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Pourquoi percevons-nous les sensations en bouche si différemment?

La réponse: la salive!
Au mois de mai, je faisais une présentation sur les vins du cépage malbec, avec 11 vins à l’appui. Pour l’un des vins, un des participants dit qu’il est très acide et très tannique; un autre s’étonna et affirma que le vin est parfaitement équilibré; puis un troisième se déclara totalement en désaccord affirmant que ce vin est bien mou!

Pourquoi il y a-t-il une si grande différence de perception gustative des tanins et de l’acidité d’une personne a l’autre?
La réponse: la salive.

L’acidité
Nous ne percevons pas l’acidité directement sur la langue, car l’acidité est diluée par la salive. Donc, ce que nous goutons sur la langue, c’est le mélange acide-salive.

Il faut aussi savoir que la production salivaire varie de 1 à 15 selon les individus.
«Le flux salivaire varie d’environ 0,1-0,2 à 1,2-1,5 millilitre par minute.» (Jacques Blouin: Le dictionnaire du vin et de la vigne (Dunod). À l’article Saveurs).

Prenons donc un vin assez vif avec un taux d’acidité de 6 g/l et un pH de 3,3.
Puis deux individus: Gertrude et Gaspard.
Gertrude produit 1 millilitre de salive pendant que Gaspard en produit 15. Lorsque Gertrude va recevoir ce vin, elle va dire que c’est de l’acide à batterie; alors que Gaspard va le trouver mou.

Mais ici Gertrude et Gaspard sont des cas extrêmes; fort heureusement peu nombreux.
En statistique, il y a une forme que l’on rencontre souvent, c’est celle de la cloche.
Sur la verticale, on a la population; sur l’horizontale, la production salivaire: de 1 à 15.

On voit ainsi que ceux qui produisent peu de salive à gauche ainsi que ceux qui en produisent beaucoup à droite sont peu nombreux. La majorité de la population se retrouve au centre, au haut de la cloche où les écarts sont moins grands. Mais tout de même de 6 à 9. Donc un écart de 50 %. Ce qui explique en partie les écarts d’appréciation de l’acidité d’un produit.

Tanins
Maintenant, comment expliquer les différences de sensation tannique d’une personne à l’autre?
La salive encore. Oui, la salive agit comme tampon entre le liquide tannique et la langue, les gencives et le palais.

Qu’est-ce qui confère le caractère lubrifiant de la salive? Les protéines. Que font les tanins lorsqu’ils arrivent en contact avec les protéines? Ils les érodent, leur faisant perdre leurs propriétés salivaires.

Alors, imaginons Gertrude avec sa petite quantité de salive, donc de protéines. Elle aura l’impression d’avoir une boule de papier sablé dans la bouche. Pendant ce temps Gaspard dira que ça commence à être intéressant!

Il y a bien sur aussi d’autres facteurs qui peuvent modifier nos facultés gustatives: tels la nourriture qu’on a absorbée, le temps écoulé depuis le dernier repas, le dentifrice, les médicaments, la fatigue, les stimulations, les émotions, notre état physiologique, nos expériences… Une odeur peut nous faire saliver, la vue d’une belle étiquette, un bruit, le pop d’un bouchon, une pensée réjouissante… La crainte, la peur, un grand effort physique ou le stress fait le contraire.

Donc, pour une même personne, la production salivaire peut varier d’un moment à l’autre faisant ainsi apparaître un vin tannique; alors qu’il était souple l’instant d’avant ou l’inverse.

En moyenne, au repos la production salivaire est l’équivalent de 100 ml/jour, si nous sommes stimulés c’est 10 fois plus. La production moyenne est de 1,5 litre par jour.

Ainsi, il ne faut pas s’étonner de voir des différences énormes de description d’un vin d’une personne à l’autre. Nous sommes bien différents, uniques même.

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