurie, barrique et bouchon

Faites une expérience autour de vous (ou vous l’avez peut-être déjà faite) faites dégustez un vin que vous trouvez moyennement boisé et vous verrez qu’une partie de vos amis le trouveront trop boisé et certains pas du tout. On le qualifiera de vanille, de noix de coco, même de deux-par-quatre (de madrier). La même chose avec un sauvignon herbacé, ou même un vin un peu bouchonné. On ne sent pas la même chose. Notre odorat est aussi individuel que nos empreintes digitales.

Si vous avez la chance, ou la malchance de tomber sur un vin bretté aux fortes odeurs de cheval, d’écurie, de ferme, vous constaterez que certains aiment, d’autres sont indifférents et plusieurs détestent ces vins contaminés par les levures de type Brettanomyces.

Le vin contiendrait de 100 à 500 de ces molécules différentes. Alors, si on analyse le vin seulement du point de vue olfactif, on aura des résultats fort différents d’une personne à l’autre.

Il faut ajouter à cela que les odeurs, les arômes dans le vin varient dans le temps. Un jour, on y détectera telle odeur, 20 minutes plus tard ce sera une autre. Dépendant de la température du vin, nous serons tous différemment sensibles à telle ou telle odeur.

Un dégustateur écrit «Le Puligny Montrachet Premier Cru Clos du Cailleret 2008 du Domaine des Lambrays, que j’avais qualifié de trop amer et d’austère la veille, offrait ce soir un nez élégant sur des notes végétales, du citron, de la minéralité et une touche d’ananas…» (In Vino Veritas no 146) Après aération, ou séjour dans une bouteille rebouchée, le vin sera différent le lendemain. L’oxygène modifie les arômes.

Un catalogue d’odeurs

Est-ce que les dégustateurs ne focalisent pas un peu trop sur les odeurs du vin. Comme le dit si bien Benoit Guy Allaire dans son livre Goûter le vin «Toutes les odeurs du monde peuvent se retrouver dans le vin. Les identifier est un jeu qui passionne nombre de dégustateurs. Il y a cependant plus dans l’analyse des arômes que de seulement en dresser le catalogue. Le nez d’un vin peut aussi donner de précieuses indications sur son état de santé, son origine et, surtout, sa qualité.»

D’ailleurs, autrefois, les vignerons et les marchands de vin ne mentionnaient les odeurs que lorsqu’il était question de défauts. Si on lit bien les descriptions de vin de l’auteur Michel Phaneuf, il est peu fait mention d’odeurs et d’arômes. Il se concentre plus sur la structure et les saveurs en bouche du vin.

D’ailleurs mêmes en ce qui concerne les défauts olfactifs du vin, «beaucoup croient savoir et en fait se trompent», disent Gilles de Revel et Sophie Tempère de la Faculté d’œnologie de Bordeaux. (www.sudouest.fr)

Après les odeurs, les goûts

Que faire alors?
Autant pour le consommateur que pour le communicateur sur le vin, il faut se concentrer un peu plus sur la perception du vin en bouche. Sa texture, son toucher de bouche, l’impression qu’il laisse, son acidité, sa sucrosité, etc. Et là encore restons conscients de nos différences de goût.

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    Article modifié le 30 juin 2011