Le vin bio, on en fait, on en boit!
On entend beaucoup de choses sur les pesticides dans le vin. Les producteurs de raisins — tout comme tous les producteurs de fruits — utilisent beaucoup de pesticides et autres produits chimiques de synthèse dans leurs champs. Ce qui laisse une certaine quantité de produits nocifs, toxiques, cancérigènes, mutagènes et autres perturbateurs endocriniens. (1)
Les producteurs biologiques affirment ne pas agir ainsi. Toute cette mauvaise publicité autour des pesticides pourrait bien les aider et encourager d’autres vignerons à les rejoindre.
Qu’est-ce qu’un vin biologique? C’est un vin fait par un producteur qui n’utilise pas de produits chimiques du genre herbicides, insecticides, fongicides et engrais. Il préfère les produits organiques. Il y a toutefois deux exceptions: le soufre et le cuivre auxquels on n’a pas encore trouvé de substituts.
Pourquoi agissent-ils ainsi?
Pour leur santé, la nôtre, celle de leur vigne, de leurs sols, de l’environnement, pour le marketing, pour produire de meilleurs vins, pour mieux refléter le terroir…
«Être bio pour un vigneron, comme pour tout agriculteur, c’est tout à la fois une philosophie, une éthique, un engagement», dit Évelyne Malnic.
Pourquoi mettre des produits chimiques sur les vignes? On n’en met même plus sur nos pelouses. Pourtant, je ne connais personne qui mange sa pelouse. Mais des raisins on en mange, du vin on en boit. C’est légal de mettre des produits chimiques sur les raisins, comme sur les fraises et autres fruits.
Le DDT et la MIUF étaient légaux et autorisés, même encouragés. La viticulture est l’activité agricole qui utilise le plus de produits chimiques. La vigne couvre 3 % des surfaces cultivées en France, mais utilise 20 % des pesticides. (2) Les taux de cancers sont d’ailleurs très élevés chez les travailleurs de la vigne. (Deux fois et demie plus élevé) (8)
Lorsqu’on voit de grandes étendues de vignes sans arbres, sans insectes, sans oiseaux et sans animaux — sans vie presque — c’est un peu moche et on se demande si c’est bien.
Un jour, en visitant un vignoble à Chablis, je fus agréablement surpris de voir un bosquet de bonne dimension entre deux vignes et je demandais si cela avait un effet favorable sur sa vigne. Le propriétaire me répondit que si c’était à lui, ça ferait longtemps que ces seuls arbres de la plaine seraient disparus.
En Californie, des résidants se sont opposés à l’agrandissent de certains vignobles. Ils préféraient voir de la construction domiciliaire. «Au moins, dans ces quartiers de briques, de béton et de bitume, il y aura des arbres,» dirent-ils. Étonnant! Ça a fait réagir plusieurs vignerons du coin.
Bon pour la santé?
Ces produits chimiques, est-ce que c’est bon pour la santé? Personne ne semble le savoir. Il y a des règles concernant l’utilisation du chimique sur les fruits, mais pas dans le vin! On nous affirme qu’il n’y aurait pas trop de produits nocifs sur les grappes et qu’on n’a pas de preuve que c’est dangereux. D’ailleurs, personne ne mange toute une grappe de raisin. On se retrouverait vite au petit coin. Par contre, on peut boire toute une bouteille de vin (à deux!), et il peut y avoir plusieurs grappes de raisin dans une bouteille. Alors, accumulation?
Les organismes de santé de plusieurs pays demandent aux producteurs de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. On veut fixer des limites maximums permises: des LMP. En Europe, on a lancé des appels d’offres pour faire des études sur la toxicité de ces produits. L’Institut français du vin et de la vigne a demandé de fixer des limites maximales et de les harmoniser d’un pays à l’autre. L’Office international de la vigne était favorable, mais l’Australie a refusé. (3)
Il y a des progrès tout de même. En France, les accords du Grenelle Environnement prévoient qu’on devra réduire de moitié les quantités de pesticides sur les cultures d’ici 10 ans. (4)
Des laboratoires font des tests sur la contenance des produits chimiques dans le vin. Ça se fait à la demande des producteurs. Le laboratoire de la LCBO en Ontario effectue de tels tests pour des vignerons situés aussi loin qu’en Grèce. Mais les résultats ne sont pas rendus publics.
Certains vignerons auraient tellement utilisé de pesticide que l’agronome Claude Bourguignon affirme que des sols sont morts. «Certains terroirs ont une vie microbienne moins riche que le désert du Sahara. Ces terroirs sont morts.» Il dit que le Beaujolais prendra des décennies à se remettre des dégâts du désherbage. Il ajoute dans une entrevue à la Revue du vin de France «qu’on ne vienne surtout pas nous parler du goût de terroir dans le Médoc, c’est une plaisanterie.»
Alors, on tue toute vie dans le sol sous la vigne pour ensuite ajouter de l’engrais de synthèse. Le sol ne devient qu’un support inerte. On fait le vin ensuite dans la cave. On tue même les levures naturelles pour les remplacer par des levures achetées dans le commerce.
Autrefois, tous les vins étaient bio. Ce n’est qu’après la Première et surtout la Deuxième Guerre mondiale (1939-45) que l’industrie chimique s’est reconvertie dans la production d’engrais chimique, d’herbicides et autres produits de synthèse pour combattre les champignons (fongicides) et les insectes (insecticides) dans l’agriculture.
Pourquoi les vignerons ne sont-ils pas tous bio?
Certains le sont, pourquoi pas tous? S’il est possible de produire du vin sans pesticides et autres produits hautement toxiques, pourquoi tous les vignerons ne le font-ils pas?
Les raisons: manque de connaissances, habitudes, formations, traditions, paresse, conditions régionales particulières, manque de volonté…
Des attitudes différentes! Il y a des producteurs qui ne tolèrent aucune bibite dans leur champ. D’autres lorsqu’ils découvrent une coccinelle sur la table de tri s’empressent d’aller la remettre dans le champ.
Une chose est certaine: si le consommateur demande du vin sans pesticide, les producteurs bio seront plus nombreux.
À quand la première appellation bio? Les producteurs des Baux de Provence ont déjà fait une telle demande il y a quelques années. L’INAO, au début réceptive, a refusé par après. Le projet a refait surface et pourrait aboutir.
D’ici 30 ans, tous les vins seront bio, nous dit la Revue du Vin de France. «Le retour à un travail équilibré des sols est inévitable pour tous les grands vins.»
Est-ce que le vin bio est meilleur?
Souvent, oui. Les arômes et les saveurs peuvent même être plus variés. Les producteurs bio utilisent souvent les levures naturelles de leurs terroirs, donc les saveurs peuvent être originales. Ils utilisent aussi moins de sulfite. «Les quantités de soufre (So2) utilisées pour le vin bio sont inférieures de moitié à la normale. C’est la raison pour laquelle le vin bio est moins susceptible de provoquer des maux de tête qu’un vin issu de culture conventionnelle, écrit Pascal Patron dans son deuxième guide sur le sujet, Le Guide Patron des vins bio, Amérik Média, 2010.
«Il n’est pas construit sur l’alcool, mais sur une densité de saveurs», affirment Antoine Gerbelle et Denis Saverot de la Revue du Vin de France. Ils ajoutent qu’il est plus floral, plus minéral et qu’il contient plus d’extraits secs et a souvent une petite touche saline. Ils recommandent de l’aérer parce qu’il «est souvent plus difficile d’accès au nez à l’ouverture de la bouteille» et il peut aussi contenir encore du gaz carbonique. Il faut le goûter à table et sur plusieurs verres.
Comment savoir si un vin est bio?
Ce n’est pas facile. Alors que certains producteurs l’affichent sur leurs bouteilles, d’autres ne l’indiquent pas. Quelques-uns apposent le nom des organismes de certification bio. On verra alors les mentions comme Ecocert, Demeter, Qualité France, Ecologica, Nature et Progrès, AB, Biodyvin, QuébecVrai…
Des vignerons comme Bernard et Mathieu Baudry en Loire disent «nous ne revendiquons pas le label « culture biologique ». Toutefois, nous n’utilisons pas du tout d’herbicides et, depuis 2006, nous travaillons sans pesticides et sans engrais chimiques de synthèse.»
Il est plus difficile de produire bio en zone humide.
En 2012, l’Europe a harmonisé ses législations sur la production de vin bio.
Sur le site de la SAQ, en faisant une recherche dans la sous-catégorie agrobiologique on trouvait en 2008 73 vins issus de culture agrobiologique. Ils sont maintenant (janvier 2013) 160. C’est tout de même peu sur 8 200 vins: moins de 2 %. La surface de vignoble bio a doublé au cours des dernières années en France, passant de 3 % à un peu plus de 6 %. Et le nombre de conversions bio s’accentue. (9)
Est-ce que c’est plus cher?
On dit les vins bio plus chers. Ils coûteraient plus à produire selon certains. D’autres disent le contraire «produire du vin bio ne coûte pas plus cher, étant donné que les produits naturels pour lutter contre les insectes sont souvent moins chers que les produits chimiques,» affirme Jean-Yves Bechet du Château Fougas.
Parmi les 160 vins indiqués sur SAQ.com (janvier 2013), 68 sont en bas de 20 $.
On en boit plus souvent qu’on pense. Même si plusieurs producteurs ne l’indiquent pas sur l’étiquette, une consultation du dernier livre de Pascal Patron (6) nous permet de noter au passage des noms bien connus qui sont des producteurs bio: Lageder, Beaucastel, Aupilhac, Gérard Bertrand, Carpineto, Ijalba, Roches Neuves, Moussière, Albert Mann, Ostertag, Nerthe, Stéphanne Tissot, Champs de Mars, Tour des Gendres, Chapoutier, Tour de l’Évêque, Castorani, Torrès, Parès Balta, Romanée Conti, Pontet Canet, Ausone…
Au Québec, il y a seulement cinq vignobles bio: le Vignoble des Négondos à Saint-Benoit de Mirabel, le Vignoble Les Pervenches à Farnham, le Domaine des Météores à Ripon en Outaouais, le Vignoble Saint-Gabriel dans Lanaudière et le Vignoble Pigeon Hill à Saint-Armand.
Donc une filière à suivre…
À votre santé!
Voir la section des vins bio et celle des bons rapports qualité-prix en bio.
(1) Voulez-vous boire des pesticides?
(2) Résidus de pesticides dans les vins – Controverses en série
(3) Cemagref, Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement
(4) www.legrenelle-environnement.fr
(6) Le Guide Patron des vins bio, Amérik Média, 2010
(7) www.aqui.fr
(8) Agriculteurs et cancer, le risque des pesticides
(9)Viticulture biologique: un nouveau pas franchi dans l’harmonisation européenne, février 2012.
(10) Le label vin bio européen, mars 2012
Articles connexes:
- Vin bio, un incitatif à acheter ou non?
- Fin de la section bio à la SAQ
- Pas facile de trouver du vin bio au Québec!
- Forte hausse des ventes de vin bio au Québec
- Quelques belles découvertes au salon Millésime Bio 2011
- Tous les vins seront bio
D’autres liens
- Charte vin bio FNIVAB (pdf)
- Le vin bio – Mythe ou réalité? Jean-François Bazin, Dunod
- Vin biodynamique – vidéo de 2 min
- Questions de terroirs – Claude et Lydia Bourguignon, audio et transcription
- Agence Bio – AB
- Nature et Progrès
- Demeter, biodynamique
- Biodyvin, biodynamique
- Cahier des charges biodynamiques 2009
- Plus belle la vigne, site internet d’Évelyne Malnic sur le vin bio
- Un vignoble bio au Québec Les Pervenches (Vidéo 6 min 41,Télé Québec, 2009)
- Le premier vignoble bio au Québec, Négondos (Vidéo 8 min Radio-Canada, 2008)
- Qu’est-ce que le vin bio? AIVB-LR, janvier 2012 (PDF)
- Guide de lecture Vin Bio pour l’application du règlement, INAO (PDF)
Ce texte est une refonte du premier texte Les vins bio fait en avril 2008.
Dernière modification: 25 février 2013.