Le nombre de vins à moins de 15 $ ne représente plus que 6 % de l’offre de la SAQ, alors que c’était 15 % il y a 5 ans.
Comment en est-on rendu là?
Les gens des relations publiques de la société d’État disent que c’est à cause de l’inflation et des taxes. Pourtant, l’inflation est minime et les taxes n’ont été haussées que de quelques 25 cents. La chef des relations publiques de la SAQ a même déjà laissé entendre que c’était parce que les Québécois voulaient des vins plus chers!
Ce n’est pas suffisant pour expliquer la chute du nombre de vins de moins de 15 $ au répertoire de la SAQ. Rappelons-le, les «petits vins» c’est 6 % du répertoire qui rapportent 58 % des ventes de la SAQ.
Alors comment on fait pour éliminer les vins de moins de 15 $?
La réponse est simple: on fait comme on a fait pour éliminer les vins à moins de 10 $.
Objectifs plus élevés pour les petits
Plusieurs stratagèmes sont employés. Je vais en mentionner deux ici. Le premier consiste à fixer des objectifs de vente plus élevés pour les vins moins chers.
Regardez bien ce tableau que la SAQ publie à l’intention des producteurs de vin. Celui-ci est destiné aux producteurs de vins rouges d’Espagne qui veulent vendre dans la section des produits courants. Si un vin rouge d’Espagne de moins de 11 $ n’atteint pas l’objectif de vente de 1,5 million de dollars, il sera à risque d’être retiré du répertoire courant. On dit qu’il sera «délisté».
On constate à la lecture du tableau que plus le producteur nous vend son vin cher, plus il aura de chance de rester dans le répertoire, le «listing», comme ils disent.
Le producteur peut aussi faire une substitution. Abandonner son vin à bas prix pour un autre plus cher. Ce qui s’est produit à plusieurs reprises au cours des deux dernières années.
Régulièrement, la SAQ fait tomber en bas de la table, des vins pas chers qui n’atteignent pas leur objectif. On les remplace alors. C’est ici qu’intervient le deuxième stratagème: l’appel d’offres au prix plancher.
Appels d’offres à prix plancher
En général, lorsqu’un grossiste fait un appel d’offres, il vise à obtenir un produit au prix le moins cher possible afin de pouvoir le vendre moins cher que la concurrence tout en faisant un bon bénéfice.
Mais pas la SAQ, elle fixe plutôt des prix plancher comme dans l’exemple suivant de l’appel d’offres 2013-2014 des vins rouges d’Espagne pour sa section des produits courants. Elle veut quatre vins, mais fixe un prix minimum de 15 $.
Alors, imaginer un producteur de vin d’Espagne produisant un rouge qu’il pourrait nous vendre de façon à ce qu’il soit à 12-13 $ sur notre marché. Il voit bien que son offre ne sera pas acceptée. Il proposera alors son vin à plus de 15 $ afin d’avoir une chance d’être choisi.
C’est donc ainsi qu’on fait disparaître des vins à moins de 15 $ pour les remplacer par des vins plus chers.
La SAQ n’a pas de concurrence, donc n’est pas obligé de vendre à bon prix, ni alors d’acheter à bas prix. D’ailleurs, elle n’a pas intérêt à acheter à bas prix. Sa majoration sur les vins pas chers est fixée de manière bureaucratique et technocratique à 134 %. Donc, plus elle paie cher pour un vin, plus elle remet de l’argent au gouvernement, respectant ainsi ses objectifs de bénéfices exigés par le politique.
Face à la grogne
Est-ce que les dirigeants de la SAQ peuvent continuer ainsi longtemps?
Face à la grogne de la population et même de certains députés, la SAQ réagit. En commission parlementaire en juin dernier, des députés — surtout du parti au pouvoir (libéral) — ont critiqué les dirigeants de la SAQ qui abandonnent «les vins pour les consommateurs ordinaires». Le nouveau président a dû promettre de protéger ce segment. «Le pain, pis le beurre, le gros de la business c’est le 1100 produits réguliers (…) On travaille ça. On convient qu’il faut améliorer ça», a dû promettre M. Alain Brunet.
Ainsi depuis octobre, on voit apparaître de nouveaux vins à moins de 15 $ sur les rayons, même certains à moins de 10 $. Plus de 30 % des nouveaux arrivages de cette semaine sont à moins de 15$; alors qu’ils n’étaient que 6 % au printemps.
On peut s’attendre aussi à une légère baisse de prix sur plusieurs vins jeudi de la semaine prochaine.
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