La vérificatrice du Québec vient de dire aujourd’hui ce que nous constations depuis plusieurs années :
Les dirigeants de la Société des alcools veulent payer les vins cher pour pouvoir nous les vendre cher.
«Le prix départ chais constitue la base de la détermination du prix de détail. La conséquence en est que plus le prix départ chais descend, plus la majoration appliquée par la SAQ baisse, ce qui, par le fait même, diminue sa rentabilité.» C’est ce que dit la vérificatrice du Québec, Guylaine Leclerc dans son rapport remis à l’Assemblée nationale aujourd’hui.
C’est que les patrons de la SAQ appliquent une majoration élevée sur le prix coutant. Ainsi, plus ils paient cher les vins, plus ils rapportent de l’argent au gouvernement. Ils ne sont ainsi pas intéressés à acheter des vins à bas prix, parce cela leur procurerait moins de revenus. Le vérificateur général de l’Ontario avait fait les mêmes observations concernant la LCBO en 2011.
La direction de la SAQ a adopté plusieurs tactiques ces dernières années pour payer cher les vins. Nous en avons observé trois de ces tactiques. Ce sont :
- les appels d’offre à prix plancher élevé;
- les fixations d’objectifs de vente plus élevés pour les vins à petits prix;
- les substitutions.
La première, l’appel d’offres à prix plancher élevé consiste à demander un prix de base élevé pour pouvoir entrer à la SAQ. Par exemple, on cherche un vin rouge espagnol pour la section des produits courants, on fixe alors un prix minimum de 17,50 $ pour être conforme à l’appel d’offres. Ainsi un producteur qui serait prêt à nous vendre son vin de façon à ce qu’il soit à 14 $; se fera dire par son agent qu’il devra l’offrir à la SAQ à au moins 17,50 $ pour être étudié dans le cadre de cet appel d’offres.
La SAQ fait cette opération plusieurs fois par année pour chacune de ses 23 catégories de vin rouge et de ses 20 catégories de vin blanc. Plus de 100 vins disparaissent annuellement de la section des produits courants et sont remplacés par d’autres souvent plus cher.
La demande pour les vins à petit prix est forte, toutefois comme l’a constaté aussi la vérificatrice générale «L’équilibre de l’assortiment des vins a été débalancé de 2010-2011 à 2014-2015. Par exemple, le nombre de vins de moins de 12 dollars offerts aux consommateurs faisait l’objet d’une sous-pondération. Au fil des ans, la SAQ a choisi des produits plus dispendieux, et ce, malgré la présence d’indicateurs de sous-pondération pour certaines tranches de prix.»
La deuxième, la fixation d’objectif de vente plus élevé pour les vins à petit prix consiste à imposer un fardeau plus élevé aux vins que les producteurs nous vendent à bas prix. Prenons un exemple. Si un vigneron place son vin dans la catégorie de moins de 11 $, il devra en vendre pour 1,5 million de dollars. Par contre, s’il le place dans la catégorie de 15 à 17,50 $ son objectif de vente sera d’un million $; mais s’il est assez gentil pour le placer dans la catégorie de plus de 17,50 $, son objectif de vente sera bien moindre à 750 000 $.
Si l’objectif de vente n’est pas atteint, le vin est retiré du répertoire. Il sera remplacé par un autre, souvent plus cher.
La SAQ fait ainsi disparaitre chaque année 10 % des vins courants, soit entre 100 et 140 vins.
Ainsi, les vins les moins chers ont plus de difficulté à rester dans le répertoire. De plus, les producteurs finissent par bien comprendre que les acheteurs de la SAQ ne veulent pas de vin cher.
La troisième tactique se nomme la substitution. La SAQ dit alors à l’agent représentant un vigneron qu’un de ses vins va être retiré parce qu’il est à risque de ne pas atteindre son objectif de vente. On offre alors à cet agent de proposer un autre vin. L’agent comprend bien son intérêt et substituera alors un vin qui peut être même du même producteur, mais sous une autre étiquette et souvent à un prix plus élevé.
C’est ainsi que le nombre de vins à moins de 15 $ a été réduit de moitié à la SAQ au cours des six dernières années. La SAQ n’a pas besoin d’augmenter les prix, mais plutôt de faire en sorte que ces vins disparaissent des tablettes et ne soient plus offerts.
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Rapport 2016 de la Vérificatrice générale du Québec, Chapitre 6.