«Ça ne goûte pas le pinot. Ce n’est pas ça du pinot. Ce n’est pas ça pour moi du pinot. Ça ne pinote pas!»
«Ce n’est pas un très bon champagne, il ne goûte pas le biscuit, la brioche.»
J’entends cela souvent. Je suis tenté alors de répondre que le bon pinot, ça ne goûte pas le pinot. Le bon champagne, ça ne goûte pas la brioche. C’est commun. Le bon sauvignon ne goûte pas la pelouse; le bon chardonnay ne goûte pas le beurre. Le bon riesling ne goûte pas nécessairement le pétrole. Le meursault ne goûte pas toujours le jus de madrier. Ce sont des arômes communs, soit, mais commun dans le sens de presque vulgaire.
Les très bons vins ont plus que ça à offrir et surtout pas ça! On dirait que des gens cherchent le générique, le repère. Ils se sont fixé un standard aromatique qu’ils cherchent à retrouver dans tous les vins d’un même cépage, d’une même appellation. Il me semble que ça doit devenir monotone. Pourtant, ça semble réconfortant. On se retrouve en terrain connu.
Certains ont même tendance à rejeter un vin s’il n’est pas conforme à l’idée qu’ils se font des arômes et du goût du cépage principal du vin. «Ce n’est pas ça du cahors, ce n’est pas ça du bordeaux», entend-on! Pourtant, le plaisir du vin n’est-il pas dans la diversité, dans la surprise, dans l’étonnement, dans le dépassement, dans le hors de l’ordinaire?
Le beaujolais d’aujourd’hui, le bon, ne goûte pas le beaujolais d’il y a 10 ans. Il aurait perdu sa typicité! Et c’est tant mieux. Certains beaujolais ne goûtent pas le beaujolais, et ce sont souvent les meilleurs.
Est-ce que cette recherche de la typicité ne nous mène-t-elle pas droit à la plate standardisation?
La typicité n’est-ce pas une mode? On suit la mode du moment. Ça doit goûter ceci, alors fabriquons-le de façon à ce qu’il goûte ceci. La mode est au sauvignon poivron, au chardonnay beurré, au riesling pétrolé, au pinot pastille à la cerise, au cabernet vanillé. C’est lassant!
Les vins du Nouveau Monde nous semblent souvent typiques. Ces producteurs suivent une recette. Ils cherchent à atteindre un style donné, prédéterminé. Ailleurs, on s’égare, on nous égare, on nous déboussole, on est perdu, pour notre plus grand plaisir.
Je goûtais le mois dernier un vin blanc de la Loire original. Des arômes difficiles à décrire. Je suis en terrain inconnu. Mais c’est très bon. Je lis alors sur la contre-étiquette: sauvignon et chardonnay. Deux cépages communs très répandus. Des cépages français qu’on dit internationaux, tellement, ils sont répandus. Toutefois, je ne reconnais aucune des caractéristiques aromatiques attribuées généralement à ces cépages. Est-ce dire que le vin n’est pas bon? Pas du tout, il est très bon. Alors quoi?
Des vignerons disent qu’ils visent à refléter le terroir dans leur vin, mais pas les arômes variétaux du cépage. Ils affirment que si ces arômes typiques du ou des cépages dominent, alors ils ont manqué leur coup et n’ont pas réussi à préserver et à transmettre le goût du terroir à leurs vins!
C’est peut-être ce qui s’est passé dans ce vin de la Loire. Pas typique des cépages, mais peut-être typique du terroir. Allez savoir!
Le goût typique du cépage n’est-il pas dû à des modes de fabrication et à l’usage de levures typiques, de levures destinées à accentuer les arômes variétaux. Il y a de plus en plus de vignerons qui retournent aux levures indigènes, aux levures présentes dans leur environnement, n’ajoutant pas de levures exogènes achetées. On risque alors d’avoir des vins plus originaux que typiques. Et c’est tant mieux!
Voir aussi le texte La typicité est un défaut.