Un résumé des audiences de ce matin est fait par Pierre Alexandre Borduc de Radio-Canada, Moncton à l’émission Midi-Info. (Audio 3 min 25)
Demain, ce sera au tour d’organismes représentant des producteurs, commerçants et des consommateurs qui exposeront leurs arguments.
La Cour suprême du Canada se prononcera sur la légalité des lois limitant le commerce du vin et autres alcools au Canada.
La situation du commerce du vin au Canada est l’une des plus aberrantes et inefficaces au monde. Les vignerons, les commerçants et les consommateurs de vin n’ont pas la liberté d’acheter ni de vendre du vin d’une autre province.
Les juges de la Cour suprême du Canada entendront mercredi et jeudi une demande d’appel concernant un incident qui s’est produit à la frontière du Nouveau-Brunswick. Un citoyen de cette province est allé acheter de l’alcool de l’autre côté de la rivière au Québec et l’a rapporté chez lui. Le choix de bières, vins et spiritueux est si lamentable et si cher au Nouveau-Brunswick que la majorité des clients des dépaneurs et de la succursale de la Société des alcools du Québec de Pointe-à-la-Croix sont des Néo-Brunswickois. (1)
Le samedi 6 octobre 2012, Gérard Comeau de Tracadie se fait arrêter après avoir traversé le pont qui relie le Québec au Nouveau-Brunswick et est accusé d’avoir rapporté illégalement de l’alcool acheté dans une autre province. Monsieur Comeau conteste disant que la loi provinciale obligeant les citoyens à acheter exclusivement l’alcool de la société des alcools de la province est anticonstitutionnelle.
Il gagne sa cause. Le juge Ronald Leblanc dit que la constitution de 1867 permet de transporter de l’alcool d’une province à l’autre. « L’alinéa 134b) de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick constitue un obstacle commercial qui contrevient à l’art. 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 et, en conséquence, il est inopérant contre Gérard Comeau.» L’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit que «Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.»(«be admitted free into each of the other Provinces», dans la version anglaise.)
Selon le juge Leblanc, les Pères de la Confédération voulaient le libre-échange entre les provinces suite à la fin du libre-échange avec les États-Unis à la fin de la guerre de Sécession. Le juge écrit que «beaucoup d’Américains avaient l’impression que les habitants de l’Amérique du Nord britannique étaient des sympathisants de la Confédération sudiste. À tort ou à raison, ils leur reprochaient d’aider le Sud dans la guerre de Sécession américaine. Cela a amené les États-Unis à imposer une panoplie d’obstacles non tarifaires aux produits importés des colonies britanniques.» (1)
C’est gros! Ça touche beaucoup de monopoles au Canada. L’affaire se retrouve donc cette semaine en Cour suprême.
Les citoyens contre les politiciens
Les provinces canadiennes et plusieurs groupes ont demandé de se faire entendre de la Cour dans cette affaire. Il y a plus de 20 intervenants dont les procureurs généraux de la plupart des provinces, le Consumers Council of Canada, des représentants des commerçants et des vignerons.
Les consommateurs et commerçants sont favorables au libre commerce du vin alors que les dirigeants politiques des provinces sont contre. Vous pouvez lire leurs arguments en suivant les liens au bas de ce texte. À lire ces arguments — c’est citoyens contre politiciens. Chacun choisit de présenter des arguments favorables à ses intérêts. Ils seront entendus les 6 et 7 décembre à Ottawa.
Les citoyens, eux, se sont déjà prononcés sur le sujet. En effet, 84 % des Canadiens se disent favorables au libre commerce du vin, selon un sondage mené en octobre par la maison Ipsos. (2)
Il est question ici de la liberté des citoyens opposée à la volonté des gouvernements provinciaux de limiter cette liberté pour protéger des intérêts locaux.
Les arguments
Voici quelques extraits des plaidoiries qui seront présentées aux juges.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick
«A literal interpretation of the Constitution is to be avoided.»
Gérard Comeau
«S. 121 prohibits all internal trade barriers, both tariff and non-tariff.»
Le gouvernement fédéral
«le présent pourvoi donne à la Cour l’occasion de se pencher sur la portée de cette disposition d’une façon plus nuancée, vu la nécessité d’interpréter la Constitution d’une manière évolutive qui tienne compte des réalités d’aujourd’hui.»
Le gouvernement du Québec
«Si cette Cour maintenait l’interprétation de l’article 121 de la L.C. de 1867 donnée par le juge de première instance, celle-ci aurait des impacts sur une multitude d’aspects du commerce, notamment les suivants. A) La mise en marché collective B) Les monopoles et entreprises d’État et les accords de commerce.»
Le gouvernement de l’Ontario
«it is not the Court’s role to determine whether liquor monopolies are wise or unwise public policy.»
Le gouvernement de la Colombie-Britannique
«Since Section 134 of New Brunswick’s Liquor Control Act is necessarily incidental to the existence of a publicly-owned provincial monopoly on the distribution and sale of alcoholic beverages, and since such monopolies further legitimate policy objectives, section 134 is consistent with section 121 of the Constitution Act, 1867.»
Consumers Council of Canada
«the sale of alcoholic beverages, as ones where internal trade barriers affect consumer rights.»
Institut économique de Montréal
«The Court should eliminate non-tariff trade barriers through a broad interpretation of section 121 that recognizes modern economic realities.»
Canadian Chamber of Commerce
«The key issue on this appeal is how the interpretation of s. 121 can be modernized so as to prohibit some non-tariff barriers while still leaving space for provincial activity that may affect interprovincial trade.»
Chacun des intervenants sera entendu une dizaine de minutes mercredi et jeudi devant les juges de la Cour suprême à Ottawa. Ça sera diffusé sur le web. Le jugement devrait être rendu en mai.
Les intervenants dans l’affaire Comeau en Cour suprême du Canada
(tel qu’affiché dans le site de la Cour suprême)
- Appellant Her-Majesty-the-Queen.pdf
- Respondent Gerald-Comeau.pdf
- Intervenante Procureure-générale-du-Québec.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Prince-Edward-Island.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Ontario.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Saskatchewan.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Alberta.pdf
- Intervener Attorney-General-of-British-Columbia.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Northwest-Territories.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Newfoudland-and-Labrador.pdf
- Intervener Government-of-Nunavut.pdf
- Intervener Attorney-General-of-Canada.pdf
- Respondent Gerald-Comeau.pdf
- Intervenant Procureur-générale-du-Canada.pdf
- Intervener Consumers-Council-of-Canada.pdf
- Intervener Alberta-Small-Brewers-Association.pdf
- Intervener Liquidity-Wines-Ltd-et-al..pdf
- Intervener Artisan-Ales-Consulting-Inc..pdf
- Intervener Canadian-Chamber-of-Commerce-and-Canadian-Federation-of-Independent-Business.pdf
- Intervener Canada’s-National-Brewers.pdf
- Intervener Montreal-Economic-Institute.pdf
- Intervener-Cannabis-Culture.pdf
- Intervener-The-Association-of-Canadian-Distillers-Operating-As-Spirits-Canada.pdf
- Intervener Dairy-Farmers-of-Canada-et-al.pdf
- Intervener Federal-Express-Canada-Corporation.pdf
- Intervener Canadian-Vintners-Association.pdf
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(1) Le jugement Gérard Comeau, juge Ronald Leblanc, Campbellton, août 2016
(2) Le cas Comeau, sondage d’opinion canadien. Favorables au libre commerce
Le commerce de l’alcool en Cour Suprême
Texte publié le 4 décembre et mis à jour le 6 décembre.